Les plaisanciers disposent de peu de documents aussi légalement engageants, lorsqu'ils les remplissent, que le rapport de mer. Il décrit, par le détail, les circonstances de survenue d'un incident lors d'une navigation.
Obligatoire dans certains cas
Le rapport de mer doit être établi à chaque fois qu'un incident survient qui pourrait engager la responsabilité du chef de bord. Au titre de ces incidents on compte la pollution, la perte d'un équipier en mer, la collision avec un autre bateau, l'échouage ou encore la survenue d'un problème majeur à bord du bateau (incendie, voie d'eau…)
Le Bureau Enquête Accident mer (BEAmer) est en France l'organisme délégataire de l'Organisation Maritime International (OMI) pour étudier, analyser et produire un compte-rendu suite à la remise d'un rapport de mer.
Son directeur, François-Xavier Rubin de Cervens, nous explique les rouages et les principes de ce document, bien peu connu des plaisanciers.
"Le rapport de mer est un instantané d'une situation, au plus proche de la survenue l'évènement. Le rapport de mer est un relevé circonstancier des décisions, gestes et actions qui ont été entrepris par le capitaine ou le chef de bord du bateau. Il peut s'agir de virer, d'alerter les autorités ou de demander du secours. Ce qui compte, pour les enquêtes du BEAmer, est que ce rapport soit à la fois complet et factuel" explique le directeur de l'institution. L'utilité du rapport de mer est de mettre au clair l'ensemble des éléments qui pré-existaient à l'accident.
Le BEAmer ne traite la plaisance que dans les cas les plus graves
Fort heureusement, les drames - décès - sont rares dans le domaine de la plaisance. C'est sur eux, en grande proportion, que le BEA va intervenir. "Le reste des accidents passe sous nos radars" explique le directeur. Cela ne signifie pas pour autant que le rapport, en tant que document, est inutile. C'est, selon ce que nous expose le responsable "un outil utile aussi pour les compagnies d'assurance qui disposent, alors, d'un regard précis et complet sur la survenue d'un sinistre."
Le BEAmer reçoit 9 000 rapports chaque année. Dans la plupart des cas, s'il n'y a ni décès ni accident majeur, le BEAmer ne déclenchera pas d'enquête complète. Cela ne signifie pas que le rapport qui lui est remis est ignoré. Mais les enquêteurs de l'organisme (une trentaine de personnes pour tout le territoire) n'ont pas le temps matériel de regarder dans le détail les accidents mineurs survenus aux plaisanciers.
"Une condition absolue d'ouverture d'enquête concerne les décès. Ils font toujours l'objet d'une enquête, au moins préliminaire. Un rapport d'enquête ne sera émis que dans l'hypothèse où il y aurait eu possibilité d'éviter ce drame. S'il s'agit d'une personne qui chute d'un ponton car il est mouillé, nous ne ferons pas de rapport" explique le directeur du BEAmer.
La plupart des saisines directes qui arrivent au BEA émanant de plaisanciers sont le fait de personnes qui voient cet organisme comme un juge de paix entre les assurés et leurs assureurs. "Il n'en n'est rien" nous répond-on au BEA. "D'ailleurs, cela serait dévoyer notre mission que d'aller dans cette direction. Nous ne connaissons que les faits et les évènements qui sont rapportés ou que nous obtenons dans nos entretiens ultérieurs avec des parties prenantes."
Des leçons pour le plaisancier et la communauté maritime
"Une enquête peut être diligentée si plusieurs accidents ont lieu dans un espace-temps court relatif à un domaine en particulier ou dans des circonstances proches. Cela a été le cas, par exemple, avec les jet-skis il y a quelques années. Devant le nombre important de décès, nous avons non seulement ouvert des enquêtes mais aussi émis des recommandations" termine le responsable.
C'est là l'une des prérogatives du BEAmer, en plus de l'émission de rapports d'enquête. Il a le pouvoir d'émettre des recommandations qui pourront devenir des règlements, des normes ou des lois selon les cas.
Si la rédaction d'un rapport de mer est une tâche complexe et codifiée, il peut être frustrant pour les plaisanciers de savoir que rien n'est fait ensuite. Cependant, penser en forme de rapport de mer lorsqu'arrive un accident est à la fois une manière de garder la tête aussi froide que possible pour prendre les meilleures décisions et de rapporter à son assureur un état clair et précis, presque indiscutable, de la situation.
Enfin, c'est un excellent outil pédagogique pour soi comme pour la communauté dans son ensemble que d'être capable de retracer le scenario d'un accident et de déceler quels sont les éléments qui, mis les uns à la suite des autres, ont transformé une sympathique sortie en mer en accident.