La traction d'un bateau sur sa remorque constitue, et de loin, le facteur majeur de risque d'accident pour un bateau transportable, voilier comme bateau à moteur. Jean-Louis Dalloz président de l'AS Maraudeur, nous partage son expérience pour le remorquage de ses bateaux.
NB : Les photos sont là pour illustrer le sujet, mais ne correspondent pas aux bateaux de notre lecteur.
Récit d'un lecteur de Bateaux.com
Je tenais à vous faire part de mon expérience de remorquage de bateau.
Je suis un adepte du petit voilier transportable depuis plus de 40 ans, et dois être à ma douzième unité... Il se trouve que tractant un jour un Cap Corse tout neuf (5,75 m et 550 kg), ce dernier est parti violemment en lacets sur l'autoroute.
Ne m'étant pas affolé, j'ai réussi à reprendre le contrôle et échappé de justesse à une catastrophe. J'ai tenu à comprendre la raison de cette situation plus qu'inquiétante, pour mettre en œuvre des solutions correctrices. Ingénieur de formation avec la mécanique comme spécialité, j'aime comprendre ce qui se passe.
J'ai réalisé tous les réglages possibles : différents réglages de remorque, charge sur timon, pression des pneus, pose d'un stabilisateur… Mais sans aucun résultat.
Ayant pesé mon Cap Corse au retour de vacances, celui-ci affichait sur la bascule 1150 kg avec sa remorque et tout l'armement à bord. Ensuite, j'ai pesé soigneusement tout ce que j'ai débarqué, pour finir par peser la remorque seule.
Le poids du voilier vide s'affichait à 570 kg. Soit quasiment le poids de jauge de l'époque, mais surtout la moitié du poids total que je tractais derrière ma voiture.
Ce fut le départ d'une réflexion qui m'a conduit à trouver les réponses aux questions suivantes :
D'où provient cette différence de poids ?
- Le poids constructeur est souvent sous-évalué.
- Le poids annoncé est souvent celui du proto n°1, bien construit. Par la suite, la construction est moins rigoureuse et l'échantillonnage est plus lourd.
- Le bateau est souvent équipé d'options qui ne sont pas prises en compte dans le poids d'origine (cuisinette, équipets, vaigrage, couchages…).
- Mêmes remarques sur le poids de la remorque. Idem pour les accessoires qui sont très lourds (roue de secours et son support notamment)
- Équipements transportés à bord du bateau : Certains sont indispensables (mouillage, armement de sécurité…) d'autres quasi nécessaires (moteur, réservoir, pare battage, voiles...), sans oublier les équipements de confort pour la croisière côtière (matelas, coussins, équipement de cuisine, outillage, effets personnels marins…).
- Emménagements perso supplémentaires (couches de peinture, antifouling, anti-dérapant…).
- Enfin, ne pas oublier qu'avec le temps, le bateau s'alourdit (!!!) avec l'ajout de petites pièces d'accastillage, des différentes réparations, et il n'est pas impossible que la mousse de flottabilité retienne de l'humidité.
Pourquoi ce phénomène de lacet sur la remorque ?
Il s'agit d'un phénomène assimilable en physique à de la résonnance : Apparition soudaine, tout comme sa cessation.
Si le poids total du véhicule tracté (remorque + bateau) est similaire au poids à vide du véhicule tracteur, on découvre une manifestation du phénomène à 90 km/h environ. C'est une des raisons de la limitation de vitesse des remorques sur certaines parties d'autoroute (représenté sur le panneau routier par une caravane).
Un élément pour corroborer mon affirmation :
J'ai eu un Microsail (5,50 m et 600 kg). La remorque avec le bateau pesait en charge 1 200 kg. Ma voiture était une Peugeot 405 Diesel (poids similaire). Sur route, la remorque faisait des lacets dès 90 km/h. Lors de la vente de ce bateau et de sa remorque, le nouveau propriétaire est venu le chercher avec un Renault Espace pesant 1600 kg.
En rentrant à allure soutenue (entre 110 et 120 km/h), la remorque n'a jamais fait de lacet... La voiture était plus lourde que l'ensemble remorque + bateau.
La qualité de la remorque est-elle en cause ?
La rigidité de la remorque est un facteur complémentaire sur la tenue de route. Une remorque conçue pour un PTC (Poids Total en Charge) de 500 kg se déformera sensiblement si elle en supporte le double. Idem pour ses suspensions, qui seront alors sous-dimensionnées. Tout comme les freins qui seront alors insuffisants.
C'est pourquoi il convient de choisir une remorque plutôt surdimensionnée pour assurer une bonne tenue de route.
Que conclure de cette expérience ?
J'ai écrit ces lignes dans un but préventif, pour partager mon expérience avec les propriétaires de petits bateaux transportables. Trop souvent, la réalité des choses et le bon conseil au client sont occultés par le côté commercial de la vente des remorques (souvent pour des questions de prix). Soyez vigilants.
Jean-Louis Dalloz président de l'AS Maraudeur