Un bateau sans vitesse ne restera pas face au vent. Effectivement, un bateau sans erre va systématiquement "éviter" (mouvement de rotation sur lui-même) et se positionner en travers du vent plus ou moins rapidement en fonction de la forme de sa carène, de la prise au vent des structures aériennes (cabine, hauteur de franc-bord, etc…) et bien sur de la force du vent. Etudions ce phénomène et ses conséquences pour la conduite du bateau.
Pourquoi un bateau sans erre se positionne-t-il automatiquement en travers du vent ?
En réalité, le phénomène est assez simple à comprendre. Lorsque l'on casse l'erre dans l'axe du vent, le bateau va être "poussé en arrière" mais il va immédiatement rencontrer une résistance de l'eau sur la poupe ce qui créé un point de rotation. Le bateau "hésite" puis commence à éviter sur bâbord ou sur tribord.
Ce qui détermine le bord d'évitement dépend principalement de la direction du bateau par rapport à l'axe du vent au moment où l'on casse l'erre. Mais la rotation peut aussi être due à un changement d'orientation du vent lié par exemple au passage d'une rafale à ce moment.
Le bateau accentue ensuite son évitement car le vent prend "appui" sur les superstructures et notamment sur la partie avant de la coque dont le franc-bord est fréquemment plus haut que le reste de la coque et donc offre plus de prise au vent.
Une fois que le bateau se trouve "travers au vent", la prise au vent des superstructures de se réparti sur l'ensemble du bateau dans une position d'équilibre : le mouvement du bateau se stabilise mais néanmoins il dérive par rapport au vent.
Tous les bateaux réagissent-ils de la même manière ?
Le positionnement du bateau sans erre en travers du vent est "universel" et concerne tous les navires du plus petit au plus grand. Toutefois, on remarque certaines particularités en fonction des bateaux. La forme de la carène et la prise au vent (souvent appelée fardage) est ainsi déterminante dans la rapidité du mouvement d'évitement :
- Les petits bateaux à moteur (pneumatiques, coque open et surtout timoniers) sont beaucoup plus sensibles à ce phénomène car ils ont peu de surface "mouillée" par rapport aux superstructures et parfois ils n'ont pas d'autres plans antidérive que leur moteur hors-bord ou leur safran placé très en arrière sur la carène. On remarquera d'ailleurs que la position finale d'un bateau à moteur à timonerie n'est pas réellement en travers du vent mais souvent à 100° - 120 ° du vent.
- Les voiliers (voiles affalées) à l'inverse disposent de moins de prise au vent, d'une surface mouillée plus importante et d'une quille, ce qui va freiner et ralentir l'évitement. En revanche, un voilier sans erre avec voiles hissées et fasseyantes ou en cape sèche réagira beaucoup plus vite à l'évitement.
La position initiale du bateau par rapport au vent et la force relative de ce dernier sont également des paramètres à prendre en compte :
- Un bateau "vent arrière" dont on casse l'erre va aussi se positionner en travers du vent mais il mettra cette fois beaucoup de temps à le faire. Le bateau est poussé par le vent vers l'avant et le point de rotation, qui se situe cette fois sur l'avant, va rencontrer moins de "résistance" sur l'eau puisque la coque est justement conçue pour offrir le moins de résistance possible à l'avancement…
- Le rapport "force du vent" / poids-déplacement du bateau a également un impact important sur la rapidité avec laquelle le bateau va venir se positionner en travers du vent : plus un bateau est lourd et chargé, plus il a de surface mouillée et plus il va mettre du temps à éviter.
Quelles peuvent être les conséquences sur la sécurité du bateau ?
Le bateau sans erre (cas d'une panne moteur par exemple) qui se met en travers du vent va également se mettre en travers des vagues, ce qui peut avoir une conséquence immédiate sur le confort des passagers voire sur leur sécurité si la mer est très formée. Pour éviter cela et remettre le bateau face au vent et aux vagues, le bon réflexe du chef de bord doit être de mouiller l'ancre si la profondeur le permet. S'il y a trop de profondeur, l'autre possibilité est de mettre en place une ancre flottante, ce qui aura également pour effet de remettre le bateau dans l'axe du vent et des vagues, ce qui sera plus confortable et plus sécuritaire.
Quelles sont les effets sur vos manœuvres ?
Les conséquences sur les manœuvres peuvent être gênantes en particulier pour les bateaux les plus sensibles lorsque le vent est fort :
La prise de coffre se fait "face au vent" et cette manœuvre est donc l'une des plus sensibles à ce phénomène. Une approche parfaite dans l'axe du vent ainsi que la barre droite au moment de casser l'erre du bateau permettent bien souvent de résoudre bien des complications. Toutefois d'autres techniques de prises de coffre existent qui permettent d'utiliser le phénomène plutôt que le subir et seront abordées dans un prochain article.
Les accostages "face au vent" peuvent aussi compliquer la manœuvre des bateaux sensibles (cas des bateaux à moteur à timonier par exemple). Dans ce cas, il peut être judicieux de « s'affranchir des codes » et d'envisager un accostage « vent arrière » si cela est possible : le bateau pourra être tout aussi manœuvrant mais avec très une faible vitesse et il faudra juste un peu plus de puissance pour casser son erre.