Louer son bateau avec un capitaine, vérités et mensonges sur cette pratique professionnelle

Louer son bateau, c'est bien. Cela permet de sécuriser son investissement, de l'amortir et de développer ses relations nautiques. Le louer avec une prestation de skipper peut aussi être une bonne idée, à condition de le faire dans le respect des règles.

Vous louez votre bateau, qu'il s'agisse d'un voilier ou d'un bateau à moteur. Comme évoqué dans nos articles à ce sujet, vous êtes au clair avec vos obligations tant fiscales que légales, tout va bien. Vous envisagez, maintenant, de vous louer, vous, en tant que capitaine ou skipper, proposant ainsi à vos locataires de profiter au mieux de leur moment passé sur l'eau et, avouons-le, vous vous faites plus confiance personnellement pour manier ce bateau qu'à des locataires inconnus. Une excellente idée, encore, faut-il tout faire, ici aussi, dans les règles du droit !

Quel type de location ? 

Avant toute chose, il convient de mettre les choses au clair. Lors de cette présence, serez-vous pilote du bateau loué avec le bateau (donc offreur d'une prestation de service définie clairement) ou simple accompagnateur sans obligation contractuelle ?

Si la nuance est ténue, elle se formalise simplement par la présence ou non de votre prestation de capitaine sur le contrat d'une part, par le transfert ou non de la responsabilité de chef de bord vers le locataire ou non. Si les deux conditions sont remplies (votre présence à bord et votre conservation du titre de chef de bord), alors vous êtes skipper professionnel. Sinon, vous n'êtes qu'un des passagers du navire, vous ne percevez pas de rémunération pour cette présence et n'importe lequel autre des passagers (pour peu qu'il soit porteur des titres idoines) pourra prendre la barre, sans aucune autorité de votre part.

Obligations de formation du skipper professionnel

Vous êtes donc le chef de bord, c'est-à-dire celui à qui incombe la responsabilité de la navigation. Vous ne disposez plus d'un navire de plaisance, mais d'un Navire à Utilisation Commerciale (NUC). La simple possession du permis de plaisance (étendu hauturier ou non) ne suffit plus. Jusqu'en 2017, les choses étaient simples, il suffisait de disposer du brevet Capitaine 200 pour pouvoir pratiquer professionnellement. Depuis, s'il faut toujours disposer d'un titre officiel, sa nature variera selon la jauge du navire et la distance de navigation.

Dans la plupart des cas, le Brevet d'Aptitude à la Conduite des Petits Navires (BRACPN) vous permettra de piloter des navires à moteur de moins de 12 mètres et transportant moins de 12 passagers. Votre zone de navigation s'étendra sur un maximum de 6 milles du point de départ et avec une puissance de propulsion inférieure à 250 kw (335 ch). Cette formation dure au minimum 107 heures, elle inclut le Certificat de Formation de Base à la Sécurité (CFBS E, à renouveler tous les 5 ans et incluant 27 heures de navigation), un module navigation, un module entretien et un dernier module réglementation. Enfin, le CRR (Certificat Restreint de Radiotéléphoniste) est à passer. Seul prérequis ici, une visite médicale des gens de mer.

Le Brevet d'Aptitude à la Conduite de Petits Navires à Voile (BRACPNV) vous permettra, quant à lui, de piloter de navires à voile de moins de 12 mètres et transportant moins de 12 passagers. Votre zone de navigation s'étendra sur un maximum de 6 milles du point de départ et vous devrez naviguer de jour.

Les conditions d'obtention diffèrent dans les deux cas. Le brevet restreint d'aptitude à la conduite de petits navires est conditionné à l'obtention d'un permis plaisance avec le cas échéant un test probatoire (Épreuve théorique basée sur un questionnaire à choix multiple et épreuve pratique selon les critères de l'arrêté du 28 septembre 2007) et s'acquiert par validation d'un module réglementation maritime et sécurité maritime. Il s'acquiert par validation d'un module navigation au niveau direction, entretien et réparation au niveau direction, réglementation maritime et sécurité maritime.

Le brevet d'aptitude à la conduite de petits navires à voiles est conditionné à l'obtention d'un diplôme jeunesse et sport (Brevet d'éducateur sportif option voile, certificat de spécialisation croisière, diplôme d'État perfectionnement sportif mention voile…) et s'acquiert par validation d'un module réglementation maritime et sécurité maritime suivi de 6 mois de service en mer.

Obligations légales du skipper

Comme pour tout professionnel, le skipper doit s'affranchir des taxes, impôts et charges sociales qui incombent à une pratique rémunérée.

Dans tous les cas, les particuliers n'étant pas, en tant que tels, autorisés à émettre une facture, il faudra au capitaine devenu professionnel opter pour un régime fiscal, au même titre que le loueur, selon les revenus générés par sa pratique. En tout état de cause, l'option de la micro entreprise est impossible, le skipper (le pilote du bateau au sens du droit français) est un professionnel de la mer et, à ce titre, est affilié à l'Enim (Établissement National des Invalides de la Marine), ce que ne permet pas le statut d'auto entrepreneur.

Il faudra donc au pilote créer une entreprise, selon la forme et le statut qui lui conviendront, pour exercer. A ce titre, il devra s'affranchir de l'ensemble des obligations qui incombent à toutes les entreprises, depuis la souscription d'une assurance pour l'exercice de cette activité jusqu'aux déclaration et paiement des charges sociales auprès de l'URSSAF.

Obligations d'assurance du skipper

Les choses ne se limitent pas à la souscription d'un régime fiscal ou social pour le pilote qui fait les choses dans le respect de la loi. En effet, devenu professionnel, ses assurances personnelles (Responsabilité Civile, assurance de son navire …) deviennent caduques et il faudra à notre skipper souscrire au minimum une responsabilité civile professionnelle qui le préviendra contre les dommages causés aux tiers :

  • Les dommages corporels :

La jurisprudence retient la faute personnelle du skipper qui n'a pas demandé clairement à ses passagers de porter les équipements de sécurité (gilet, harnais …) lors d'une navigation dangereuse. Encore, un skipper sera responsable par imprudence du décès d'un passager qui sera heurté par la bôme du bateau !

  • Dommages matériels aux Biens confiés :

Le skipper, en cas d'avarie, sera responsable de l'ensemble des biens de ses passagers à bord du navire, ordinateur portable, téléphone mobile, GPS, VHF… De même, si vous pilotez le bateau d'un tiers, vous transportez cette responsabilité sur ce bateau !

  • Dommages immatériels consécutifs aussi appelés "La perte de jouissance"

Le skipper sera responsable d'indemniser le passager qui par sa faute seule aura perdu un téléphone mobile ou, encore, s'il pilote le bateau d'un tiers, d'indemniser le propriétaire de l'impossibilité de louer le navire suite à une avarie dont il serait responsable.

Obligations pénales du skipper

Si les exemples peuvent sembler exagérés, on se rappellera qu'un skipper peut trouver sa responsabilité personnelle engagée par exemple, si un des passagers tente de se suicider à bord et qu'il parvient, lors d'une nouvelle tentative à bord, à mettre fin à ses jours. La Cour de cassation criminelle a, en mars 1992, reproché "une négligence fautive dans le défaut de surveillance à bord, d'un coéquipier qui avait fait une tentative de suicide à bord et qui était à nouveau et définitivement passé à l'acte, avant d'arriver au port de destination", abordant alors la notion d'homicide au moins involontaire.

De même, un pilote pourra se trouver engagé pénalement en cas d'accident dû à une vitesse excessive du navire, un mauvais choix de route ou une absence de précaution (port des gilets, rangement du pont…).

Pilote rémunéré ou accompagnateur, un choix important 

L'ensemble de ces points doivent vous amener à peser le pour et le contre dans votre dessein de vous faire payer pour barrer. Si les quelques centaines ou milliers d'euros possibles peuvent vous motiver, les mettre en exergue avec l'étendue des ennuis que cet exercice illégal pourrait provoquer doit vous rappeler que l'activité de plaisancier est avant tout un moment de détente et de partage de passion.

Parfois, s'inscrire comme passager au cours d'une location en proposant simplement aux locataires de les accompagner, bénévolement et sans engagement, pour simplement les conseiller, vous affranchira de tous les points évoqués plus haut d'une part, vous permettra de partager votre passion avec la liberté du passionné, sans l'emprise du dieu argent !

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Eric Francois
Eric Francois
Rappeler la législation sur la location avec skipper est très utile (lorsque l'on voit le nombre d'annonces illégales qui fleurissent sur les sites de location), mais la subtile distinction que vous effectuez entre chef de bord et accompagnateur me parait inapplicable. Il s'agit d'une simple argutie pour dissimuler un travail dissimulé (ce qu'est la location avec skipper sans diplôme et déclaration). Qui peut croire qu'un propriétaire de voilier se contentera du rôle d'équipier-conseilleur sur son propre voilier? De plus, en cas de sinistre grave, la jurisprudence partage la responsabilité entre le skipper "officiel" (nom porté sur le livre de bord) et le skipper "réel" (le plus compétent du bord). Dans la situation évoquée, il ne fait aucun doute que la responsabilité du propriétaire-équipier- conseil sera retenue, ce qui pose donc problème sur son statut réel.....
Robin Maltête
Robin Maltête
un point qui n'est pas très clair pour moi : dans le cas d'un bateau à voile de plus de 12 mètres, il faut donc que le skipper dispose du brevet "Capitaine 200" obligatoirement, c'est bien ça ?
Jean-denis Muys
Jean-denis Muys
En d'autres termes, tout est fait pour empêcher les passionnes compétents de gagner trois sous avec leur passion, afin de preserver (sans succès) les rentes de situation des professionnels en place.
Régis Bouchacourt
Régis Bouchacourt
Bonjour, merci pour ces précisions. Imaginons que j'ai un cata de 40pieds, de plaisance donc et que je souhaite le louer "avec skipper" qui est un tiers a un groupe de moins de 12 pax. Si jai bien compris, mon navire de plaosance NUC? Qu'est ce que cela implique? Parcequecje souhaite etre dans les clous mais le confier à un pro BRACPNV ou Cap200? Par avance merci.
Cédric Ricard
Cédric Ricard
Depuis juillet 2020, il est devenu possible d'être skipper pro en micro-entreprise (sous certaines conditions). Peut-être une mise à jour de l'article serait profitable à tous.
Jordan Panont
Jordan Panont
Entièrement ok avec Cédric, j'ai moi même fait une micro avec BACPN
Ajouter un commentaire...