Le Papa d'Alice était un brin rebelle. À ne pas vouloir entrer dans les cases, il pose problème à sa fille après son décès. En effet, de son vivant, il a tout vendu pour ne posséder qu'un voilier, un C&C 35 de 11,00 m battant pavillon anglais sur lequel il habitait depuis 25 ans.
À son décès le voilier est au sec dans le port d'Anglet. Ne laissant que des dettes, sa fille n'hérite de rien. En revanche son nom est associé au voilier et Alice devient responsable de ses dettes.
Dégager rapidement de sa place de port
Décédées en décembre 2023, les choses accélèrent quand le port annonce début juin 2024 que le terre-plein sur lequel est entreposé le bateau doit être débarrassé à la fin du mois. Le port envisage des travaux sur la zone. Cela laisse à peine un mois pour Alice de trouver une solution pour ce bateau. Ne naviguant pas, elle imagine alors le vendre. Mais comment faire quand il est immatriculé en Angleterre, un pays qui ne fait plus partie de l'Union européenne ?
Contactées, les Douanes françaises ne peuvent affirmer que cette vente, si elle se fait en France, ne sera pas taxée de la TVA. Si cette TVA est basée sur la valeur actuelle du bateau, c'est à dire pas grand-chose, cela ne pose pas de problème, mais si comme l'annonce les douanes, la TVA est calculée sur la valeur du voilier, celle d'il y a 25 ans au moment de l'achat par le Papa, cela change la donne. On parle alors de plusieurs milliers d'euros, car il y a 25 ans, Alice à la facture d'achat du voilier de 25 000 livres (environ 30 000 €). La douane demande de mandater un expert qui devra établir la valeur actuelle du bateau pour en déduire la TVA à acquitter. Difficile d'organiser tout cela lorsque l'on est sous la pression du port qui demande d'évacuer la zone rapidement !
Don à une association
Du coup Alice cherche des associations anglaises qui pourraient être intéressées par la reprise du bateau. On ne parle plus de vente, mais bien de don. Alice doit se débarrasser de ce voilier rapidement. Hélas, entre temps, Alice découvre que le voilier a été cambriolé ! Pas un cambriolage où les voleurs se sont servis de matériel, mais un cambriolage qui a saccagé l'intérieur. Pour dérober le chauffage, les voleurs ont été jusqu'à couper les tuyaux de gasoil répandant dans le carré l'ensemble du réservoir. Dans cet état de délabrement, le voilier n'est plus capable de rejoindre l'Angleterre par la mer. L'association se désiste pour ce don.
Solution de l'extrême
Devant la pression du port et ne voyant pas d'autre solution, Alice est obligée d'envisager la destruction du voilier. Il va partir à la casse. Elle trouve une entreprise locale qui réalise ce genre de découpage et peut se déplacer à Anglet, mais qui lui demande 3000 euros. C'est environ la même somme qui serait demandée par l'APER pour déplacer le voilier dans son service de destruction la plus proche, en l'occurrence Bordeaux. Pour financer cette découpe, Alice va tenter de revendre des pièces détachées : moteur, mât, voile, winches…
Un bilan peu glorieux
Avec ce voilier, Alice se retrouve dans une situation délicate. Son principal reproche, c'est de n'avoir trouvé aucune aide nulle part. Les différents intervenants contactés, notaire, avocats, Douanes, port… n'ont pu lui apporter aucune réponse. Elle aurait aimé aussi que les douanes se montrent plus collaboratives pour l'aider à solutionner son problème plutôt que de rester dans le flou sans jamais pouvoir annoncer exactement les sommes à payer en cas de changement de propriétaire. De même le port d'Anglet avait depuis longtemps ce projet de rénovation de la zone et il n'en a jamais informé Alice qui les a pourtant contactés au moment du décès en décembre. Avec plus de temps, plus en amont, sans doute qu'un repreneur aurait pu être trouvé et que Shift naviguerai encore aujourd'hui ? Ce manque de compassion général engendre la destruction du voilier.
Cet abandon de la part de tous les intervenants, qui s'ajoute à celle de la perte de son Papa, montre avec l'histoire d'Alice que ce genre de situations n'est pas fictif, mais bien réel. C'est une position complexe à gérer pour les héritiers qui conduit hélas à des abandons ou des destructions inutiles de bateaux…
À l'heure où l'on prône des idées écologiques, il est vraiment dommage de détruire un voilier parfaitement en état, bien construit et capable encore de nombreuses et belles navigations, pour le remplacer par un voilier neuf, issu d'une industrie pas vraiment propre…