Jérôme avait mis tout son coeur et son énergie dans la rénovation de son Magareva 38. Souvenez-vous, en juillet 2020, on lui donne ce voilier de 1978 alors au sec (retrouvez l'article qui décrit ce formidable chantier de rénovation). Il faut entièrement reprendre la carène, lui refaire un safran et rénover complètement le pont. Qu'à cela ne tienne, Jérôme y consacre 13 mois complets, plus de 4000 heures de travail et plus de 30 000 € de budget.
Ce monocoque de 12 m, c'est son rêve, sa future maison, son projet de sa nouvelle vie. Car il compte bien habiter sur le bateau et partir découvrir le monde avec lui. Mais avant cela, il largue les amarres de Port-Camargue où s'est déroulé le refit. Cap vers Antibes, région d'origine de Jérôme.
Convoyage vers Antibes
Ses premières navigations se déroulent comme dans un rêve. Jérôme navigue en solitaire. Pourtant, c'est un néophyte en voile. Mais cette solide construction en polyester semble lui pardonner toutes ses erreurs. Et confiant dans sa monture, Jérôme prend son mouillage sur la côte Ouest du Cap d'Antibes, devant la plage des Ondes.
Après plusieurs coups de vent et malgré l'absence de protection du large, Jérôme est confiant dans son mouillage. Il dispose de 60 m de chaine de 10 qui se termine par une ancre plate de 20 kg. Son anémomètre a déjà relevé des pointes à 40 nœuds sans avoir bougé d'un poil. Il est mouillé sur un fond de sable dans environ 5 m d'eau.
Un dimanche de cauchemar
Mais le 19 septembre 2021, le scénario vire à la catastrophe. Le vent est fort, stable autour de 30 nœuds, mais sans rafale. Après le repas, Jérôme s'octroie une petite sieste, mais garde tous ses sens en alerte. La veille, il avait bien vu qu'un autre plaisancier avait mouillé au-dessus de son mouillage. Mais ce dernier était reparti le matin. A-t-il aussi décroché l'ancre de Jérôme ?
Quelques minutes de sommeil et Jérôme se réveille, encore groggy de sa sieste, au ras des rochers. L'ancre a dérapé. Le voilier est à la côte. Pas le temps de démarrer le moteur que déjà le safran est pris dans les rochers. Le calvaire du marin vient de commencer. Au cours de la journée qui va suivre, Jérôme va vivre l'agonie de son voilier, un déchirement.
Débarquer pour se sauver
Nous sommes un dimanche en début d'après-midi et le premier réflexe de Jérôme est de sauver sa peau. Sous les assauts des vagues, le bateau craque de partout. Jérôme se demande comment il n'explose pas. Il ne pense pas à utiliser sa VHF pour lancer une alerte sur le 16, mais il jette dans un sac, son téléphone, sa tablette, son ordinateur et le classeur qui regroupe les papiers du bateau. Avec l'annexe, heureusement gonflée, il se laisse glisser vers la plage toute proche.
Chercher du secours
Sa première idée est de composer le 112, mais l'interlocutrice avec qui il échange n'est visiblement pas formée pour les interventions nautiques. Il appelle alors la station de la SNSM qui arrive avec un semi-rigide et une vedette qui reste au large. Deux plongeurs montent à bord, vérifient qu'il n'y a pas de vie humaine en jeu et refusent tout bonnement de procéder au remorquage du voilier. A ce moment, la houle est forte et la quille du voilier est totalement engagée dans les rochers.
Bien assuré, mais pas couvert…
Assuré tout risque à la MAIF, Jérôme contacte son assurance pour qu'elle prenne en charge le remorquage. Mais en ce dimanche après-midi, les décideurs ne sont pas présents. L'interlocutrice se contente de chercher une petite annonce de Magareva 38, de voir qu'il est en vente à 10 000 €, et d'annoncer qu'un remorquage vaut plus cher que la valeur du voilier. Donc, refuse de donner son accord…
Jérôme se débat toujours sur la plage, assistant à la petite-mort de son bien. Il va finalement passer 26 h à attendre là. Passant la nuit à surveiller que l'on ne vienne pas le dépouiller de ses biens. Finalement, le lundi, l'assurance donne son accord pour un remorquage.
Un remorquage de professionnel
C'est le chantier Stephano à Port-Vauban qui va s'en charger. Avec un remorqueur, il va tracter le bateau hors des cailloux. Dans ce dernier effort, la quille va s'arracher et rester sur place ! Mais le bateau ne chavire pas ni ne démâte. Il est pris à couple de la barge et sera maintenu à flot à l'aide d'une grosse motopompe.
Une fois au port, il est démâté et mis au sec. Jérôme tente de sauver quelques affaires. Mais son outillage électroportatif a baigné dans l'eau salée. Toutes les affaires ont baigné dans le gasoil (le réservoir qui s'est percé contenait environ 250 l de gasoil). Peu de choses sont finalement récupérables, mis à part quelques habits…
Un expert totalement incompétent
Fin de l'histoire pourrait-on dire ? Pas tout à fait, car s'engage alors un combat avec l'assurance. Celle-ci envoie un expert qui passe à peine 10 minutes sur le bateau. Il ne prend pas la peine de faire le tour extérieur de la coque, monte à bord, mais n'entre pas dans la cabine, ne demande aucun justificatif…
Jérôme prend un coup de chaud. Il constitue son propre rapport, étayé de nombreuses photos de tous ses travaux accompagnées de toutes les factures d'achat de matériaux et d'équipement. Il se présente au cabinet d'expertise et tape du poing sur le bureau pour que celui-ci le prenne en considération.
Un accord financier acceptable
Bien lui a pris, car 1 mois plus tard, l'assurance rembourse Jérôme de 32000 € pour le bateau et 2020 € pour ses affaires personnelles. C'est assez éloigné de l'investissement originel, mais permet à Jérôme de rebondir.
Pour l'assurance, la facture totale est bien salée, puisqu'elle a dû payer 12 000 € de renflouage, remorquage + 8 890 € de déconstruction du bateau + 1000 € de stationnement au sec et les 34 020 € pour Jérôme. Une facture totale à près de 56 000 €…
Malgré ce coup du sort, Jérôme reste très positif. Il remercie toutes les aides qui se sont mises en place à cette occasion et notamment sa famille, sa maman et sa sœur. Il ajoute : "Je sais que les choses sont éphémères. J'espère que mon aventure inspirera les futurs malchanceux qui pourraient se retrouver dans mon cas. Ces événements arrivent beaucoup plus vite qu'on ne le croit, et pas qu'aux autres... Mon bateau continue de vivre et de donner des leçons à travers ces articles."