Le Passage du Nord Ouest en voilier, comment s'y préparer ?

Le cœur du Passage du Nord Ouest sur Opale (été 2019) © Marc Pédeau

Marc et Bénédicte ont franchi le Passage du Nord Ouest en 2019 à bord de leur Allures 44, un dériveur de série en aluminium. Il nous explique comment se préparer à passer cette zone de navigation si particulière prise entre glaces et dépressions.

Le Passage du Nord-Ouest se mérite

Une phase de préparation approfondie à terre de la navigation dans ces zones peu fréquentées est indispensable. Il faut s'approprier les grands axes de navigation et l'esprit si particulier de cette géographie composée de milliers d'îles. Pour Marc, elle passe par une vision macro par portion de territoire avec les axes à emprunter, puis par un découpage en petites zones comportant les informations nécessaires comme villes et ports, ravitaillement, baies et canaux. Il convient de consulter tous les guides de navigation et les blogs disponibles et d'affiner ce travail par une identification et une qualification des mouillages (normal / bon / excellent) qu'Opale pourra choisir en fonction des conditions météorologiques rencontrées localement. C'est un travail minutieux et précieux, complété par des repères sur Navionics et un aperçu visuel par photo satellite de chaque mouillage.

Vision globale de la zone de navigation
Vision globale de la zone de navigation

Les zones de glace

Il existe 3 zones de glace tout au long du parcours. Le SCG (Service Canadien des Glaces) met à disposition des statistiques d'ouverture de la banquise en fonction des régions sur son site internet.

Les 3 zones de glace dans le Passage du Nord Ouest
Les 3 zones de glace dans le Passage du Nord Ouest

Marc nous explique que « la première zone (verte) s'ouvre début août. Pour Opale, la mer de Baffin était largement ouverte fin juillet et nous n'avons pas rencontré de glace pour notre traversée entre Uppernavik et Pond Inlet.

La seconde zone (orange) au cœur du Passage du Nord Ouest s'ouvre en moyenne mi-aout. Avec Opale, nous avons traversé la zone entre le 12 et le 18 aout en partant de Burnett Inlet sur Devon Island (mouillage somptueux) pour arriver à Cambridge Bay ».

Une navigation sans interruption jour et nuit - les nuits sont encore courtes - dans cette zone évite de se faire prendre par les glaces.

La troisième zone en bleu se situe au nord du Canada et de l'Alaska et est accessible dès fin juillet. La glace y est relativement proche de la côte et des bandes de banquise très dense peuvent descendre avec des vents forts de N / NW ou W. « Opale a du aller au fond de Franklin Bay pour les contourner ».

L'étude des glaces

Les cartes de concentration fournies par des services canadiens des glaces informent du niveau de concentration des glaces, en dixième, avec des codes couleur.

La carte de concentration des glaces (le trait noir représente le trajet d'Opale à l'été 2019)
La carte de concentration des glaces (le trait noir représente le trajet d'Opale à l'été 2019)

La zone rouge (9/10ème) correspond à 99 % de la surface concernée formée uniquement de glace de banquise : elle est impraticable en bateau. A contrario, une zone bleue ciel (1/10ème) indique une concentration faible avec peu de glace et aucun danger.

Un voilier en aluminium comme Opale peut traverser une zone de 3/10ème.

La prudence est de rigueur et une navigation en douceur et au moteur est complètement réalisable, couplée avec une veille permanente dans la mature pour regarder les chenaux en hauteur.

Au cœur du Passage du Nord Ouest août 2019
Au cœur du Passage du Nord Ouest août 2019

Marc ajoute que « les coques polyester peuvent naviguer dans ces zones mais il faut attendre que la fonte soit déjà bien engagée et arriver assez tard en saison dans le passage ».

Il est également possible d'obtenir la météo, l'état de la mer et des glaces au format texte sur 3 jours, via des requêtes mail à la NOAA (Agence Américaine d'Observation Océanique et Atmosphérique) avec l'Iridium.

Les clés de la réussite

  • Une solide préparation en amont qui a demandé énormément de temps, mais qui fait aussi partie de l'aventure, car on commence déjà à rêver en préparant les carnets de voyage !
  • L'importance de faire le passage en équipage, pour organiser les quarts de veille permanente (même au mouillage), car la zone de navigation est très éprouvante, et les équipiers rudement sollicités.
  • Une bonne expérience en navigation suffit, tout en ayant déjà navigué dans des zones de dépression.
  • La conscience des dangers : il faut savoir faire demi-tour si le chemin qu'on emprunte devient risqué pour le voilier et pour l'équipage. Rester à proximité des côtes (plus chaudes) pour ne pas se trouver bloqué dans le pack, faire marche arrière, rester en mouvement, ne pas trop s'approcher des icebergs sont autant de décisions qui sécurisent l'aventure.
  • La situation varie d'une année à l'autre dans l'Arctique selon les conditions climatiques, et les cartographies sont souvent en décalage avec la réalité devant l'étrave (avant du bateau). Il faut s'adapter aux ouvertures des routes tout en respectant des calendriers de passages.
Opale sous gennaker avant d'arriver à Nome - été 2019
Opale sous gennaker avant d'arriver à Nome - été 2019
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