En 2018, Sasha a 25 ans. Elle vient de terminer ses études et décide alors de prendre une année sabbatique pour se lancer dans un projet un peu fou : rejoindre la Nouvelle-Zélande en bateau-stop ! Voici son retour d'expérience.
La recherche de bateaux et le coût financier
Sasha a effectué ses recherches sur les plateformes en ligne "La bourse aux équipiers" et "Vog avec moi", qui proposent un service de co-navigation où l'on retrouve des offres et des demandes d'embarquement. Elle sélectionne les annonces, échange avec les propriétaires et réussit à trouver le moyen de rejoindre la Nouvelle-Zélande grâce à deux bateaux :
- 1re partie du voyage : La traversée de l'Atlantique. Départ prévu en novembre 2018 de La Corogne en Espagne pour rejoindre les Antilles sur un Wauquiez Pilot Saloon 47.
- 2e partie du voyage : La traversée du Pacifique. Départ prévu pour janvier 2019 de Colón au Panama à la Nouvelle-Zélande sur un voilier américain de 50 pieds.
Au niveau des frais financiers, Sasha valide avec les propriétaires "la caisse de bord" à laquelle elle devra participer. Les propriétaires lui ont ainsi demandé un forfait de 15 euros par jour pour la nourriture et elle devait également participer aux frais de gasoil. Bon à savoir : chaque propriétaire fixe ce qu'il souhaite, il n'y a pas de charte. Il est donc important de vérifier cela en amont.
Sur le papier, l'objectif à l'air réalisable, mais vous allez voir qu'une fois sur l'eau tout ne se passe pas toujours comme prévu: météo, expérience en mer, comportement de l'équipage... voici son retour d'expérience.
1re étape: La Corogne – Les Antilles : Une météo capricieuse !
Accompagnée d'une amie, Sasha rejoint un couple avec enfant à la Corogne qui recherchait 2 personnes pour les accompagner et les aider à gérer les quarts de nuit.
"À peine arrivées sur place, le capitaine nous informe qu'il y a une fenêtre météo favorable et que nous allons partir le lendemain." Entrée en la matière sportive pour Sasha, 4 jours de navigation où la dépression est arrivée plus vite que prévue. "La mer était très mauvaise, des creux de 4 à 6 mètres, des vents à plus de 30 nœuds, j'ai été malade pendant toute la navigation, mon amie n'avait pas beaucoup d'expérience, j'ai donc effectué les quarts avec elle, soit 12heures de navigation par jour… Nous sommes arrivés à Cascais, j'étais épuisée !"
La météo n'étant pas clémente, ils resteront 3 semaines sur place. "Nous avons profité de ce moment pour apprendre à nous connaître, visiter Lisbonne et faire quelques travaux sur le bateau au frais du propriétaire : changement d'un maillon rouillé sur la chaine, retendre le gréement, coller des patchs sur les voiles pour éviter qu'elles ne s'abiment avec les barres de flèche, inventaire sécurité et pharmacie. Un check up important à faire avant la traversée de l'Atlantique..."
Nouvelle fenêtre météo qui semble favorable, le capitaine décide de repartir direction Lanzarote… De nouveau, la dépression arrive plus rapidement que prévu. "Je ne sais pas si vous vous souvenez des conditions météo pendant la Route du Rhum en 2018… et bien c'est que nous avons dû affronter." Impossible de rejoindre Lanzarote, les conditions météorologiques sont trop mauvaises, ils doivent se dérouter vers L'Afrique. "Le problème c'est que nous naviguions complétement à l'aveugle, les cartes Navionics de ce continent n'avaient pas été téléchargées sachant qu'on ne devait pas s'y arrêter et nous n'avions pas de réseau." Ils arriveront à Casablanca dans un port de commerce où les quais étaient plus hauts que le voilier ! Impossible de s'amarrer, on leur conseillera d'aller au port de Mohammedia. Ils sont arrivés de nuit juste à temps avant la tempête. Ils seront de nouveau bloqués 3 semaines sur place à cause de la météo et profiteront de ce temps pour découvrir les alentours et continuer à préparer le bateau.
Sasha a connu de très bons moments avec la famille, mais également des moments très stressants. "Je me suis rendu compte qu'ils n'avaient pas beaucoup d'expériences en voile, c'était leur première grande navigation, ils ne connaissaient pas encore bien leur bateau et je ne me sentais pas véritablement en confiance pour effectuer la traversée de l'Atlantique. J'ai suivi mon intuition et nous les avons donc prévenus que nous rechercherions un autre bateau une fois arrivés à Lanzarote."
Lanzarote : heureux hasard ou pas…
Arrivée à Lanzarote fin novembre 2019, il faut retrouver un bateau… Sasha a la chance de recroiser un Danois qui naviguait sur un Dufour 40 Performance qu'elle avait rencontré à Mohammedia. "Cet homme de 50 ans avait beaucoup d'expérience, il avait fait de la régate, préparait des bateaux et faisait un tour du monde. Il prévoyait de traverser l'Atlantique accompagné d'un jeune homme de 35 ans qui était en stage avec lui et a accepté qu'avec mon amie, on se greffe à eux pour la traversée à titre gracieux. J'ai appris énormément à ce moment-là : comment régler les voiles, faire des routages avec les outils spécifiques pour la régate, nous avons commencé à préparer le bateau et navigué une semaine ensemble dans les Canaries pour faire des tests avant le grand départ". Cela n'ira pas plus loin, car après une soirée bien arrosée, alors que tout le monde dormait et qu'ils n'étaient pas encore prêts pour le départ, " le capitaine est parti dans une crise de folie et décida de larguer les amarres, tout en hurlant que nous l'avions trahi… Nous avons dû nous démener pendant 30 min jusqu'à ce que le capitaine fonde en larme et que nous arrivions à ramener le bateau au port. Nous avons donc décidé d'annuler cette traversée."
Mauvaise expérience, timing trop serré pour retrouver un nouveau bateau, Sasha met donc un terme à faire la traversée de l'Atlantique. Elle décide néanmoins de continuer l'aventure et de prendre l'avion pour rejoindre son deuxième bateau-stop à Colón au Panama avec qui elle avait rendez-vous début janvier 2019.
2e étape: À la découverte du Pacifique
Arrivée à Colon au Panama, Sasha embarque sur un voilier américain de 50 pieds réalisé par un particulier. L'équipage était composé d'un capitaine de 60 ans, d'une Américaine ayant vécu plus de 30 ans sur un catamaran, une femme de 35 ans cuisinière sur un voilier, un étudiant français et Sasha.
"Les règles sont fixées dès le départ : on fera le ménage, la vaisselle, les repas à tour de rôle, chacun doit participer aux tâches. Tout le monde a déjà navigué, l'aventure s'annonce merveilleuse."
Le capitaine avait prévu ce voyage bien en amont et avait validé le passage du canal de Panama. "Il nous faudra 2 jours pour rejoindre Panama City. La traversée du canal est impressionnante, on passe d'abord 3 écluses ascendantes, puis 3 écluses descendantes. Les portes sont énormes, en métal, j'ai l'impression de passer les portes du Mordor dans le Seigneur des anneaux ! On se retrouve à côté d'énormes paquebots : imaginez que sous l'eau, il y a encore 3000 voitures stockées, c'est impressionnant ! Lorsque nous passons la dernière porte, un nouveau monde s'ouvre à nous, le Pacifique !"
Ils font l'avitaillement à Panama City et repartent en direction de l'archipel des Perles où ils passent d'ile en ile plus déserte les unes que les autres pendant 1 mois.
Ils repartent en mer pour 12 jours de navigation pour rejoindre les Galápagos. Sasha se sent à sa place, en communion avec la nature. Lorsqu'elle effectue les quarts ,seule de nuit, c'est le moment qu'elle préfère "Je savais que quand j'apercevais Saturne mon quart était fini. Le monde m'offrait des levers et couchers de soleil magnifiques." C'est pendant cette traversée, le 1er février 2019 qu'elle prendra la décision de quitter sa carrière de scientifique pour se consacrer à la voile.
Les Galápagos : La dernière étape du voyage
"Pour pouvoir mouiller aux Galápagos, pendant 20 jours (délai maximal autorisé), il aura fallu s'affranchir de 3000 dollars pour le bateau et l'équipage et faire la réservation 2 mois en amont. Nous avions donné notre Go au capitaine avant le départ. En arrivant à Puerto Barquerizo Moreno sur l'ile de San Cristobal, une douzaine de personnes sont arrivés pour faire une inspection totale du bateau et s'assurer que nous n'importions pas d'espèces et des organismes étrangers..." Le bateau sera passé au fumigène pour cause de mouche sur le bateau et il leur sera demandé de ressortir des eaux territoriales (40 milles) pour enlever un bernique (mollusque) qui se situait sous la coque.
Sasha aura la chance de découvrir cet archipel préservé et cela marquera la dernière étape de son voyage et également pour l'ensemble de l'équipage. Pendant la traversée, le capitaine aura eu de nombreuses colères, n'aura pas voulu participer aux quarts de nuit, aura eu quelques gestes violents et sera tombé à l'eau en s'appuyant sur les filières, car l'entretien du bateau laissait à désirer. Impossible de trouver un autre bateau pour rejoindre la Nouvelle-Zélande, il n'y avait à l'époque que 4 voiliers sur place aux Galapagos. Elle décide alors de rentrer.
Sasha repartira en France transformée et décidée à consacrer sa vie à la voile - voici son parcours depuis cette aventure.
À travers l'expérience de bateau-stop de Sasha, on se rend compte qu'il s'agit d'une aventure extraordinaire avec des hauts et des bas. La mer n'est pas si simple à dompter, passer plusieurs semaines en vase clos avec des personnes que l'on ne connaît pas peut s'avérer compliqué. Il est toujours important de placer sa sécurité en priorité et suivre son intuition. Ce qui est certain c'est qu'une aventure en bateau-stop ne vous laissera pas indifférent !
Alors envie de partir à l'aventure ? Vous pouvez découvrir dans l'article suivant des conseils pour préparer votre prochain séjour en bateau-stop.