À l'été 2018, Clara Dumard — fille du routeur Christian Dumard — réalisait une première tentative du Passage du Nord-Ouest à la voile avec son père. Après plus 9000 milles parcourus, l'essai fut avorté en raison des glaces bouchant les principaux chenaux entre le détroit de Davis et la baie de Baffin à l'est puis la mer de Beaufort à l'ouest. Le 30 juin 2019, au départ de la Trinité-sur-Mer, elle repartira à l'assaut du Grand Nord. Un défi qu'elle relèvera de nouveau sans assistance et uniquement à la voile sur son Sun Fast 37, toujours accompagnée par son père.
Nous l'avons questionné sur cette nouvelle tentative, alors qu'elle jongle entre ces derniers examens universitaires (NDLR Elle termine sa 4e année de pharmacie) et la préparation de son expédition.
Qu'est-ce qui te motive pour retenter une telle expérience ?
En s'arrêtant l'année dernière, on s'est immédiatement remonté le moral en se disant qu'on repartirait l'année prochaine. Avant notre départ, on s'était dit qu'en cas de demi-tour, on retenterait l'expérience. C'était déjà acté.
Si on avait réussi le passage dans un sens, j'aurais tenté de le passer en sens inverse cette année. Le bateau serait resté en Alaska et nous serions repartis dans l'autre sens. C'est une expérience unique. J'ai vraiment beaucoup de chance de pouvoir le refaire.
Finalement de ne pas réussir, c'est l'opportunité pour pouvoir recommencer (Rires).
Quels enseignements tires-tu de ta précédente tentative ?
Je suis beaucoup plus sereine que l'année dernière. Avant cette première tentative, je n'avais jamais fait de grosses navigations. Celles réalisées en 2018 n'étaient pas des moindres avec une traversée de l'Atlantique d'abord, puis une navigation dans les glaces.
L'an passé, j'étais terrorisé après le passage de la pointe sud du Groenland. Je me faisais des films sur la glace, sur ce qui pouvait nous arriver, isolé dans le cercle polaire. Je me suis finalement habitué à ces paysages, ces ambiances. On connait les lieux, les endroits où l'on peut s'arrêter ou mouiller.
Certes, il faut toujours garder une petite appréhension, parce que c'est un milieu qui reste dangereux.
Je connais aussi beaucoup mieux mon bateau. L'année dernière, on avait très peu navigué dessus. C'était un grand pas dans le vide, un saut dans l'inconnu.
Comment finances-tu ce projet ?
L'année dernière j'avais contracté un emprunt personnel pour acheter le bateau. À côté j'avais des partenaires qui me soutenaient. J'ai deux types de partenaires. Ceux qui me financent et ceux qui m'équipent. C'est super important.
J'ai cette chance d'avoir des partenaires très investis dans le projet, qui demande des nouvelles régulièrement. C'est une aventure humaine et ils me soutiennent à fond. Certains repartent avec nous sur cette nouvelle tentative et nous renouvellent leur confiance.
Pourquoi partager ce défi avec ton père ?
Quand il était petit, il a fait un tour du monde à la voile avec sa mère et son beau-père. À cette époque-là, Willy de Roos était le premier plaisancier à franchir le passage du Nord-Ouest. Il émettait via une radiofréquence amateur pour raconter ses aventures et ça faisait rêver mon père.
Petite, il m'a parlé du Grand Nord, de l'arctique. Je voulais voir des baleines, des orques. Je suis la première de la fratrie et il m'avait promis qu'on irait faire un tour du monde à la voile. Puis mon premier frère est né, puis mon deuxième, puis la vie a fait que nous ne sommes pas partis.
J'ai suivi des études et laissé la voile. Alors que j'ai redoublé ma 4e année de pharmacie, j'ai eu du temps pour repenser à ce projet de voile. J'ai donc proposé à mon père de monter un projet et de m'accompagner. Il m'a invité à bien y réfléchir, car c'était un gros projet de navigation. L'idée était de ne pas me dégoûter de la voile. Une fois sûre, j'ai monté un dossier de partenariat.
Ce que j'aime à la voile, c'est l'exploration et pas du tout la régate. Je suis assez stressée d'avoir du monde autour de moi. Donc le Grand Nord, c'est parfait. Ma grand-mère a eu une vie complètement folle, remplie d'aventure et a également participé à ce goût que j'ai pour le voyage. J'ai toujours eu envie de partir à l'aventure, d'explorer. Sauf que tout a été fait. L'Arctique est un des derniers lieux mystiques qui apporte ce goût de l'aventure.