Il a fallu se lever tôt, braver le froid et la pluie pour aller accueillir ce marin qui revient en héros (mais quand organiseront-ils enfin une course qui arrive en été ?). Nous sommes allés au large pour retrouver le Rustler 36 Matmut qui arrive tranquillement sous spi. Jean-Luc Van Den Heede est encore à 5 milles de ligne d'arrivée et déjà quelques bateaux l'accompagnent. Nous naviguons avec lui en direction des Sables-d'Olonne, plein vent arrière (sous spi asymétrique, j'ai beaucoup de mal à suivre son cap très abattu). Plus nous approchons et plus la flotte de bateaux accompagnateurs se densifie. Au passage de la ligne, ce sont plus de 50 bateaux qui lui tournent autour.
Il est 10h13 et VDH a officiellement bouclé son tour du monde après 211 jours 23 heures, 12 minutes et 19 secondes de mer !
Une foule comme pour un Vendée Globe
En remontant le chenal, on se rend compte de ce que cet homme a accompli et de l'hommage que lui rend le public. Malgré la pluie, la foule est présente sur les digues. Des milliers de personnes sont venues saluer ce nouvel exploit. On sent l'émotion et l'admiration derrière les cris et les cornes de brume qui s'élèvent de part et d'autre du chenal.
Lorsque le bateau portant le numéro 8 s'amarre au ponton, on découvre un homme souriant, heureux d'arriver. On sent VDH fatigué, mais sans forcément être au bout du rouleau. À l'entendre, ce n'est pas forcément la course la plus dure qu'il ait vécue : "J'avais déjà vécu 122 jours seul. On s'installe dans une certaine routine. On est occupé pour faire le point, occupé de savoir où on est, occupé par la météo, car il faut reconstituer les cartes avec les infos qu'on a. Il suffit être en phase avec soi-même. Mon second Vendée Globe a été plus dur.On a eu des conditions très difficiles d'un bout à l'autre : dans le golfe de Gascogne, dans le sud..."
Un bateau très propre malgré un chavirage
Même son bateau ne semble pas fatigué. Il a pourtant affronté des conditions extrêmes. "Avec ces bateaux, contrairement aux IMOCA du Vendée Globe qui savent qu'il va y avoir une mauvaise météo et se placent en conséquence, avec nos bateaux on subit. Quand 50 nœuds sont annoncés, il faut être capable de les affronter." Pourtant, les stigmates du chavirage sont à peine visibles : "Le bateau s'est couché à 130° à peu près. Le mât est passé sous l'eau. L'axe des bas-haubans est tordu et le mât est déchiré sur 5 à 6cm. Quand le bateau est remonté, j'ai regardé le mât, c'était un spaghetti. Les D2 et les D1 se sont détendus après le choc. Je ne pensais pas pouvoir continuer et j'ai organisé mon arrivée au Chili. Mais en discutant avec Lionel (NDLR Son préparateur), je me suis dit que je ne pourrais jamais repartir avec ce mât, il faudrait le changer. Donc foutu pour foutu, je vais essayer de réparer et s'il casse je rentrerai avec mon gréement de fortune. J'ai réparé comme je pouvais. Je suis monté une première fois pour vérifier qu'il n'y avait pas de problème au deuxième étage de barre de flèche. J'ai renforcé le mât avec des brêlages. Il a fallu retendre les D2 et enlever les goupilles. C'est déjà compliqué à terre, mais en mer c'est vraiment ardu. Au total je suis monté 7 fois dans le mât.
Comme ça semblait tenir, j'ai passé le cap Horn et je suis remonté. Je n'allais pas vite, car je ne pouvais pas surtoiler le bateau. Je voyais Mark remonter, mais je ne pouvais rien y faire. J'ai perdu 5 jours avec cette histoire."
73 ans et 6 tours du monde
C'est ainsi que VDH vient de boucler sa 6ecircumnavigation ! Après son second Vendée Globe, il affirmait ne plus repartir pour un tour du monde, il l'a fait deux fois à l'envers (et détiens encore le record de temps sur ce parcours !). Il a de nouveau affirmé que s'en étaient fini des tours du monde, mais le voilà à nouveau à l'arrivée de la Golden Globe Race 2018 pour nous dire une fois de plus qu'il ne repartira pas sur un tour du monde … sauf si … "quelqu'un invente un autre truc génial qui pourrait l'intéresser".
Incontestablement, Jean-Luc peut se vanter d'avoir rejoint la liste de ces marins de légendes qui l'ont précédé et qui l'ont fait rêver dans sa jeunesse : Alain Gerbault, Joshua Slocum, Vito Dumas, Marcel Bardiaux, Tabarly, Moitessier, et bien sûr Sir Robin Knox-Johnson qui était là en personne pour l'accueillir.
"En 1969, quand je suis arrivé après la première Golden Globe, mes priorités étaient : une pinte de bière, un beefsteak et un bain ! Quelles sont tes priorités à toi aujourd'hui ?", lui demande Sir Robin Knox-Johnson. "Exactement les mêmes, mais dans le sens inverse. D'abord le bain, ensuite le steak et enfin une bière !", répond VDH avec un incroyable éclat de rire.