Aujourd'hui 14 janvier 2019, c'est double ration de foie gras pour Jean-Jacques, qui fête ses 72 printemps. En bonus, du jambon de Tonneins, une spécialité de la région du sud-ouest, qu'il n'avait pu déguster lors de la Saint Sylvestre car "le temps n'était pas assez clément".
15 jours de retard sur le programme
Malgré des conditions météorologiques pas toujours faciles, le moral du marin aventurier reste excellent. Car si les alizés, pendant les quelques jours qui ont suivi le départ le 26 décembre 2018, ont facilité la progression vers l'Ouest-Sud-Ouest, le tonneau a ensuite été bercé par des vents et des courants d'Ouest, puis Sud… Peu de risques de quitter la zone des alizés, vu la vitesse de la dérive – pas plus de deux nœuds –, d'autant que Jean-Jacques n'hésite pas à utiliser une ancre flottante quand le cap n'est pas bon. Pour s'en défaire dès que les vents deviennent favorables : "l'habitacle est soulagé et il y a moins d'à-coups, ce qui me fait gagner en vitesse. Je me rendors heureux d'enfin repartir dans la bonne direction !"
Des grains se succèdent, les vents diminuent, accélèrent, puis tournent et retournent mais rien de sérieux… "Je suis un vrai bouchon !" Au final, la seule conséquence de ces vents peu coopératifs est un rallongement du temps de traversée. Le skipper, désormais pointé à 220 milles des Canaries, estime avoir pris 15 jours de retard – alors qu'il a quitté terre il y a trois semaines…"Ce n'est pas grave, mais il ne faut pas que ça s'éternise non plus", estime Jean-Jacques. Le marin redoute tout de même, si sa traversée s'avérait bien plus longue que prévu (trois mois), d'affronter les premières dépressions tropicales du mois de juin.
Une transat parfois agitée…
Après quelques jours d'adaptation à son nouveau milieu, Jean-Jacques en a semble-t-il terminé avec le mal de mer. Pour autant, les journées sont parfois agitées. "Ce matin (jour 12), en ouvrant l'écoutille, suite à un balancement avant que je puisse le fixer, le panneau s'est refermé brutalement sur deux doigts de ma main gauche. Heureusement que ma chevalière a amorti le choc. Résultat ce soir, j'ai le majeur bleu et ouvert sur la face interne. Rassurez-vous, je me suis fait une attelle et ça va mieux. Ensuite, j'ai voulu vider mon seau étanche et là le couvercle m'a échappé et s'est envolé… Au déjeuner, j'étais heureux de finir mon couscous de la veille, lorsqu'une vague a fait balancer le tonneau et à envoyer l'ensemble de ma vaisselle au sol (ménage fait…)".
Une journée type à bord du tonneau
Lecture, musique, journal de bord, inscriptions des prénoms des enfants qui suivent le périple du tonneau, plongée, carénage, production d'eau grâce au dessalinisateur (1 800 coups de pompe pour 4,5 litres d'eau très pure), Jean-Jacques ne semble pas s'ennuyer ! Voici son compte-rendu du 10 janvier 2019, 15ème jour de traversée :
"Très beau temps, pas de vent et l'Océan égal au lac de Lacanau.
10 h : je m'installe sur le perchoir et j'aperçois derrière moi un bateau à l'horizon ; il s'agit d'un cargo qui croise d'Est en Ouest à environ 3 km derrière. J'ai essayé par VHF durant une heure de le contacter et malheureusement rien, pas de réponse. Là, j'ai eu une pensée pour les naufragés qui voient leur délivrance s'éloigner…
11 h : j'entends un souffle que je connais bien. A 300 mètres, une énorme baleine qui a troid reprises fait surface. Elle réitéra sa danse à mes côtés après ma baignade en fin de soirée.
12 h : je vois arriver une magnifique tortue de mon âge qui vient me rendre visite. Elle restera une heure à cogner contre la coque. Et puis, j'ai un nouveau pensionnaire qui est venu se présenter sous l'eau, c'est un poisson de 25 cm, un mérou. Je l'ai baptisé Jeudi.
Dans l'après-midi, j'en ai profité pour encore faire du nettoyage, une lessive. Je continue d'écrire mon journal de bord et de lire.
Le vent se lève et je repars vers le Nord Est freiné par l'ancre flottante.
Nuit étoilée, le croissant de lune grossit et descend doucement derrière l'horizon ... La nuit sera douce."