Un bel hommage au premier tour du monde en solitaire à la voile
La Golden Globe Race – tour du monde à la voile en solitaire, sans escale, sans assistance et sans routage – est la première course autour du globe en solitaire courue en 1968/1969. Au départ, ils sont 9 participants et à l'arrivée il n'y aura qu'un seul solitaire à avoir bouclé le parcours : l'anglais Sir Robin Knox-Johnston. Pour rendre hommage à cette grande première, la Golden Globe Race revient en 2018 (50 ans après !) avec un départ donné le 1e juillet des Sables-d'Olonne. Les règles ne changent pas : un marin et un bateau face aux grands océans du monde…
Avec l'ouverture du village le 16 juin, les 17 skippers en lice ont rejoint Les Sables-d'Olonne. Parmi eux le célèbre navigateur anglais sur son tout aussi célèbre voilier Suhaili. Même s'il ne participe pas à ce nouveau tour du monde – il en compte 3 à son actif – il donnera le top départ depuis le pont de son bateau. Il sera accompagné de Joshua, positionné à l'autre extrémité de la ligne de départ.
Deux voiliers mythiques réunis pour la première fois
C'est un autre voilier mythique de la première édition que l'on retrouve à quai, à côté de Suhaili : Joshua, le ketch en acier à la coque rouge de Bernard Moitessier. Les deux hommes ont couru la même course, mais ne sont pas rencontrés avant bien des années. D'abord parce qu'ils sont partis de deux endroits différents, comme l'explique Sir Robin Knox-Johnston "Nous ne nous sommes jamais rencontrés parce que nous avons démarré de ports différents à 6 semaines d'intervalle. J'étais parti de Falmouth le 14 juin et Bernard était parti de Plymouth en Angleterre le 22 août."
Ensuite parce que la course se courait en utilisant des sextants, cartes papier et chronomètres et en gardant à l'œil le baromètre. Moitessier avait d'ailleurs refusé d'emmener une radio, arguant qu'aucune intrusion du monde extérieur n'interromprait son voyage. Il voyait déjà d'un mauvais œil la commercialisation de la course par le Sunday Times, qu'il considérait comme une "violation de l'idée spirituelle qui avait inspiré la compétition."
Enfin parce que Moitessier, pour "sauver son âme" a tourné à l'est après avoir passé le cap Horn pour faire un second tour de l'Océan Sud. "Moitessier a fait le tour du cap Horn le 5 février, 19 jours après le Suhaili. S'il avait continué, Bernard aurait sans aucun doute créé un record autour du monde plus rapide, mais il ne m'aurait pas battu au retour en Angleterre" détaille le skipper anglais.
La 2e vie de Joshua
Après 300 jours de mer, Moitessier et Joshua mouillaient l'ancre à Papeete, à Tahiti, le 21 juin 1969. Il y reste 17 ans et y fonde une nouvelle famille – sa femme Françoise restera en France — avec sa compagne Iléana, qui lui donnera un fils Stephan, en 1971.
En 1982, Joshua – et 25 autres bateaux — est détruit par ouragan dans le port de Cabos San Lucas, au Mexique. Démâté, fortement abimé, il est retrouvé sur la plage, profondément enfoncé dans le sable. La coque étant intacte, une équipe – menée par Reto Fili, un local – passe une semaine à creuser une tranchée pour libérer l'épave du sable. Moitessier confie alors le refit de Joshua au jeune homme. Brillamment retapé, Reto amène le voilier à Seattle, où l'Américaine Johanna Slee – navigatrice professionnelle – l'achète.
En 1989, le ketch est remarqué par Virginia Connor, qui envoie une photo du bateau à Voiles & Voiliers pour l'identifier. C'est alors que Patrick Schnepp, directeur du musée national maritime à La Rochelle traversa l'Atlantique pour le racheter et le ramener en France. Le bateau y fut restauré à son état presque originel. Le mât en métal installé après l'ouragan est resté, mais il possède un nouveau moteur et la cabine est maintenant pourvue de lits superposés pour donner l'opportunité aux gens de voyager à plusieurs.
À l'inverse de Suhaili qui n'est pas listé dans le registre des bateaux historiques anglais parce qu'il lui manque 18 cm, Joshua est référencé comme un trésor national. Il est entretenu comme un musée vivant par les "Amis de Joshua", une association qui donne au public l'opportunité de naviguer dessus.
Une rencontre tardive
"Nous nous sommes finalement rencontrés des années plus tard à une conférence de presse à Paris. Bernard fut très généreux, mais m'avoua qu'il avait pensé que la course était perdue jusqu'en Australie, son dernier contact avec le monde extérieur. Je crois qu'il a continué pour un second tour du monde après avoir passé le cap Horn parce qu'à l'époque il était enfin en mer et ne voulait pas retourner à un monde de plus en plus commercial" ajoute le vainqueur du premier tour du monde en solitaire.