De l'Atlantique aux eaux du Pacifique : regards sur une navigation à bord d'un Galapagos 43

© E Pur Si Muove

De l'Afrique à l'Asie, Simon et Caroline ont découvert une diversité incroyable de paysages, de cultures et de faune marine à bord de leur Galapagos 43. Un périple qui leur a réservé des moments inoubliables.

Naviguer d'un continent à l'autre ne se résume pas à une simple question de milles nautiques. Derrière chaque escale, il faut s'adapter à de nouveaux peuples et de nouveaux enjeux nautiques. De l'Atlantique Sud aux eaux tropicales du Pacifique, Simon et Caroline ont appris à composer avec des réalités très contrastées à bord de E Pur Si Muove, un Galapagos 43.

Thaïlande © E Pur Si Muove
Thaïlande © E Pur Si Muove

Avant de vous diriger vers l'Asie en 2018, vous mentionnez sur les réseaux sociaux avoir eu une rencontre avec un requin blanc en Afrique du Sud. Comment cette rencontre a-t-elle affecté votre perception de la faune marine ?

Simon et Caroline : La rencontre avec les grands blancs s'est déroulée à Mossel Bay, en Afrique du Sud. C'est une baie où se trouve une petite île abritant environ 5 000 à 8 000 otaries. Les requins blancs juvéniles ou les adultes blessés viennent s'y réfugier, profitant d'un garde-manger d'otaries quasiment inépuisable. Lors de notre escale, nous avons rencontré sur les pontons un bateau proposant des sorties en mer avec une cage de mise à l'eau. Pour attirer les requins, ils utilisaient de la saumure et accrochaient une tête de thon à un bout, ce qui permettait aux clients d'observer la dentition impressionnante de ces géants, certains avoisinant allègrement les 7 mètres de long...

© E Pur Si Muove
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C'était une expérience fascinante de voir ces animaux évoluer dans leur élément, car il est impossible de les observer en plongée libre. Cependant, la frontière entre observation et appâtage nous est apparue très fine. Nous étions plus jeunes et n'avions pas pleinement mesuré les conséquences de telles pratiques. C'est une expérience que nous ne réitérerons pas.

© E Pur Si Muove
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Par la suite, nous avons privilégié les rencontres opportunistes depuis notre voilier, bien que celles-ci soient parfois éphémères. Nous avons eu de magnifiques interactions : des baleines à bosse, un couple de baleines bleues (bien plus grands que notre bateau), des globicéphales, des mola-mola, des marlins et autres poissons pélagiques, une baleine albinos au large de la Tanzanie (entièrement blanche, à l'instar de Moby Dick), de multiples raies mantas, des requins-baleines, des pointes noires, des pointes blanches, des tigres, des requins gris de récif, ainsi que des dauphins de toutes sortes.

Certains pratiquaient même le "tail sailing", un comportement étrange généralement observé chez les baleines, où elles sortent leur queue hors de l'eau, tête en bas, pendant de longues périodes, comme si elles s'en servaient de voile... Le spectacle n'est jamais aussi beau que lorsque ces animaux décident d'eux-mêmes de venir tourner autour de notre voilier.

Maldives © E Pur Si Muove
Maldives © E Pur Si Muove
Maldives © E Pur Si Muove
Maldives © E Pur Si Muove

De l'Afrique à l'Asie, comment avez-vous trouvé la transition entre vos différentes escales, qui peuvent paraître assez éloignées les unes des autres en termes de culture et de conditions maritimes ? Qu'est-ce qui a influencé votre rythme de navigation et vos décisions sur le parcours ?

Simon et Caroline : D'un pays à l'autre, la plupart des standards changent, même en Asie ! Entre la Thaïlande et la Malaisie péninsulaire, les cultures et l'ouverture sur le maritime sont très différentes.

Ravitaillement en eau en Thaïlande Lucien et son papa en plein concours musical © E Pur Si Muove
Ravitaillement en eau en Thaïlande © E Pur Si Muove

Grâce à notre envie de découverte par le biais du voilier, nous n'avons pas eu de mal à vivre ce changement constant : culture, monnaie, traditions, religions et formalités administratives (bien que ces dernières puissent parfois être une source majeure d'embêtements).

Notre rythme a été largement dicté par les saisons. Nous n'avons presque jamais navigué dans la période optimale, car, sauf à rallonger considérablement la durée du voyage, il arrive toujours un moment où la mousson s'installe et où la saison devient moins propice à la navigation dans la région. Cela ne nous a pourtant jamais freinés (exception faite de Palawan, aux Philippines, où nous avons écourté notre séjour à cause des vents dominants et des pluies incessantes rendant la plupart des mouillages intenables).

Un des points clés de ce voyage a été le fait que, grâce à un enchaînement habile – et en grande partie dû au hasard –, nous arrivions dans la plupart des zones hors saison touristique. Cela nous a permis d'explorer des sites comme si nous étions presque seuls au monde.

Philippines © E Pur Si Muove
Philippines © E Pur Si Muove

En pleine saison, ce sont parfois des centaines de bateaux qui transportent des milliers de touristes vers les mêmes points d'intérêt... Notre itinéraire n'étant pas figé, nous avons souvent ajusté notre parcours en fonction des conseils d'amis ou de rencontres faites sur les pontons. Le Vietnam étant malheureusement inaccessible en voilier, nous avons décidé de laisser notre bateau à Puteri, en Malaisie, juste en face de Singapour, et d'y aller par la voie des airs. Nous en avons profité pour visiter également le Laos, qui ne possède aucun accès à la mer, hormis le Mékong qui le traverse.

Nous voulions aussi terminer ce voyage avant les 3 ans de notre enfant. Même sans réel impératif, nous nous étions donc fixé une date limite. Avec le recul, nous savons qu'il est illusoire de vouloir tout voir. Rien que pour l'Indonésie, qui compte 17 000 îles, nous aurions pu y naviguer pendant 20 ans et continuer à découvrir un petit mouillage caché ou une baie splendide tous les 2 jours.

© E Pur Si Muove
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Lorsque vous avez exploré ces pays d'Asie du Sud-Est, quelles différences avez-vous observées dans les conditions de navigation, les infrastructures portuaires ou même les interactions avec les marins locaux dans ces zones, par rapport à d'autres régions de votre parcours ?

Simon et Caroline : Les différences sont notables en effet. Là où la Thaïlande offre des mouillages abrités autour d'îles ou dans la mangrove, ainsi que de superbes marinas, la Malaisie, elle, impose une navigation plus encadrée.

Thaïlande © E Pur Si Muove
Thaïlande © E Pur Si Muove
Malaisie insulaire © E Pur Si Muove
Malaisie insulaire © E Pur Si Muove

En raison du trafic commercial et de la présence de nombreux pêcheurs locaux, il était souvent préférable de naviguer à la lumière du jour et d'opter pour une marina la nuit. Le Vietnam reste malheureusement très compliqué : les formalités sont strictes, les restrictions nombreuses et les coûts excessifs pour les voiliers étrangers. Singapour, quant à elle, est une mégalopole dotée de marinas de luxe, mais les formalités d'entrée sont à la hauteur de sa réputation. À titre d'exemple, nous aurions dû payer 2 000 euros de frais – hors marina – pour y faire escale une semaine. Nous avons donc préféré prendre le bus depuis la Malaisie (une heure de trajet, formalités d'immigration comprises !).

Dans l'ensemble, nous avons passé 95 % de notre temps au mouillage forain, dans des profondeurs variant entre 2,5 et 38 mètres (oui, oui, 38 mètres !). Nous avons fait escale sur certaines petites îles probablement inexplorées par un voilier depuis un ou deux ans, habitées uniquement par des pêcheurs et leurs familles, où l'anglais était totalement absent.

© E Pur Si Muove
© E Pur Si Muove

Notre petit matelot, malgré lui, était un excellent facilitateur de rencontres : il se retrouvait souvent suivi par une dizaine d'enfants à travers tout le village, ce qui nous permettait de partager de beaux moments, même sans parler la langue.

© E Pur Si Muove
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Nous avons toujours tenté d'éviter les zones trop touristiques ou d'y aller hors saison, car cela peut rapidement devenir invivable avec le passage incessant de bateaux de tourisme et tout ce que cela engendre...

Avez-vous remarqué des difficultés spécifiques dans certaines régions en termes de sécurité à bord, d'accueil ou de services nautiques ?

Simon et Caroline : Hormis en Afrique du Sud, nous n'avons jamais réellement été inquiétés par la sécurité à bord, que ce soit en navigation ou au mouillage. Il est essentiel de s'intéresser aux coutumes et aux comportements des locaux, mais aussi de se renseigner directement auprès d'eux sur les éventuels dangers.

À environ 300 milles au large du Sri Lanka, il est courant que des pêcheurs viennent naviguer en parallèle à une dizaine de mètres des bateaux, cherchant à échanger du poisson contre des cigarettes ou des spiritueux. Certains voiliers que nous avons croisés nous ont raconté avoir allumé leur moteur pour tenter de les distancer, alors qu'il ne s'agissait que de curiosité et de troc.

Les Philippines conservent encore aujourd'hui une réputation de nation de pirates, mais les zones concernées se situent principalement dans l'extrême sud, entre Bornéo et Mindanao. Cela ne s'étend absolument pas au reste du pays, qui offre un vaste et magnifique bassin de navigation. Malheureusement, une part de hasard demeure : une mauvaise rencontre peut arriver, comme n'importe où...

Lorsque vous avez commencé votre voyage à la voile, quelles étaient vos attentes en matière de découvertes, et comment ont-elles évolué au fur et à mesure de votre aventure ? Parmi toutes vos escales, lesquelles ont retenu plus particulièrement votre attention ?

Simon et Caroline : Nous n'avions pas d'attentes réellement précises, si ce n'est celle de découvrir le monde par nos propres moyens et, surtout, d'atteindre l'Asie, qui nous faisait tant rêver.

Lucien et son papa en plein concours d'harmonica © E Pur Si Muove
Lucien et son papa en plein concours d'harmonica © E Pur Si Muove

Nous voulions également sortir des sentiers battus et accéder à des zones encore préservées du tourisme de masse afin de privilégier les rencontres avec les habitants. Notre voyage a pris un tournant avec l'arrivée de notre petit garçon, qui a été un véritable vecteur de rencontres sincères.

© E Pur Si Muove
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Nous avons eu un coup de cœur pour l'Indonésie, tant pour ses paysages grandioses que pour la gentillesse de sa population. Nous avons eu la chance de rencontrer les Bajo, un peuple de nomades des mers, avec qui nous avons partagé de merveilleux moments. Cela dit, chaque escale nous a apporté quelque chose à sa manière. Nous ressortons de cette aventure avec la tête remplie de souvenirs extraordinaires (et parfois de galères !) et le cœur empli de gratitude, tant pour les belles rencontres faites que pour avoir eu le privilège d'admirer la beauté et la richesse de l'océan.

Cependant, nous avons également été témoins de phénomènes préoccupants qui ne sont plus un secret pour personne et qui menacent cet élément que nous chérissons tant : la pollution, la surpêche et le tourisme de masse. Chaque jour, l'océan souffre de la négligence humaine, et les conséquences sont de plus en plus visibles. Les eaux autrefois cristallines sont désormais envahies de déchets, et les écosystèmes marins sont fragilisés par une exploitation excessive qui perturbe l'équilibre naturel. Au début de notre voyage, il y a 8 ans, nous observions beaucoup plus de vie sous-marine et bien moins de pollution.

Thaïlande © E Pur Si Muove
Thaïlande © E Pur Si Muove

Dans certaines zones, les poissons ont presque disparu alors qu'elles étaient autrefois réputées pour leur richesse marine, et les fonds sont jonchés de plastique... Il n'a pas toujours été facile d'assister à cela en se sentant impuissants.

© E Pur Si Muove
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En février 2025, vous avez mentionné avoir joué "au chat et à la souris" avec la tempête tropicale Faida. Comment avez-vous géré cette situation particulière ? Quelles leçons en tirez-vous sur la gestion des intempéries en mer ? Avez-vous déjà fait face à d'autres situations fâcheuses ?

Simon : Nous avons effectué notre traversée retour de l'océan Indien depuis Komodo en passant par l'atoll de Cocos Keeling, Rodrigues et enfin La Réunion. Avec un départ mi-décembre, nous avons réalisé cette traversée en pleine saison cyclonique (nous n'avions malheureusement pas d'autre choix). À mes yeux, ce n'est pas un risque plus important qu'un autre lorsque l'on connaît bien les conditions de cyclogenèse et les évolutions possibles de ces systèmes destructeurs.

Le problème avec cette tempête tropicale, qui est passée au stade de petit cyclone aux abords de Rodrigues, est qu'elle est restée imprévisible du début à la fin pour les modèles météorologiques. D'une part, son intensification ou son effondrement restaient incertains, d'autre part, sa trajectoire était instable. Nous avions un Garmin Inreach à bord et je recevais (par Caroline qui n'a pas participé au retour avec Lucien du fait des conditions probables) les informations du centre de la dépression, de son rayon d'action.

Les jours passant, elle semblait se consolider, et s'engager sur une route Ouest-Sud-Ouest. Nous étions pile sur sa trajectoire donc avons poussé un peu le voilier. Nous avons piqué plus sud, pour rester à une distance raisonnable de son centre d'action, tout en gardant une possibilité de passer devant, si elle faisait son backing (inclinaison de route franche vers le Sud). Le lendemain, la dépression repartait au Nord puis au Nord-Est due à une zone de haute pression. Nous avons donc repris notre route directe vers Rodrigues tout en suivant l'évolution.

Sa montée vers le NE lui a au final permis de se renforcer, et d'affirmer sa rotation pour nous gratifier d'une belle poursuite. Nous avons pris de nouveau un peu de sud (demi-cercle dangereux mais le seul qui nous permette de garder un peu de portant) tout en réduisant assez pour limiter notre vitesse, nous nous sommes faits dépasser et avons pu ainsi repiquer sur notre destination au dernier moment.

Il est évident que si le système avait été plus compact ou puissant, nous aurions échappé vers le Sud bien plus tôt pour rester dans une zone où les conditions restent contrôlables. Nous avons donc dû adapter notre route en permanence, surveillant l'évolution de la dépression et la comparant avec nos propres observations sur l'eau. Cette expérience nous a rappelé l'importance d'une bonne connaissance météo et d'une veille constante en mer.

Vous avez décidé de mettre en vente E Pur Si Muove au Port à la Réunion, au prix de 70 000 €. Quelles sont les raisons de cette décision ? Pensez-vous à d'autres grandes traversées sur un nouveau voilier ?

Simon : Le bateau vient de rentrer et est prêt à repartir. Nous sommes conscients que son prix est au-dessus de ceux pratiqués en métropole, mais il est basé sur la cote des voiliers dans cette région, où l'offre est bien inférieure à la demande. Bien sûr, le prix est largement négociable en fonction des projets des futurs acquéreurs, car nous ne voulons pas voir le bateau stagner pendant 10 ans en attendant un éventuel nouveau départ.

Caroline : Quant à nous, d'autres projets vont bientôt commencer, notamment une auto-construction ou la rénovation d'une maison, pour retrouver un temps le confort de la sédentarité et nous rapprocher de nos proches. Nous continuerons bien entendu à naviguer, notamment avec le bateau du père de Simon, mais sous d'autres latitudes : Écosse, Norvège, Islande... Le terrain de jeu est vaste ! Peut-être qu'un jour, si l'envie nous prend, nous préparerons un autre départ vers le Pacifique, en empruntant le passage du Nord-Ouest. Notre vie est faite de mouvement, et rien n'est figé.

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13.00 mLongueur hors-tout
4.00 mLargeur - Bau
10 000 kgDéplacement lège
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