Clément Lelabousse, océanographe pour les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), est spécialisé dans l'étude des écosystèmes marins des zones isolées. Basé dans l'océan Indien, il réalise des missions depuis une dizaine d'années à bord d'Antsiva, une goélette-dériveur en aluminium de 28 mètres mouillée à Mahajanga, une ville portuaire de la côte nord-ouest de Madagascar. Pour ce scientifique, Antsiva se distingue par la polyvalence de ses aménagements : conçue à l'origine pour la recherche scientifique, elle offre également aux plaisanciers en croisière l'opportunité d'explorer les fonds marins remarquables du canal du Mozambique.
Une expérience de bord confortable pour la plaisance
Conçu à l'origine pour l'exploration scientifique, Antsiva est un dériveur en aluminium de 28 mètres armé au commerce qui se caractérise par ses aménagements polyvalents : "C'est un bateau d'expédition, mais entre deux missions scientifiques, il accueille aussi des touristes en croisière", explique Clément, qui se prépare à effectuer dans quelques semaines une nouvelle mission à bord.
Les aménagements du voilier, nombreux et bien pensés, permettent ainsi de concilier tantôt recherches scientifiques, tantôt confort pour les passagers. À bord, ceux-ci peuvent profiter de deux grands espaces adaptés à la fois aux croisières et aux missions scientifiques prolongées : le premier, lumineux et spacieux, sert de salle à manger et d'espace de vie, tandis que le second, aménagé en salon avec une bibliothèque et une BD-thèque, offre un lieu de détente pour les lecteurs de tout âges.
Les cabines, équipées d'espaces dressing, ainsi que les douches et WC, permettent d'héberger confortablement chaque hôte.
Pour assurer leur confort intégral, le bateau est même doté d'une machine à laver le linge et d'un dessalinisateur capable de produire 200 litres d'eau douce par heure. À l'arrière, une grande jupe polyvalente propose divers usages : accrocher un hamac pour une sieste, prendre une douche en plein air ou profiter d'une balançoire.
Antsiva est également équipé de 3 annexes rigides motorisées, allant de 4 à 6 mètres, adaptées aux besoins des divers usagers.
La capacité d'hébergement comprend 8 passagers, en plus des 4 membres d'équipage dont les propriétaires, Nicolas et sa femme Anne Tisné, Alex Gaux, le second capitaine, et Odilon Tsiafara, marin malgache.
Explorer les eaux préservées de Madagascar
Antsiva navigue principalement dans la région nord-ouest de Madagascar. "C'est est un véritable hotspot de la biodiversité marine mondiale", souligne le scientifique. S'étendant sur 360 km, cette région abrite des récifs coralliens préservés et une faune sous-marine exceptionnelle qui attirent tant les chercheurs que les plongeurs passionnés.
À bord d'Antsiva, les plaisanciers peuvent d'ailleurs profiter de l'équipement disponible, à condition de posséder les certifications nécessaires. Clément fait par ailleurs remarquer l'importance de pouvoir relever la dérive du bateau : un atout structurel essentiel pour pouvoir naviguer dans les mangroves.
Les croisières proposées couvrent ainsi une zone allant de la Baie du Courrier au nord jusqu'à la Baie de Moramba au sud, un itinéraire où les plaisanciers ont l'opportunité de découvrir des écosystèmes uniques, souvent inaccessibles par les circuits touristiques traditionnels. Parmi les sites les plus remarquables, même si le choix n'est pas simple, Clément recommande cette zone : "Si je devais citer un endroit qui me vient à l'esprit, ce serait la baie de Moramba. Entre les îles Radama et Mahajanga, on trouve une grande baie avec des îlots Tsingy. L'endroit est magnifique".
Une logistique scientifique robuste
Antsiva se distingue par la diversité de ses équipements scientifiques de pointe, indispensables pour les missions océanographiques. Pour cet effet, le bateau est doté de sondeurs multifaisceaux permettant de cartographier les fonds marins, de compresseurs pour la plongée scientifique, d'un drone sous-marin et même d'un caisson hyperbare, un équipement rare pour un voilier. "C'est un outil de sécurité indispensable pour les missions de plongée scientifique ; espérons que nous n'aurons pas à nous en servir", confie Clément, habitué à effectuer des plongées en eaux profondes pour ses recherches.
Sur le plan scientifique, tout a donc été pensé. Antsiva dispose d'un laboratoire dédié à l'analyse des données collectées en mer. "Le laboratoire est essentiel pour nos expéditions", insiste-t-il. "On peut y réaliser des expériences de chimie et il est équipé de deux congélateurs de 350 litres pour les gros stockages. Il y a aussi un atelier qui nous sert assez régulièrement, avec tout l'outillage de base, du tournevis à la disqueuse."
Avec un tel éventail d'équipements à bord, les besoins énergétiques peuvent se révéler considérables. Un fait qui ne semble pas être un problème pour Antsiva qui bénéficie, comme le souligne Clément, "d'une autonomie remarquable" rendue possible grâce à un équipement doublé incluant groupes électrogènes et compresseurs de secours.
Ces infrastructures logistiques robustes font d'Antsiva un acteur clé dans des missions d'ampleur scientifique comme le programme "Récifs Isolés", piloté par les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), où travaille Clément. Ce projet, dont l'objectif est d'évaluer l'état de santé des récifs coralliens et des écosystèmes associés des îles Éparses (Europa, Juan de Nova, Bassas da India et Glorieuses), se renouvelle tous les 5 ans. Plusieurs campagnes en mer sont donc nécessaires pour établir un suivi écologique durable de ces territoires. "La prochaine mission est prévue entre octobre et décembre 2024", détaille-t-il. "Nous embarquerons avec plusieurs spécialistes pour cette expédition à bord d'Antsiva, affrété via un marché public." L'échéance de ce bilan est prévue pour juin 2025. "Les résultats de cette campagne permettront d'améliorer la gestion et la préservation des récifs coralliens des îles Éparses", précise-t-il, avant d'ajouter que ces écosystèmes sont d'une importance cruciale pour comprendre les impacts du changement climatique, de la pollution et de l'exploitation humaine.
Une empreinte écologique réduite
Contrairement aux autres bateaux scientifiques de la région comme l'Angra Pequena ou la Curieuse, Antsiva économise des milliers de litres de carburant lors de chaque mission grâce à sa propulsion à la voile. Bien que le dériveur ne fonctionne pas exclusivement à la voile, Clément, défenseur engagé d'une navigation plus respectueuse des écosystèmes, fait ainsi remarquer son faible impact carbone : un atout qu'il estime majeur pour mener à bien la mission scientifique qui lui a été attribuée, particulièrement dans cette région du canal du Mozambique où l'impact humain doit être réduit au maximum pour préserver la fragilité des écosystèmes.
Sensibiliser au respect des écosystèmes marins
Au fil des expéditions scientifiques qu'ils ont accueillies à bord, il ne fait pas de doute selon l'océanographe que le duo Anne et Nicolas, propriétaires d'Antsiva, ait vu ses connaissances s'accroître face aux dynamiques complexes de la préservation des écosystèmes marins. Un avantage qui leur permet d'être en mesure de partager cette expertise avec les passagers, que ce soit pour observer la richesse des récifs coralliens, pêcher de manière responsable ou encore explorer des lieux isolés souvent inaccessibles aux autres touristes, sans pourtant nuire à la biodiversité.