Vous avez récemment quitté la présidence de la classe ULTIM. Racontez nous cette incroyable expérience.
Ça a duré un peu plus de 10 ans, quand le projet a été initié, jusqu'à ma démission en septembre 2024. 11 ans, c'était un peu long, mais ce projet commun a été tellement passionnant que tout est passé très vite. Quand nous avons lancé la classe, qui s'appelait "Collectif Ultim", le but était de faire accepter ces bateaux incroyables sur des courses, car ils n'étaient intégrés à aucune épreuves en flotte, uniquement du record. Pour l'anecdote, c'est François Gabart, tout juste auréolé de sa victoire dans le Vendée Globe, qui nous a appelé le premier pour manifester son intérêt pour cette classe.
Certains moments ont été plus difficiles que d'autres, comme tout projet avec de l'ambition. Mais les échanges ont été très riches, avec de belles rencontres, et toujours caractérisés par l'humilité, l'engagement et la passion de chacun.
Si on ne fait ça que pour soi, ça n'a aucun sens. L'intérêt est de le faire pour partager, de créer des opportunités de rencontres au départ et aux arrivées de courses.
A quand remonte l'arrivée de Sodebo dans le monde de la Voile ?
Nous avons commencé notre partenariat dans la voile en 1998 sur un projet de 60 pieds avec un autre skipper. Thomas a repris les rênes du projet en 1999, ne les a plus lâchés, afin de poursuivre notre projet commun.
A l'époque, nous avions lancé le premier IMOCA avec un mât aile, tournant et autoporté, ce qui était un pari à l'époque. Finalement, cette solution architecturale n'a pas été autorisée pour le Vendée Globe. C'est le jeu de l'innovation, il faut qu'elle tombe dans le bon timing, elle peut être décalée, retardée.
Par la suite, nous sommes devenus partenaire majeur du Vendée Globe, et ce depuis 20 ans.
En quoi la Voile est un vecteur de notoriété pertinent pour une entreprise comme Sodebo ?
Quand nous sommes sur un village départ, on présente l'entreprise, le bateau, et ça nous permet de faire venir nos collaborateurs, issus de tous les échelons. Il y a des échanges entre collègues de travail, avec les marins et avec le public.
C'est un outil de communication. Mais nous avons eu un choix au départ. Soit on fait de la publicité, on achète de l'espace, on tourne un film et on crée une campagne. Soit on se lance dans le sponsoring voile, avec toutes les incertitudes que cela comprend, mais également toutes les opportunités, totalement différentes, qui peuvent se révéler.
De fait, on apprend à mieux connaitre son entreprise et de faire des rencontres et des projets communs. Le potentiel est incroyable.
Qu est ce qui vous incité à vous lancer dans le sponsoring voile ? Vous êtes vous-même une navigatrice ?
Pas du tout, nous n'avions aucune connections avec le monde de la voile. On est venu nous chercher pour nous présenter le projet d'IMOCA et nous avons saisi l'opportunité.
A ce moment-là, personne dans l'équipe n'avait eu l'idée de se lancer dans le secteur de la course au large. Alors que le Vendée Globe est à nos portes, à seulement une heure de route de notre siège social. Mais on ne s'imaginait pas qu'investir dans la voile était accessible à une entreprise comme la nôtre.
Nous n'y connaissions rien, on s'est entourés, on a pris des experts sur le sujet. Petit à petit, on s'est dit "Pourquoi pas ? "
Le projet était ambitieux, mais il faisait rêver. On avait une activité qui avait beaucoup progressé, mais qui était peu connue. On devait donc agir pour améliorer notre notoriété.
La proximité avec la Vendée et les Sables d'Olonne a été un facteur facilitant, car les connexions se sont faites assez rapidement.
Quoiqu'il arrive, on ne voulait pas faire un one shot avec ce partenariat. Nous voulions en faire un fil conducteur et qu'on travail dans la durée. La longévité et la fidélité sont des valeurs importantes, nous restons une entreprise familiale et nous résonnons sur le long terme.
25 ans avec le même skipper, c'est un record dans l'histoire de la course au large?
Oui, mais pour autant, tout n'a pas toujours été simple. Que ce soit dans les entreprises, dans les familles, il y a des moments plus difficiles que d'autres, mais l'important est de ne pas abandonner tout de suite.
Ces difficultés sont sources d'apprentissage et apportent aux équipes, qui s'en sortent grandies et évoluées.
J'aime bien faire le parallèle avec l'entreprise, car c'est un projet qui est intimement lié. Si on veut de la fidélité et de l'engagement des personnes qui travaillent avec nous, il faut qu'elles y trouvent un intérêt et du plaisir. Et ce plaisir se trouve en apprenant et en grandissant, réalisant des choses qu'on ne se sentait pas capable de faire.
Ça passe dans la durée, dans l'apprentissage. Et je crois que si ce sponsoring dure, c'est parce qu'on l'a intégré dans le projet de l'entreprise, et qui nous ressemble. Mutuellement, nous grandissons ensemble.
Revenons à la classe ULTIM, quel souvenir allez-vous garder de cette présidence qui dure depuis ses débuts ?
Je me souviens surtout du commencement, où les différents acteurs de la classe s'étaient réunis, afin d'échanger sur notre vision et les valeurs que nous voulions inculquer à cette jeune classe, à savoir l'humain et la bienveillance. Ces éléments fondateurs ont permis à la classe d'être encore debout après une décennie.
Il y a eu des moments difficiles, lorsque Banque Populaire IX s'est disloqué, et que plusieurs bateaux étaient endommagés, l'avenir de la classe était en pointillés. Mais derrière, une bonne nouvelle en amène une autre. Banque Populaire a relancé la construction d'un ULTIM, tout le monde s'est concentré sur des objectifs communs, à savoir renforcer les bateaux, d'assurer la sécurité des marins. On sortait d'une phase avec beaucoup d'innovations, mais il valait mieux assurer la sécurité des bateaux pour en ressortir avec une classe plus robuste.
Quel est le bilan de l'Arkea Ultim Challenge ?
Ce projet a été porté pendant presque 10 ans, malgré divers obstacles qui ont retardé son avancement initial. L'objectif a été atteint au départ, avec un plateau incroyable réuni dans le port de Brest. Mais également à l'arrivée, ou seul un bateau manquait à l'appel. Cette course a été marquée par des histoires incroyables. Cela renforce encore davantage la puissance et l'importance de ce projet.
On a franchi un nouveau cap avec la réussite de cette course, donc je pense aussi que c'était le bon moment pour passer la main à la tête de la classe.
A l'arrivée de l'Arkéa, Thomas a annoncé ne pas vouloir repartir tout seul. On arrive à la fin de cette belle histoire ?
Thomas est le marin qui a le plus tourné autour de la planète en solitaire et en multicoque. Cette 2e place est un superbe résultat. Il trouve également beaucoup d'intérêts dans l'équipage, de créer un collectif, de trouver des équipiers complémentaires. Il va repartir dans une 2e tentative de Jules Verne cet hiver, qu'il avait abandonné sur casse alors qu'il possédait une belle avance.
Mais en effet, à ce jour, il ne s'oriente pas vers un nouveau tour du monde en solitaire. Mais nous sommes en CDI avec Thomas. Les échanges se font en bonne intelligence. Si nous devions faire évoluer notre collaboration, nous en parlerions longtemps en amont.
Ce n'est pas une fin de contrat qui va décider de ce qui va se passer après. C'est le contexte, les évènements, les envies des uns et des autres qui va faire qu'on va se mettre à réfléchir sur la suite.