De la péninsule de Belmullet à la baie de Sligo.
Derrière la péninsule de Belmullet nous découvrons un peu l'équivalent de notre baie de Quiberon en Bretagne : un plan d'eau à la fois exposé aux vents dominants, mais protégé de la houle par une langue de terre austère battue par les embruns.
Le paradis pour les kite ou wing surfeurs pouvant évoluer dans un environnement privilégié. En escale le temps du passage d'un coup de vent, nous constatons que l'endroit est quasi désertique : un phare, une jetée, quelques bateaux de pêche, une poignée de maisons et un pub !
Au nord de cette baie, un pont fixe, malheureusement, relie le rivage à la péninsule toute proche.
Nous sommes donc bons pour faire le "grand tour" afin de rejoindre la baie de Sligo.
Une fois le coup de vent passé, nous contournons la péninsule et doublons Eagle Island et son phare blanc et trapu, gardant le marin des écueils environnants.
La navigation au portant est agréable et le soir venu nous mouillons au nord de la péninsule, à l'embouchure du canal reliant Blacksod bay à la baie de Sligo. Le petit port de pêche de Broad Heaven et son quai sont lovés dans un méandre entouré de collines aux doux reliefs, mais sans aucune commodité, pas même un pub. Nous décidons d'aller poser le casier pour la nuit.
Au petit matin une roussette est prise au piège. Nous la relâchons après avoir fait toucher sa peau de requin à ma fille de 4 ans, très impressionnée par le regard menaçant de cet agile et puissant poisson.
Instant parfait que de quitter son mouillage à la voile escorté par quelques dauphins venus observer la manœuvre.
La côte s'étirant vers l'Est nous réserve des surprises de paysages grandioses : reliefs vertigineux, camaïeux de verts et les fameuses formations rocheuses de Down Patrick Head : des roches présentant un millefeuille géologique détaché du continent par la force de l'érosion.
Killala bay et Silver Strand : seuls au monde dans deux mouillages paradisiaques.
Les yeux rivés sur le sondeur, nous cherchons le meilleur endroit pour "poser la pioche" entre deux bancs de sable. "The pool" est le nom très prometteur de ce mouillage à l'abri de l'île longitudinale et inhabitée de Bartragh. Sur le rivage, la petite ville tranquille de Killala où nous pourrons enfin faire un appoint de gasoil à condition de marcher un peu jusqu'à la station-service.
Un petit market, une aire de jeux pour enfants et nous voilà "repus" de civilisation.
Bartragh Island nous offre une fin de journée à robinsonner sur son banc de sable : sa côte nord étant un peu trop exposée aux vagues et au vent, nous lui préférons sa côte sud, côté mouillage.
Le bateau flotte seul au milieu de la lagune, le village au second plan tandis qu'à quelques mètres de là, émerge une tête luisante gris foncé, avec deux grosses billes noires et des moustaches étonnées. Nous sommes observés !
Notre épuisette peine à se remplir de crevettes grises, mais qu'importe, l'eau est calme, la lumière est douce et nous savourons cet endroit rien qu'à nous à cet instant.
Une trentaine de milles nous sépare du nord de la baie de Sligo où nous souhaitons nous positionner, compte tenu de la météo à venir pour les prochains jours. Quelques dauphins peu enjoués, des oiseaux marins en chasse et surtout un aileron de requin-pèlerin aperçu à la surface complètent le bestiaire de la journée.
Le vertige nous gagne au fur et mesure que nous nous rapprochons des gigantesques falaises de Slive League. Des cascades se déversent quelques centaines de mètres plus bas émaillant la roche sombre de lacets argentés.
Le mouillage de White Strand bay (ou Silver Strand Beach, selon les cartes) nous accueille au creux de sa cathédrale de falaises.
Le chant d'une cascade se mêle au bêlement des moutons s'accrochant aux parois vertes et abruptes. L'eau translucide, d'une température étonnamment acceptable et le sable blond tapissant le fond de la petite baie promettent une délicieuse baignade qui fera également office de douche.
Le lendemain, le visage du capitaine affiche un sourire de vainqueur : Poséidon, tel le père Noël des pêcheurs, a déposé un homard dans notre casier ... des semaines de patience à choisir minutieusement LE bon "spot", enfin récompensées.
Une fois de plus, seuls à profiter de cet endroit paradisiaque, nos deux derniers mouillages auront comblé nos rêves de bonheurs simples.
Derniers bords irlandais ...
Des impératifs de planning ne nous permettent pas de nous attarder dans cette partie de l'Irlande qui mériterait largement d'y prendre le temps.
L'île d'Arranmore nous accueille par un temps maussade : nuages bas, pluie et vent. Nous décidons quand même d'aller explorer l'île. Cirés, bottes et pantalons étanches capelés, tout le monde monte dans l'annexe direction la cale de débarquement de Rossillion bay.
Comme souvent en Irlande, il n'y a pas de sentier côtier : les maisons surplombent les champs de moutons qui s'étendent jusqu'à la grève. La route menant au village de Leabgarrow domine le paysage. Nous ferons comme s'il faisait beau : parc de jeux vue mer, glace et happy hour avec vue sur le petit terminal ferry.
Nous quittons Arranmore alors que le ciel s'éclaircit. Petite frustration que de ne pas avoir pu profiter de l'île par beau temps. Pour nous rendre à Burton Port, un raccourci de 3 milles nous fait de l'œil, mais il est vivement déconseillé, seuls les petits navires de pêches locaux s'y risquent.
Nous rejoignons le chenal en jouant à cache avec les deux ferries reliant l'île à Burton Port, 7 milles plus loin.
Le chenal étroit bordé de chaos granitiques nous rappelle un port de Bretagne Nord. Un dédale de petits chenaux s'entremêlent jusqu'au quai accueillant uniquement bateaux de pêche ou ferry.
Nous mouillons à quelques encablures afin d'aller à pied nous ravitailler en gasoil jusqu'à une petite station-service, 2 kilomètres plus loin. L'eau potable sera bidonnée sur le quai.
La mission accomplie, nous repartons avec la marée nous "stationner" dans un petit mouillage sauvage en face d'Owey Island. Quelques ailerons de dauphins et museaux de phoques flâneront autour du bateau. La pureté du paysage nous ravit : eau claire, plages, rochers et reliefs montagneux en arrière-plan. La zone est très peu urbanisée et l'on se sent au bout du monde.
Cap sur le "toit" de l'Irlande : belle navigation au travers afin de doubler "Malin Head" et de nous positionner dans un mouillage un peu rouleur, mais magnifique.
Un quai avec des navires de pêche, une grande plage avec un camping et quelques maisons accrochées sur les falaises.
Le temps est radieux, nous profitons de la fin d'après-midi à la plage et dînons d'un excellent fish & chips dans le bar local avec concert de musique avant de nous faire inviter à l'improviste pour un dernier verre par deux familles en plein barbecue au camping de la grande plage. Les enfants jouent, nous discutons voyage et l'ambiance est chaleureuse.
De retour à bord, c'est un coucher de soleil incandescent qui clos comme il se doit cette belle aventure irlandaise. Bye Eire, si ton ascension à jongler avec les caprices de la météo nous a fait parfois devenir chèvre, tu nous as ravis par la beauté de tes paysages, l'authenticité de tes balades musicales et la gentillesse de tes habitants.
Demain, nous ferons route sur l'Écosse …