Entretien avec Pierre-André Huglo, un amoureux de la mer qui rêve de tour du monde

© Bruno Tréca

Pierre-André Huglo prendra le départ de La Longue Route, un tour du monde en hommage à Moitessier, pour la seconde fois. Après une première circumnavigation effectuée en 2018, il rempile en août 2024 pour une seconde tentative à bord du même voilier. Découvrez le portrait du navigateur dans cette première partie.

Une fascination pour les navigateurs en solitaire

La passion pour la navigation, Pierre-André Huglo l'a doit à son père. Ce paternel, propriétaire d'une Caravelle, fait monter son fils à bord dès ses deux ans. Le navigateur raconte : "J'ai tout de suite adoré ça. Ça ne m'a jamais quitté. J'ai beaucoup navigué enfant, adolescent, en croisière familiale. C'était la grande chose de ma vie de naviguer même si j'ai d'autres passions."

Assez jeune, il se fascine pour les navigateurs en solitaire. Lors de sa publication en 1971, il dévore en une nuit "La Longue Route" de Bernard Moitessier. Passionné, ce livre le fait rêver. Dès lors, il lit tout ce qu'il peut de récits de navigation et de grande croisière, particulièrement en solitaire autour du monde.

Il raconte : "J'ai 65 ans. Je suis de la génération des gens marqué par Moitessier ou le périple de Damien, avec Janichon et Poncet entre 1969 et 1973. Leur tour du monde par le Spitzberg, le fleuve Amazone, le cap Horn, les îles australes, l'Antarctique...."

Il a également le goût pour la course et la régate et voue une admiration pour Eric Tabarly.

Une première expérience du solitaire en navigation côtière

Le jeune garçon continue alors de naviguer avec son père jusqu'à vouloir expérimenter le solitaire. A 14 ans, il prend la barre de la Caravelle et part 3 semaines naviguer seul comme il le raconte : "Je suis originaire de Picardie et nous naviguions dans la baie de Somme. J'ai navigué 3 semaines dans la grande baie de la Manche Est. C'est là que j'ai découvert la solitude pour la première fois. La vraie solitude. Ce n'est pas la même chose de rêver de naviguer tout seul et de le faire. Ça pouvait être dur sur le plan psychologique d'être seul. Je m'en suis rendu compte, mais ça ne m'a jamais arrêté".

Pierre-André Huglo à la barre de son Contessa 32 © Bruno Tréca
Pierre-André Huglo à la barre de son Contessa 32 © Bruno Tréca

Approfondir la navigation en solitaire sur un Tequila Sport

Pendant un certain nombre d'années, Pierre-André navigue de manière épisodique, avant de s'acheter vers 35 ans un Tequila Sport de 7 m. Il commence à naviguer avec sa femme et ses deux premiers enfants, mais la famille n'accroche pas. Ne voulant pas imposer le bateau à qui que ce soit, il trouve une solution, lui fera les convoyages en bateau, quand femmes et enfants passeront par la route.

À l'époque professeur de philosophie, Pierre-André profite de presque deux mois de vacances d'été pour naviguer. Il approfondit alors la maîtrise du solitaire sur son petit bateau et se rend deux fois en Irlande. Il détaille : "Durant l'année je faisais des régates, des sorties le week-end, mais le truc important pour moi c'était de pouvoir partir loin, à la découverte du large et de côtes qui font rêver. J'ai été je pense, presque au maximum de ce que peut faire un Tequila."

Trouver un "petit-grand" bateau

Pierre-André cherche ensuite un investir dans un bateau plus grand, un bateau qu'il qualifie de "petit-grand" bateau, raisonnable financièrement et qui lui permette de faire de la navigation océanique. Pour le moment, ses plus longues navigations entre la Bretagne et l'Irlande n'ont duré que trois jours et lui, souhaite aller plus loin. Il découvre alors le Pogo 8.50, comme il nous l'explique : "À sa sortie, le Pogo 8.50 était moderne, un bateau de course insubmersible, capable de faire la Transquadra. Je suis tombé amoureux de ce bateau. J'ai fait de nombreuses économies pour l'acheter en 2003."

Pierre-André Huglo un puriste de la voile © Bruno Tréca
Pierre-André Huglo un puriste de la voile © Bruno Tréca

Mauvaises aventures de mer

Malheureusement, tout ne passe pas comme prévu pour Pierre-André, qui rencontre plusieurs mésaventures. Alors qu'il se trouve au milieu de l'Atlantique à bord de son bateau, il tape quelque chose qui tord l'un de ses safrans. L'année suivante, il réitère cette transat, mais cette fois-ci il fait naufrage et perd son bateau. Secouru par un porte-conteneurs alors qu'il se trouve à 600 milles dans l'ouest de Brest, il passe 10 jours à bord en direction des États-Unis. Une expérience qui change sa vision des choses comme il le raconte : "C'est intéressant de passer 10 jours sur un navire de commerce. J'ai compris que ce sont aussi des bateaux. En tant que plaisancier à voile, on a tendance à penser qu'ils ne sont pas dans la même logique que des voiliers. Mais ça reste des bateaux qui sont soumis aux mêmes problèmes. Voir comment on pouvait percevoir un petit voilier depuis une passerelle a changé mon rapport à la mer. Je suis resté en contact avec le capitaine du bateau. Ça crée des liens."

Naufrage en Atlantique
Naufrage en Atlantique

35 000 milles parcourus sur son Contessa 32

Malgré son naufrage, la première chose à laquelle pense Pierre-André une fois en sécurité sur le porte-conteneurs, c'est à son prochain bateau.

Six mois plus tard, il achète un Contessa 32 d'occasion. Avec ses 9,70 m de long, il reste dans la catégorie des "petits-grands" bateaux et peut aller au large. Après un an de remise en état, Pierre-André recommence à naviguer en 2008. Pendant 10 ans, il parcourt au moins 35 000 milles sur son bateau entre l'Irlande, l'Écosse, les Shetlands, la Corse ou encore l'Espagne. Au fur et à mesure, il améliore son bateau pour le "faire à sa main". Il le sécurise également pour les conditions difficiles qu'il peut rencontrer dans l'Ouest de l'Irlande, en Atlantique Nord. S'il aime cette zone de navigation, la météo tempétueuse nécessite un bateau bien préparé.

Pierre-André Huglo à la barre de son Contessa 32 © Bruno Tréca
Pierre-André Huglo à la barre de son Contessa 32 © Bruno Tréca

Le rêve d'un tour du monde en solitaire

Pour autant, Pierre-André conserve son "vieux" rêve de tour du monde. Il raconte : "En 2018, j'allais avoir 60 ans. C'était le cinquantenaire du Golden Globe, course qui a donné lieu au livre de Moitessier. Je ne me voyais pas fêter mon anniversaire dans mon arrière-cuisine en buvant une coupe de champagne. Je voulais le fêter en mer. Né en décembre, je me suis dit que sur un tour du monde, à ce moment je serais dans le Pacifique. C'est pas mal. J'en rêvais depuis 45 ans. En plus, c'était les 50 ans de la Longue Route."

Il prend alors connaissance de la première édition de la Golden Globe Race. Il prend contact avec les organisateurs, mais son bateau n'est pas éligible, pas assez vintage. L'accès à la course lui est refusé. Il décide alors de partir en parallèle et de faire son tour du monde de son côté. C'est en envoyant en révision son régulateur d'allure CapHorn développé par le navigateur Yves Gélinas, qu'il discute de son rejet de la GGR. Le marin l'informe alors de la création d'un autre tour du monde, baptisé La Longue Route.

Pour cette première édition de 2018, le départ se fait de manière individuelle, au départ d'un port situé au nord du 50° parallèle. Basé à Ouistreham, Pierre-André largue les amarres de ce port, le 28 juillet 2018.

A suivre...

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Contessa 32 La fiche technique
2.98 mLargeur - Bau
4 000 kgDéplacement lège
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