On ne se lasse pas de voir la joie et l'émotion des skippers lorsqu'ils franchissent la ligne d'arrivée d'une course au large. Derrière ces instants uniques se cache un protocole soigneusement orchestré pour offrir les meilleures conditions aux skippers ainsi que les plus belles images au public. Revenons sur ces moments marquants de l'édition 2024 de la Cap Martinique, alors que les derniers concurrents viennent de passer la ligne.
Première rencontre avec le voilier et les skippers
Samedi 4 mai 2024. Les estimations des temps d'arrivée (ETA) ont été annoncées et un premier bateau fait son entrée au large de la baie de Fort-de-France. Vers 22 heures (heure locale), c'est le moment pour les équipes d'organisation et de production (cameramen, photographe) d'embarquer sur les vedettes pour aller à la rencontre des skippers. Ils sont souvent le premier contact humain pour ces marins qui ont passé plus de 20 jours seuls ou en duo lors de la transat. Dans l'obscurité de la nuit, l'affaire n'est pas facile. Dès que le voilier est en vue, nous mettons le cap dessus. Il se rapproche et nous discernons enfin deux silhouettes. Les premiers applaudissements et félicitations s'échappent ; en retour, un large sourire nous est renvoyé. Amaury Dumortier et Geoffrey Thiriez seront les premiers à franchir la ligne d'arrivée à 22h41, heure locale.
Les conditions sont idéales pour saisir ces instants. Suivant le sillage du voilier, tantôt du côté bâbord, tantôt du côté tribord, nous essayons de jongler avec les embruns, les soubresauts et les projecteurs, pour prendre quelques clichés sans trop éblouir les skippers dans leur dernière lancée.
Eux, se prêtent au jeu en nous faisant de grands signes, bien que restant concentrés jusqu'à l'étape ultime : le franchissement de la ligne, entre le bateau du comité de course et une bouée rouge.
Lorsque la corne retentit, c'est l'accomplissement. Les deux skippers l'ont fait ! Le plan d'eau, d'habitude si calme, se métamorphose en un lieu animé où résonnent les acclamations des familles embarquées sur une vedette, venues spécialement de l'Hexagone pour les soutenir.
Direction le ponton d'honneur
À l'approche du ponton d'accueil, les skippers, qui viennent de boucler cette course de 3800 milles les reliant de La Trinité-sur-Mer en Bretagne à Fort-de-France en Martinique, peuvent enfin affaler les voiles avant de s'amarrer. Le moment tant attendu de poser le pied à terre leur offre un repos bien mérité. Puis, c'est la rencontre avec le public, les familles, les officiels, les journalistes et les organisateurs venus les saluer. Réalisant à peine l'exploit qu'ils viennent d'accomplir, les skippers sont immédiatement accueillis par des applaudissements, des sourires et pour certains, des larmes. Chaque arrivée est unique, avec son lot d'anecdotes à partager. Amaury Dumortier et Geoffrey Thiriez racontent : ''On n'a pas eu de gros pépins. Notre plus gros pépin, c'est d'avoir perdu une manivelle de winch. Ça parait anodin mais il ne nous en restait plus qu'une et on n'avait pas le droit de la perdre. […] Vingt jours de mer, c'est une découverte. Nous n'avions jamais passé plus de 3-4 jours d'affilée en mer. [...] C'est de la gestion au long cours qui est difficile, à la fois du sommeil, à la fois de notre duo car on est très différents. Parfois, ça frite un peu et c'est normal. […] C'est une énorme fierté de ramener cette place au club. Le Cercle de la Voile des Flandes, c'est un tout petit club, sur un étang et dans ce club, il y en a deux qui ont fait la Route du Rhum, deux qui ont fait la Cap-Martinique, un équipage qui fait les championnats du monde de 470 et nous qui arrivons premiers à la Cap-Martinique. C'est incroyable pour un tout petit plan d'eau intérieur.''
Validation de la dernière étape
Pendant ce temps, s'éclipsant de la foule, Dominique Flayac monte discrètement à bord. Il est là pour valider la dernière étape de la course : la vérification des plombs. Nous l'accompagnons sur le voilier de Ludovic Gérard, premier solo en temps réel. ''La direction, en collaboration avec le comité de course, a décidé qu'il n'y aurait pas de plombage d'hélice de moteur dans cette édition dans la mesure où tous les voiliers ont des systèmes de propulseurs différents, ce qui rendrait relativement inéquitable de pouvoir plomber soit un système soit l'autre'', nous explique-t-il. On trouve le plomb du gasoil, de l'eau de secours, du radeau de survie, du moteur et du mouillage. Il poursuit : ''On les empêche d'enlever ces éléments de leur position initiale avec un scellé plastique. Cela évite que les skippers utilisent ce matériel pour le matossage. Certains articles pèsent lourd, jusqu'à 30 kg. Les regrouper d'un côté permettrait de gagner en vitesse en faisant gîter le bateau du bon côté. En cas de rupture d'un plomb, une pénalité est infligée.'' Dominique vérifie ainsi que tout est en règle avant de pouvoir valider le temps de course.
Libérer la place pour les autres
Après les salutations, il faut céder la place pour les suivants et se rendre au ponton désigné pour les arrivées.
À peine un voilier vient-il de terminer sa course qu'un prochain ETA est déjà donné. Quelques heures de repos seulement sont possibles pour l'équipe d'organisation et les journalistes ; puis c'est reparti, nous embarquons sur une vedette pour aller à la rencontre des suivants, ainsi de suite. Thibault Derville et Jean-Philippe Cau, organisateurs de la Cap Martinique, n'ont pas beaucoup dormi ces dernières 24 heures, mais ils restent sur le qui-vive pour accueillir les 69 concurrents. Sur le ponton d'accueil, un groupe de visiteurs s'apprête déjà à accueillir le prochain arrivant.
Un tour de plus dans la baie
Aussi, certains se font désirer un peu plus longtemps par les visiteurs venus les complimenter sur le ponton d'accueil. Après avoir terminé la course, Gérard Quenot et Bertrand Daniels, vainqueurs dans la catégorie duos, en temps compensé, nous proposent de faire des tours dans la baie, en attendant le lever du soleil. Il est 4h20 (heure locale), le 5 mai 2024 : ils sont arrivés de nuit et demeurent infatigables, malgré plus de 20 jours passés en mer. Dès les premiers rayons, nous pouvons ainsi apercevoir plus clairement le voilier et ses skippers manœuvrer. L'occasion de prendre quelques clichés de plus près.
Et le lendemain ?
Les skippers peuvent désormais profiter pleinement de leur arrivée autour d'un déjeuner local avec au menu le traditionnel Ti-punch martiniquais. Avant de profiter des beautés de la Martinique, ils doivent encore mettre en ordre le voilier, gratter sa coque, rincer les voiles et les faire sécher avant de les ranger. Beaucoup repartiront en cargo dans quelques jours.