Après une Route du Rhum 2022, Rémy Gérin renoue avec le solitaire sur son cotre de 20 m, Faiaoahe, du nom d'une déesse des Marquises, du roman de Herman Melville. Il naviguera dans la catégorie Vintage, une catégorie ouverte aux amateurs éclairés, qui ne compte pour cette première édition, que deux participants.
Peux-tu te présenter et expliquer la manière dont tu es venu à la voile ?
J'ai 61 ans et je suis père de 3 enfants. Mes deux fils aînés de 20 et 23 ans sont sur la Cap Martinique. Ils courent entre frères sur un JPK 9.60 et viennent d'enrouler Madère. C'est leur première course au large et je suis en veille quotidienne avec eux. Ils se dirigent vers les alizés, alors que moi je vais faire une transat beaucoup plus nord.
J'ai commencé à naviguer à 30 ans. Avant, je me suis formé en montagne. J'ai découvert la relation avec la nature et les grands espaces avec l'alpinisme. Après un problème au genou, je suis passé à la mer.
J'ai beaucoup navigué au large, en équipage, puisque ce bateau a déjà traversé plusieurs fois l'Atlantique, le Pacifique, fait le tour du Cap Horn, ou encore rejoint les Marquises.
Je suis arrivé au solo un peu par hasard. En 2017, j'ai fait la Classic Week à Antigua et le prologue était un faux solo. J'ai fini 3e et j'ai adoré. J'ai ensuite couru la Route du Rhum 2022 en Rhum Mono, avec une 7e place à l'arrivée. J'ai mis 31 jours, mais j'ai terminé. J'ai fait le tour de l'île, et encore une fois j'ai adoré.
Peux-tu nous présenter ton bateau ?
Je l'ai fait construire il y a 18 ans. Faiaoahe est un concept de course-croisière. L'idée est d'aller au large dans un confort relatif, et qui puisse aussi se présenter sur certaines courses. Il a le nom d'une princesse des îles Marquises dans le roman de Herman Melville. C'est d'ailleurs pour cette raison que je suis allée aux Marquises.
Je l'ai pensé avec un architecte talentueux, Guy Ribadeau Dumas. C'est un bateau qui a des lignes qui lui permettent d'aller assez vite. C'est plus un bateau de près que de portant. L'aménagement intérieur est assez confortable. Il est assez toilé, assez puissant.
C'est un bateau fait pour courir au large. Donc j'ai fait La Trinité-Cowes, la Drheam Cup, le Rhum en solo il y a deux ans et la Transat cette année. Si j'arrive à New York, le retour je le fais en double avec un de mes fils.
Quelle est l'histoire de votre bateau pour vouloir le ramener de l'autre côté de l'Atlantique ?
En 2009, je suis déjà allé à New York. J'ai fait la Transat classique en 2008, de Douarnenez à Agadir en août, puis d'Agadir à Saint-Barth. Au printemps 2009, je l'ai monté à New York, et j'ai un souvenir incroyable de cette arrivée en bateau. Ça m'a procuré une émotion très forte. Passer sous le pont de Brooklyn avec Manhattan en fond. Le côté du solo m'amuse et d'y retourner avec mon bateau m'amuse.
Côté préparation, as-tu réalisé des modifications sur ton bateau ?
Un bateau est en constante amélioration de plein de petites choses. Mais il n'y a pas eu de grosses améliorations par rapport à la Route du Rhum. On a réduit un peu le safran pour qu'il y ait moins de pression sur le pilote.
Plutôt solo ou équipage du coup ?
J'adore les deux. Quand j'ai découvert le solo, je me suis rendu compte que c'est de la responsabilité, de l'engagement physique. Je suis aussi content quand on navigue à 10, comme c'était le cas lors d'un voyage dans le Pacifique.
Pourquoi participer à The Transat CIC ?
Je trouve ça trop chouette que l'organisateur mêle les IMOCA, les Class40, et des bateaux d'amateurs. Faire vivre cette tradition des grandes courses océaniques avec des navigateurs qui venaient sans sponsor. C'est chouette pour le grand public en général. Dans une même course, il y a les plus grands marins du monde, les bateaux les plus rapides... Sur les pontons, la préparation, tu es au milieu de cette flotte.
C'est chouette de faire vivre cette tradition et que l'organisation nous invite à venir participer. Cette année nous ne sommes que deux, car il faut préparer le bateau, le bonhomme. Ils communiquent beaucoup autour de l'histoire de Tabarly, et c'est important qu'il y ait du monde qui incarne cette tradition. Il faut qu'il y ait de la différence. Je suis différent, mon bateau est différent.
J'aime le large, l'arrivée à New York est fantastique, j'aime ce qui est un peu difficile. Sur la Route du Rhum, j'ai repoussé mes limites. C'était dur, mais j'y suis arrivé. Je sais que ça va être dur. En classe Vintage, on a le droit au routage et j'ai choisi Christian Dumard. Il m'avait routé pour la Route du Rhum et ça s'était bien passé.
Comment l'appréhendez-vous, sachant que pour cette première année, vous n'êtes que deux en classe Vintage ? Y a-t-il un esprit de compétition ?
Pas du tout ! Patrick a un Open 50. C'est une fusée à côté du mien. On vient tous les deux de la Trinité, il y a une solidarité. Je souhaite qu'il finisse très loin de moi. Mon seul objectif c'est de terminer et en 27 jours, car c'est le temps que Tabarly a mis en 1964. J'ai un bateau plus performant, mais je suis moins talentueux que lui, alors pourquoi pas ?
As-tu suivi une préparation particulière ?
Je m'étais beaucoup préparé pour le Rhum, c'était il y a 1 an et demi. J'ai un peu navigué, ramené le bateau d'Angleterre en solitaire. J'ai un vélo à bord pour travailler le cardio.
Quel est le sentiment de courir avec des professionnels ?
C'est génial ! Tu es dedans en ayant conscience que tu es différent. Je ne suis pas un pro, mon bateau est moins rapide. Mêler ces différentes classes, c'est une richesse. La diversité, la différence, des histoires qui sont différentes, c'est ce qui enrichit le truc. Tu prends le départ avec une flotte de 33 IMOCA que tu ne reverras pas. Le fait d'être à côté c'est inspirant.