Interview / Sébastien Simon : "Je peux être fier de ce que j'ai fait sur le Retour à la Base"

© Pierre Bouras / Retour à La Base

Blessure, panne d'énergie puis démâtage : cette édition de « Retour à la base » n'aura pas épargné Sébastien Simon. Mais le marin sablais a su faire preuve d'une détermination rare pour terminer cette course en étant classé. Nous nous sommes entretenus avec lui quelques heures avant qu'il ne reprenne la mer pour rejoindre les Sables d'Olonne.

Après une participation à la transatlantique Retour à la Base, à rebondissement entre avaries et blessure sur son IMOCA Groupe Dubreuil, Sébastien Simon revient avec nous sur cette aventure.

Raconte-nous le départ de "Retour à la base ". Comment les premiers jours de course se sont-ils déroulés ?

C'était mon 1er départ en solitaire sur ce bateau, qui a surtout navigué en équipage sous les couleurs d'11th Hour. Pour rappel, on a démarré le projet en juillet avec le soutien de Groupe Dubreuil. Je suis parti avec des voiles que nous venions de récupérer, et qui ont été adaptées au dernier moment.

Pour ma 15e transat, j'ai pris un super départ, et je suis resté au contact en 2e position. J'étais hyper satisfait d'être en phase avec le bateau qui avançait bien. Puis les conditions se sont renforcées, et ça a commencé à taper. Les premières dépressions nous ont remis dans le bain de l'hiver.

Mon objectif principal étant de terminer la course, j'ai levé le pied. Je voulais garder cette phase de progression constante. Je suis passé de la seconde à la 4e place, en me faisant doubler par Yoann Richomme et Sam Davies.

Tu as pris un très gros choc à la tête. Comment s'est déroulé cet accident ?

Dans la nuit du 6 au 7 décembre, j'ai eu une commotion cérébrale intense.

A un moment, j'ai retiré mon casque pour aller dormir, et puis black-out. Aucun souvenir de ce qui a pu se passer. J'ai repris conscience avec le visage en sang. En prenant mon téléphone, je me suis rendu compte que j'avais déjà envoyé une photo de ma tête blessée à ma team manager, sans que je m'en souvienne.

Je me suis retrouvé devant ma pharmacie, et face à un miroir. J'ai testé mon agrafeuse sur le bras pour vérifier si elle fonctionnait. Puis mécaniquement, je me suis agrafé la plaie sans trop réfléchir. J'en ai rebouché la moitié, mais l'autre était trop large pour fixer les agrafes.

J'ai ensuite appelé ma fiancée, assez serein, pour lui poser quelques questions lunaires.

J'ai commencé à reprendre mes esprits en échangeant avec le médecin de la course. J'ai mis un bandage, j'ai mis ma blessure au propre et j'ai remis les choses dans l'ordre dans ma tête.

Le médecin m'a proposé de me dérouter vers les Açores et abandonner. J'ai refusé, il n'était pas question que j'abandonne.

Puis tu as eu des soucis de moteur quelques heures plus tard….

Oui, la nuit suivante, j'ai voulu démarrer le moteur pour réaliser une charge des batteries. Mais il n'est jamais parti. J'ai mis l'hydrogénérateur dans l'eau, en attendant un retour technique de mon équipe. Mais avec la vitesse, il s'est arraché de son support. Je n'avais alors plus aucun moyen pour recharger mes batteries. Avant le black out, j'avais mis le cap sur les Açores. Comme je m'y attendais, les batteries se sont mises en sécurité. Je n'avais plus de GPS, plus de communication, ni de quoi produire de l'eau douce. J'ai sorti le téléphone satellite de secours pour prévenir l'équipe à terre, qui a organisé mon accueil à Florès. Les locaux m'ont aidé à organiser mon arrivée et à sécuriser le bateau au mouillage.

J'ai été accueilli par des gens incroyables, qui m'ont aidé avec une réelle gentillesse. On s'est vite rendu compte que le démarreur était en cause, et nous avons pu le réparer assez rapidement.

Les habitants de Flores m'ont invité pour un repas Saint, où tout le monde est accueilli. C'est une tradition religieuse propre à l'île. J'ai apprécié le geste avant de partir. Il y a 3 300 habitants à Flores, qui vivent en petite autarcie, et qui doivent compter les uns sur les autres, comme les marins.

Houle et vent ont changé de direction, et le mouillage de mon IMOCA devenait instable, j'ai décidé de repartir au plus vite. J'ai hissé la GV en solo, puis j'ai repris la route. J'ai replombé mon moteur et j'ai joint la direction de course pour les informer de mon retour en course.

Malgré des douleurs au crâne et au dos, j'étais hyper content de mettre le cap sur Lorient en étant toujours en course. J'avais 30 nœuds de vent et une belle houle qui me ramenait à la maison.

Comment s'est déroulé ton démâtage si proche de l'arrivée ?

15 milles avant la ligne d'arrivée, je fais mon dernier empannage de la course. Puis le mât s'écroule sur le pont, et arrache mon antenne satellite. Je sors de nouveau mon téléphone de secours pour annoncer la situation, mais je ne demande pas d'assistance.

Je dois sécuriser le bateau au plus vite. Le mât tape contre la coque, la situation assez dangereuse.

Non sans mal, j'ai récupéré tout ce que j'ai pu, en oubliant ma douleur au dos. Il fallait faire vite, car je savais que quand j'aurai dépassé l'axe nord de Groix, je risquais de ne pas pouvoir passer la ligne.

J'ai maté la bôme avec une chèvre et un jockey pool, à l'aide des bastaques et de l'étai. Deux heures seulement après avoir démâté, je repartais avec ma bôme de 7,5 m en guise de mât !

Je ne sais pas comment j'ai trouvé l'énergie pour réaliser cet exploit.

Quelle est la suite du programme ? As-tu identifié la cause de ton démâtage ?

Je suis en attente des décisions qui vont être prises pour la suite du projet.

Je ne peux pas donner de certitudes, mais a priori c'est le bas hauban babord qui a lâché. Le mât a cédé sous le point d'attache des bas haubans. C'est le seul que je n'ai pas coupé quand j'ai dû sécuriser le bateau.

C'est le 8e démâtage sur les IMOCA cette année. On sait que c'est un point sensible pour nos bateaux, puisque ce mât monotype a été conçu pour des bateaux sans foils.

On sait que la classe travaille sur un nouveau profil pour le Vendée Globe 2028. C'est important pour la suite de nos projets, car les critères de fiabilité ne sont plus ce qu'ils étaient.

Malgré tout ça, le bilan est hyper positif. Je m'impressionne moi-même de l'énergie que j'ai réussi à déployer.

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