De Jet services jusqu'à Everial, voilà l'histoire d'un sponsor et d'une dynastie de voiliers de course au large qui ont marqué toute une génération.
Jet Services : livraison rapide
Jet Services est une société de livraison rapide créée en 1979 par Roger Caille et Michel Garcia.
L'histoire de ces deux hommes et de cette société est en elle-même passionnante et pleine de rebondissements, supportant longtemps la course au large via le sponsoring.
En 1981, le skipper Patrick Morvan cherche des sponsors pour courir la Solitaire du Figaro. Il fait la rencontre de Roger Caille et Michel Garcia. C'est ainsi que Jet Services met le premier pied dans la course au large.
Jet Services, un gros Hobie Cat
En 1983, le skipper soumet l'idée de construire un catamaran pour participer aux courses transatlantiques. Il met alors les deux dirigeants en contact avec l'architecte naval Gilles Ollier. Naît alors Jet Services, premier du nom. D'une longueur de 15,70 m. Il se base sur un concept de catamaran léger et rapide tel un gros Hobie Cat : deux coques, un filet central et pas de nacelle. Ils se mettent alors en quête d'un chantier pour construire le bateau, mais personne ne veut prendre le risque de construire ce genre de multicoque hors norme. Qu'à cela ne tienne ! Gilles Ollier et Roger Caille fondent leur propre chantier : Multiplast.
Ce premier bateau aura malheureusement une carrière assez courte, puisqu'après avoir fait un podium sur la course La Rochelle Nouvelle-Orléans avec Patrick Morvan et Jean Le Cam, le bras de liaison cède sur le convoyage retour. Disloqué, le bateau sera abandonné.
Jet Services II, un 60 pieds
Mais pas question pour Roger Caille et Michel Garcia de se laisser abattre par ce premier revers de fortune. Toujours en collaboration avec Gilles Ollier, ils mettent en chantier un nouveau bateau Jet Services, qui touchera l'eau le 15 avril 1983. Plus grand que son prédécesseur, Jet Services II mesure 18,27 m par 10,30 m et est équipé de ballast dans les coques.
Aux mains de Patrick Morvan et Jean Le Cam, il prendra une respectable 3e place sur la Transat en double, s'illustrera sur plusieurs courses avant de battre le record de l'Atlantique en 1984 en 8j16h36', soit 14,2 nœuds de moyenne. À son bord, Patrick Morvan est entouré de Jean Le Cam, Marc Guillemot et Serge Madec.
Malheureusement, sur l'OSTAR de cette même année, alors qu'il mène la course, il heurte une bille de bois et doit être abandonné.
Jet Services III, un monocoque de croisière
S'il y eut un Jet Services III, grand monocoque de plus de 20 m sur lequel Patrick Morvan eut un coup de cœur, celui-ci n'a pas vocation à prendre part à des compétitions. Il est utilisé par Patrick Morvan pour des croisières entre amis.
Jet Services IV, précurseur des Ultim
En 1985, on passe dans une nouvelle dimension. Avec 25,91 m de long et 13,5m de large Jet Services IV est un monstre de puissance pour l'époque. Il reste cependant connu pour ses nombreuses avaries. Après plusieurs problèmes techniques sur le Tour d'Europe, il casse sa poutre avant sur la Monaco New York, mais termine tout de même en 3e position. Il subira des problèmes de gréement lors d'une tentative de record de l'Atlantique, et chavirera au large des Açores lors du convoyage retour.
Le multicoque est reconstruit et remis à l'eau en 1986. Mais les ennuis ne sont pas terminés pour cette incroyable machine qui casse une dérive lors du grand prix de La Rochelle, pour finalement démâter sur la Route du Rhum. Cette dernière avarie conduira le sponsor à s'opposer, dans un litige interminable, au constructeur de mâts. En attendant, le bateau reste à l'abandon.
Jet Services V, le Tornado
Il sera remplacé par Jet Services V qui – suite à la limitation des bateaux à 22,85m maximum – mesurera… 22,85m.
Cette fois, Gilles Ollier va aller loin dans le minimalisme en supprimant complètement la nacelle et en simplifiant les poutres à de simples tubes. L'objectif est de faire un bateau léger et démontable. On surnomme ce bateau "le Tornado", car il se rapproche des petits catamarans de 6 m du même nom, supports olympiques de l'époque.
Le catamaran était promis à une belle carrière, puisqu'il commença par gagner 6 des 8 étapes du Tour d'Europe, mais l'histoire fut entachée par la disparition de Daniel Gilard lors de La Baule-Dakar. Halvard Mabire, son équipier sur l'épreuve, n'a pu que constater la disparition du skipper. L'entreprise Jet Services a alors longuement hésité à abandonner le sponsoring de la course au large, mais se décida finalement à continuer.
Serge Madec reprend la barre du catamaran pour le mener à la victoire de toutes les grandes courses de l'année 1988 : vainqueur du Trophée des Multicoques, de la Quebec Saint-Malo et de la Route de la Découverte. Cette même année, il battra le record de l'Atlantique entre New York et le cap Lizard en 7 jours, 6 heures et 30 minutes, avant d'améliorer son propre temps en 1990, empochant également le record des 24h sur cette traversée (522,7 milles).
Naissance des ORMA, fin du sponsoring de Jet Services
Mais en 1991, les organisateurs de course imposent une limite pour les multicoques océaniques à 60 pieds. C'est la naissance de la Classe ORMA. Cette restriction ne plait pas à Roger Caille qui met fin au sponsoring de la course au large par Jet Services. Il se tourne alors vers le record du ruban bleu, récompense pour le bateau à moteur le plus rapide entre l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord.
En 1993, Jet services V est revendu, mis en chantier pour être allongé à 26,30 m, et devient Commodore Explorer.
Lionel Garcia, suit l'aventure de Jet Services
Lyonnais d'origine, Lionel Garcia ne se passionne que très peu pour le hobby de son père et de son associé. En 1981, à l'origine du sponsoring de Jet Services, il n'a que 10 ans et suit l'aventure de loin sans grand intérêt. Ce n'est qu'à partir de ses 15 ans qu'il commence à s'y intéresser. Il est invité aux départs des courses, côtoie les marins et découvre ce milieu.
En 1989, il postule pour intégrer l'équipe technique, qui suit en camion Jet Service V sur le Tour d'Europe : "J'étais la nounou des marins. Je faisais l'avitaillement, la lessive à chaque étape, je les récupérais en Zodiac… J'étais au cœur de la course, mais pas sur le bateau. Je côtoyais toutes les stars de l'époque : Tabarly, Kersauson, Pajot, Riguidel… Même si du haut de mes 18 ans, j'étais un peu timide, je les croisais sur les pontons, aux remises de prix, voire même en boite de nuit. J'ai également rencontré tous les petits jeunes de l'époque, qui sont les vieux d'aujourd'hui : Jean Le Cam, Serge Madec, Marc Guillemot …"
Malgré tout, Lionel navigue peu sur Jet Service V. Il fera deux convoyages, l'un en Hollande pendant la Course de l'Europe et un autre dans le sud entre Toulon et Marseille : "C'était fabuleux de naviguer sur ces monstres qui offrent une accélération extraordinaire, une sensation de légèreté".
Mais en 1992, Jet Services met fin à son sponsoring dans la course au large et Lionel s'éloigne du milieu, et commence sa carrière professionnelle. Il garde cependant dans un coin de sa tête, si un jour il a suffisamment d'argent à titre personnel ou dans le milieu professionnel, de revenir vers la course au large.
2016, rencontre avec Clarisse Cremer
En 2016, il découvre sur Facebook la vidéo d'une jeune skippeuse, Clarisse Cremer, qui se filme dans le TGV en train d'interpeller Michel et Augustin pour se faire sponsoriser pour la Mini Transat. Lionel l'appelle pour lui dire : "Mademoiselle, j'aimerais bien vous sponsoriser votre Mini." Mais elle répond : "C'est super, mais j'ai déjà un sponsor titre, donc je peux vous proposer un petit autocollant sur l'arrière du bateau." Lionel confie : "J'ai eu un petit excès d'orgueil et je lui ai répondu : non mademoiselle, je veux le bateau en entier sinon ça ne m'intéresse pas. Et je raccroche. Mais je réalise que je suis en train de faire une bêtise, cette fille, elle a quelque chose. Donc je la rappelle pour accepter sa proposition". On a vite sympathisé, on aura même un peu plus de visibilité que prévue, puisqu'on a négocié d'avoir notre logo dans le spi, qu'elle a choisi rose.
Une nouvelle histoire en Class40
Clarisse termine deuxième de la Mini Transat en bateau de série. Everial continue de suivre Clarisse en Figaro avant qu'elle se fasse happer par Banque Populaire pour courir le Vendée Globe. Elle présenta tout de même Stanislas Thuret à Lionel, afin qu'Everial puisse continuer l'aventure de la course au large. "Comme Clarisse, il sait se mettre en scène, se mettre en avant et promouvoir son sponsor. C'est ce qui m'a plu chez Stan." Quand Stan décide de tourner la page de la course au large, Lionel reprend contact avec Erwan Le Draoulec, qu'il connaissait bien puisqu'il était arrivé juste devant Clarisse lors de la Mini Transat et a suivi un parcours similaire en courant également sur la solitaire du Figaro.
"Pendant tout ce temps, j'ai eu peu d'occasions de faire du bateau. J'ai commencé à apprendre à naviguer sur le Figaro de Clarisse. À l'époque de Jet Services, on me disait juste sur quelle colonne mouliner, mais je n'avais pas vraiment appris à faire du bateau." Avec ces quelques bases, Lionel embarque sur le Class40 avec Stan pour courir la Drheam Cup et quelques étapes du Tour de Bretagne. "C'est très excitant et très enrichissant de pouvoir tirer des bords sur ces bateaux."
Même si, au départ, le sponsoring de la course au large est une passion personnelle, aujourd'hui, il fait partie intégrante de la communication et de l'identité d'Everial.