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En toute discrétion, Régis Trichot a construit de ses mains un catamaran de croisière de 13,3 m en seulement 14 mois. Rencontre et entretien avec ce bricoleur hors-normes.
Un autodidacte de la construction amateur
Originaire de Champagne, c'est sur les plans d'eau intérieurs de la moitié nord de la France que Régis a appris à naviguer. Après avoir attrapé le "virus" lors d'une colonie de vacances à Antibes, il a écumé lacs et retenues d'eau sur toutes sortes de petits voiliers.
Désireux d'assouvir sa passion, il se lance dans les années 80 dans la construction d'un monocoque de 8 m en contreplaqué. Le chantier est installé dans la ferme parentale. Déplaçant 1 500 kg, Régis apprend sur le tas les rudiments de la construction navale amateur.
Fort de cette expérience, il enchaîne avec un trimaran, toujours en contreplaqué, d'une longueur 7,6 m par 6 de large.
Sa vie professionnelle l'oblige à mettre entre parenthèses ses velléités de constructeur "amateur". Après avoir fondé puis revendu une crêperie et une discothèque, il se lance dans la construction d'un catamaran de 18 mètres qu'il a lui-même dessiné.
Avec ce gros bateau de croisière hauturière, il se balade aux Baléares, en Tunisie. Puis il remonte jusqu'en Angleterre, avant de le revendre aux Pays-Bas dans les années 2000.
Un nouveau défi
Après quelques années à enchainer plusieurs restaurations de fermes dans le centre de la France, Régis se lance dans la construction d'un nouveau bateau. Comme à son habitude, il dessine lui-même les plans. Il fait le choix d'un catamaran pour sa surface habitable, mais se fixe sur une longueur de 13 m.
Il débute la construction dans sa maison de la Nièvre. Fort de son expérience, il réalise tout d'abord une maquette de son bateau. Il justifie : "Parce que les problèmes rencontrés sur la maquette seront quasi les mêmes que ceux que je vais devoir résoudre sur le vrai bateau"
La structure du bateau est prédécoupée, puis assemblée dans la maison, avant d'être démontée pour le transport. Avec un ami, il remplit deux camionnettes avec tous les éléments du bateau prédécoupés, ainsi que les nombreux outils nécessaires pour un tel chantier, une partie de l'accastillage, et deux moteurs Volvo achetés d'occasion.
Tout le convoi se déplace à Port Saint Louis du Rhône, où ce catamaran de 13,3 m par 6 m de large sera assemblé. Bien installé chez Port Navy Service, Régis, seul, se lance dans l'assemblage de son puzzle géant.
Un chantier de 4000 heures
Pendant 14 mois, Régis donne tout pour ce bateau. Travaillant tous les jours, et dormant sur place, l'investissement humain est gigantesque. La plupart du temps seul dans ce chantier titanesque, il fait face et met un point d'honneur à réutiliser des équipements délaissés par d'autres marins.
Les épontilles proviennent d'un tangon découpé. La bôme et son vit de mulet sont fabriqués sur mesure avec des restes de mât. Idem pour la poutre avant, qui est façonnée dans un autre mât. La martingale est réalisée avec des barres de flèches d'un 50 pieds. Recup' et système D sont primordiaux pour Régis. Il écume les annonces pour racheter du matériel d'occasion.
Il réalise lui-même ses réservoirs de gasoil et d'eau douce. L'alimentation électrique du bord est assurée par 1600 watts de panneaux solaires, qui alimentent les 600 Ah de batteries au gel.
Un jeu de voiles est retaillé par un maître voilier local. Après 4000 heures d'un travail acharné, Régis met son bateau à l'eau chez Port Navy Service.
Un budget réduit pour un prototype unique
Après avoir fait valider ses plans et sa construction par les Affaires Maritimes, Régis a pris la mer pour venir se mettre à l'abri au mouillage sur l'étang de Berre. Il achève les finitions de son bateau, tout en proposant de temps en temps des sorties à des locaux.
Baptisé "Uky", en souvenir de son chien, son catamaran aux formes assez raides, déplace environ 5 tonnes, pour un tirant d'air de 15m. Autant dire qu'il faudra être attentif aux surventes !
Régis estime le budget utilisé pour le chantier à environ 50 000 € en cumulant les achats de matériel, les déplacements et les 14 mois de stockage à Port Saint Louis. Soucieux de pouvoir aider un autre constructeur amateur, il propose pour une somme symbolique les plans de son catamaran à celui ou celle qui voudra se lancer dans une telle aventure.