Une traversée de l'Islande au Groenland, entre iceberg et démarreur récalcitrant

Arthur à l'approche de la barrière de glace au Groenland

Parti de France au printemps, le voilier Arthur est monté jusqu'en Islande. Après avoir attendu quelques semaines entre réparations et découverte des fjords islandais, le moment arrive de s'élancer vers le Groenland. Récit de cette traversée qui procure quelques émotions à l'équipage.

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Lorsque tous les signes s'alignent pour permettre une traversée en bateau entre l'Islande et le Groenland, Arthur termine ses préparatifs et entame le voyage. La traversée s'annonce clémente, mais ne sera pas toujours évidente.

Les formalités inévitables de départ

Depuis plusieurs jours, la carte des glaces sur la côte Est du Groenland s'améliore, tout au moins pour la zone de Tasiilaq, en face de l'Islande. Côté météo, des fenêtres acceptables semblent également se dessiner.

Nous nous attelons donc aux derniers préparatifs pour la traversée vers le Groenland : fin de l'avitaillement et surtout l'activation du téléphone satellite. Ce dernier est indispensable afin de récupérer la météo dans des zones où le téléphone portable ne passe pas.

Bien entendu, ces démarches prennent plus de temps que prévu. Il y a des dizaines de forfaits et types de carte SIM différents. Nous commençons à nous ronger les ongles en voyant nous passer sous le nez la fenêtre météo propice à la traversée, faute d'iridium. Heureusement, au dernier moment, tout se débloque, le téléphone satellite est enfin activé.

Nous ne traînons pas. Avec le voilier Firiel qui nous attendait, nous terminons les rangements, fixons solidement l'annexe au portique, cuisons quelques œufs durs et légumes et levons l'ancre direction le Groenland. Nous sommes déjà la deuxième quinzaine de juillet, la saison est bien entamée.

Départ de l'Islande pour la traversée vers le Groenland
Départ de l'Islande pour la traversée vers le Groenland

Un départ très tranquille

Partis en début de soirée, les premières 24 heures ne nous permettent pas d'avancer beaucoup, faute de vent. Néanmoins, tout est tranquille sur Arthur, ce qui est déjà bien. Nous profitons aussi d'être encore près des côtes pour utiliser le réseau téléphone et la 4G.

Les enfants jouent ou lisent pendant qu'avec Guillaume, nous alternons les périodes de repos. Cette fois-ci, nous essayons une nouvelle répartition des quarts, en nous relayant toutes les trois heures, jour et nuit. Nous verrons si cela fonctionne pour nous.

Les 24 heures suivantes sont à l'image des premières : pas de vent, ou presque. En deux jours, nous avons fait à peine le tiers du trajet. La grosse différence avec la journée précédente réside dans le fait que nous n'avons plus accès au réseau islandais, ne reste plus que le téléphone satellite. Compte tenu des coûts, nous ne pouvons l'utiliser que pour la météo et échanger quelques SMS avec les voiliers qui traversent comme nous.

Les enfants jouent pendant la traversée vers le Groenland
Les enfants jouent pendant la traversée vers le Groenland

La vie à bord en navigation

Nous profitons du calme pour cuisiner des petits pains, sortir des jeux de société, lire et nous reposer. Il est probable que nous ayons plus de vent vers l'arrivée, ce qui, avec les glaces, risque d'être fatiguant.

Charlie, dix ans, prend son premier quart seule ce soir là, de 20h30 à 21h30. Elle s'acquitte de sa tâche avec beaucoup de sérieux et d'enthousiasme. Les nuits commencent à s'assombrir. Jusqu'à ces dernières semaines, la différence de luminosité entre le jour et la nuit était à peine perceptible. Maintenant, un début de pénombre obscurcit le ciel au milieu de la nuit. On y voit encore, mais c'est un signe que le temps passe.

Le troisième jour ressemble aux premiers. Peu de vent, une houle un peu plus prononcée. Nous voyons nos premiers petits icebergs, disséminés au loin. Personne n'a le mal de mer. Il faut dire que nous prenons scrupuleusement nos comprimés pour éviter les nausées. Cette traversée pourrait être agréable, si seulement le démarreur du moteur d'Arthur n'avait pas commencé à dérailler…

En effet, lorsque nous avons voulu pousser un peu au moteur pour attraper du vent, le démarreur a émis un bruit particulièrement suspect. Nous sommes maintenant tendus, ne sachant pas si nous pourrons compter sur lui à l'arrivée et dans les glaces.

L'obscurité commence à revenir en milieu de nuit
L'obscurité commence à revenir en milieu de nuit

De plus en plus de glace à l'approche du Groenland

Au quatrième jour, toujours aussi peu de vent. Pourtant, lorsque nous avions quitté l'Islande, la météo prévoyait pour ce jour là, un vent soutenu allant jusqu'à 25 nœuds. Nous voyons maintenant régulièrement des icebergs autour de nous et apercevons les montagnes du Groenland au loin.

Les températures ont bien refroidi et ne dépassent pas 5 degrés. Nous nous autorisons quelques heures de poêle chaque jour, afin de conserver environ 15 degrés à l'intérieur. Heureusement, la houle est toujours très modérée, ce qui rend l'allure confortable.

D'après nos informations, nous devrions atteindre une barrière de glace située entre nous et Tasiilaq en fin de journée. Nous ne savons pas encore si nous pourrons la traverser ou s'il faudra la contourner, ce qui nous prendrait une journée supplémentaire.

Vers 19 heures, nous commençons à être environnés de glace. Des icebergs côtoient de nombreux growlers et beaucoup de fragments dérivants. Le brouillard tombe également, et limite notre visibilité. Après consultation, nous décidons de nous mettre à la cape pour la nuit et de traverser la glace le lendemain, en espérant que le brouillard disparaisse. Nous abordons ainsi notre cinquième nuit de veille.

Des growlers émergent du brouillard
Des growlers émergent du brouillard

Une longue nuit dans la glace

Cette nuit là, le temps paraît bien long. Nous dérivons lentement mais le brouillard épais nous oblige à une veille permanente. La fatigue se fait sentir. Lorsque vers 5 heures du matin, nous nous retrouvons nez à nez avec un iceberg à quelques dizaines de mètres, l'adrénaline nous réveille d'un coup.

Au matin, la glace se fait plus dense. La visibilité s'améliore, et bien que la mer devant nous paraisse solide et infranchissable, nous décidons de tenter une traversée vers Tasiilaq. C'est la bonne décision. Plus nous avançons, plus nous repérons les passages libres entre les plaques et les growlers. Nous pouvons slalomer tranquillement à la voile.

Un petit iceberg nous surprend dans le brouillard
Un petit iceberg nous surprend dans le brouillard

Une arrivée très attendue au Groenland

Nous devons cependant barrer en permanence à l'extérieur, pour bien voir les obstacles. Le froid est un peu vif. Nous nous relayons à la barre régulièrement avec Guillaume. Nous en profitons pour nous émerveiller devant le spectacle fabuleux de ces sculptures de glace qui nous environnent. Les couleurs sont merveilleuses, de l'outremer au turquoise, avec en fond des montagnes escarpées.

Lorsque nous en avons besoin, le moteur démarre après une hésitation, dans un bruit grinçant. Il nous faut plusieurs heures pour franchir les glaces et entrer dans la baie de Tasiilaq. A flanc de colline, des maisons colorées de rouge, jaune, bleu, descendent jusqu'à la mer. Nous mouillons à côté du port, immensément heureux d'être enfin arrivés au Groenland.

Arthur au mouillage au pied de Tasiilaq au Groenland
Arthur au mouillage au pied de Tasiilaq au Groenland
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