Dossier / Rail d'Ouessant : comment le naufrage de l'Amoco Cadiz a changé la circulation maritime

Si vous naviguez en Manche ou en Bretagne, vous avez sans doute entendu parler du rail d'Ouessant. Ce nom désigne le dispositif de séparation du trafic (DST) qui organise la circulation des navires au large de l'île d'Ouessant, la plus à l'ouest de la France. Ce DST est essentiel pour assurer la sécurité et la protection de l'environnement, dans une zone où transitent 120 cargos par jour, de 89 pavillons différents.

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Le rail d'Ouessant, un dispositif de prévention des pollutions né d'une tragédie écologique.

L'un des pires désastres écologiques de l'histoire maritime s'est produit le 16 mars 1978, quand le pétrolier Amoco-Cadiz s'est fracassé sur les récifs de Portsall, dans le Finistère. Les 227 000 tonnes de pétrole qu'il transportait se sont déversées dans la mer, souillant 360 kilomètres de littoral breton. Face à cette catastrophe, les autorités ont décidé de réorganiser le trafic des navires en Manche, en créant un "Dispositif de Séparation du Trafic" (DST), qui consiste en trois couloirs maritimes, formant ce qu'on appelle couramment "le rail d'Ouessant". Ce DST est entré en vigueur en 1980, avec pour but de contraindre les navires "montants" transportant des hydrocarbures et des substances dangereuses à emprunter une route située plus au large des côtes.

Le rail d'Ouessant simplifié et repoussé vers le large en 2003

Quand les tempêtes se déchaînent, la mer se creuse de vagues géantes qui peuvent atteindre plus de 15 mètres. Face à ce danger, les navires doivent impérativement se tenir à distance des falaises escarpées qui entourent Ouessant et ses îles voisines de Molène et Sein. Le DST, ou dispositif de séparation du trafic, est un système qui organise la circulation des navires en mer en deux files parallèles : une file montante pour ceux qui vont dans un sens, et une file descendante pour ceux qui vont dans l'autre, sur le même principe que les routes à double sens pour les voitures, avec une ligne blanche au milieu...

En 2003, une nouvelle modification du DST a été réalisée, après accord de l'Organisation maritime internationale (OMI). La voie la plus proche d'Ouessant, à 24 milles (43 km) de l'île, est dédiée aux navires qui entrent dans la Manche ; la voie la plus éloignée, à 43 milles d'Ouessant, est celle des navires qui sortent de la zone. Les voies de navigation, d'une largeur de cinq milles (9 km) chacune, sont séparées par une zone tampon de même largeur. Les navires qui font du "cabotage" sans transporter de matières dangereuses, utilisent, s'ils le souhaitent, la 1ère voie à 10 milles d'Ouessant. Enfin, les passages comme le Fromveur, le Four, Helle et le Raz de Sein sont accessibles aux navires à passagers exploitant des lignes régulières.

Une zone sous haute surveillance

Pour faire respecter la loi dans cette zone, la Marine Nationale française a reçu une mission de police. Le préfet maritime peut détourner tout navire qui se comporte de façon suspecte. Un centre de surveillance, le CROSS Corsen Ouessant Trafic, partagé entre la Marine Nationale et l'administration des Affaires maritimes, a été créé et équipé d'un radar longue portée installé d'abord sur un sémaphore d'Ouessant, puis sur la tour radar du Stiff. Haute de 72 mètres, elle culmine néanmoins à 130 mètres de hauteur. Un remorqueur de haute mer, l'Abeille Bourbon est affecté au CROSS pour toutes les interventions dans le rail.

Quand le vent dépasse 25 nœuds (environ 40 km/h), signe d'une tempête ou d'une mer forte, le remorqueur se rapproche de Camaret pour être plus réactif ; quand le temps est calme, il reste au port de Brest.
Quand le vent dépasse 25 nœuds, signe d'une tempête ou d'une mer forte, le remorqueur se positionne à Camaret pour être plus réactif ; quand le temps est calme, il reste au port de Brest.

Le nombre d'interventions d'urgence dans le rail d'Ouessant a diminué au fil des années, grâce à la surveillance renforcée et à la prévention des accidents. En 2022, Ouessant Trafic a eu à gérer 38 situations anormales, 33 situations rapprochées et 433 situations anticipées, et 178 avaries ou arrêts pour maintenance. L'Abeille Bourbon, le remorqueur de haute mer, est intervenu sept fois pour secourir des navires en avarie. Neuf infractions ont été constatées, impliquant quatre navires de commerce, deux navires de plaisance et trois navires de pêche. Les infractions portaient sur le défaut de veille et/ou un refus de se conformer aux demandes de Ouessant Trafic, des comportements dangereux en lien avec le non-respect de la règle 10 du RIPAM, deux passages dans la zone de navigation côtière ainsi qu'une collision entre deux navires.

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