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Escale dans un trou à cyclone
A Eleuthera, île au Nord-Est des Bahamas, pas de longue liste d'attractions "à ne pas manquer", ou autres animations comme dans les plus touristiques Exumas. Le vagabondage nautique s'y pratique "tous sens en éveil", à l'affût du moindre élément susceptible d'offrir quelque originalité. Le consommateur se mue en observateur, curieux de tout et avide d'apprendre quelque chose. L'exercice peut parfois s'avérer très instructif.
C'est dans cet esprit que s'offre à Lady't Bee, notre catamaran, la sympathique escale d'Hatchet Bay, sur l'île Eleuthera. Un grain imprévu et sournois nous ayant poussés vers son invisible entrée, nous voici bientôt mouillés à l'intérieur de ce véritable "trou à cyclone". Protégé sur 360 degrés, son minuscule chenal d'accès, large d'une trentaine de mètres, en constitue l'unique possibilité de s'y introduire.
Une fois à l'intérieur, l'impression de sécurité est totale. Et l'on se prend à penser : " Ici, le bateau ne risque absolument rien". Le seul bémol, pour l'équipage, c'est de s'y ennuyer rapidement…
Une manoeuvre étrange
Au fond de cette baie somnolente, une activité originale attire notre attention. Half Moon Clipper, un bateau d'assistance de croisiériste, superbe unité de 35 mètres arrivée une paire d'heures plus tôt, a quitté son quai et se dirige lentement vers une zone technique manifestement en cours d'élaboration. Un travel-lift immobile et une ébauche de darse en béton laissent augurer de la présence prochaine d'un centre de stockage à terre pour bateaux de plaisance. Un grand terre-plein vide, légèrement incliné vers la surface liquide, semble en attente de ses premiers clients… Et c'est vers cet endroit que se dirige HMC à petite vitesse.
"Mais, que diable va-t-il faire là ? Il va finir par s'échouer…"
Sortie d'eau sur boudins gonflables
Eh bien, c'est précisément ce qu'il fait ! Son étrave surplombe, à présent, le sol ferme et a laissé ses hélices "en avant lente".
Et voici que son sillage dessine une majestueuse flaque sableuse à la surface de l'onde, à peine ridée par ses remous. Puis, un engin de manutention à fourches s'en approche, remorquant derrière lui une manière d'énorme saucisse noire, largement dégonflée. Son chauffeur manœuvre habilement et parvient à placer le monstrueux boudin flasque sous le brion du bateau. Alors, sitôt positionné au bon endroit, celui-ci se voit promptement connecté à un compresseur de chantier, qui lui insuffle sans tarder un volume respectable.
C'est à ce moment-là qu'il est possible de se douter de ce qui va suivre…
Une centaine de mètres en avant du navire, un robuste treuil électrique a dévidé son câble afin de l'assujettir à l'étrave. Dans le même temps, un deuxième boudin de caoutchouc est placé derrière le premier. Toujours embrayé en marche avant, le canote s'est légèrement cabré en montant sur le premier cylindre élastique, à présent bien gonflé. Après quelques dizaines de minutes et l'ajout de plusieurs autres baudruches, le treuil prend le relais et commence à tracter son lourd fardeau qui glisse inexorablement sur ses coussins flexibles.
Ainsi, par petites actions successives de gonflement et de halage, le navire est parvenu à sa destination !
Alors, on le cale et puis on le pose. De robustes tains métalliques sont disposés aux endroits stratégiques, avant de laisser l'air comprimé s'échapper des grosses vessies noires. Quelques minutes plus tard, la place est débarrassée de tous ces accessoires et HMC se retrouve installé au centre du terre-plein.
Il est prêt à accueillir les artisans et spécialistes divers qui vont cajoler sa carène, ses hélices et toute cette sorte d'œuvres vives !
Tout ça avec un treuil, des chambres à air de vélo et un compresseur de chantier ! Chapeau !