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A Marseille, 4e étape du tour de l'Europe initié dans le cadre du projet The Arch, nous avons échangé avec Francis Joyon avant son départ vers Ajaccio. Entre table ronde et visite du trimaran, Francis nous a fait profiter de sa vision sur les mesures à adopter afin de limiter notre impact environnemental, à terre comme en mer.
Francis, comment est né le projet The Arch ?
Le projet est né en 2017 sous l'impulsion de Damien Grimont, que je connais bien car il a été mon équipier il y a 30 ans. Depuis longtemps, Damien voulait monter une opération engagée avec cette volonté environnementale. J'ai trouvé que c'était un très bon projet, et qui pouvait donner sens à la démarche pro-écologie indispensable que nous devons développer. L'idée est de retarder l'échéance fatale après laquelle on aura trop pollué notre planète.
Concrètement, quelles sont les actions menées ?
The Arch a fixé comme objectif de donner de la visibilité à des solutions concrètes qui contribuent à la transition écologique des secteurs économiques. Pour cela, l'organisation a lancé un appel à projet européen pour sélectionner 100 solutions innovantes dans cinq secteurs différents : ville-habitat, alimentation-santé, énergie, industrie-numérique et mobilité. À chaque étape européenne, une sélection de 10 solutions lauréates est présentée.
Est-ce que des solutions présentées sont applicables à nos bateaux ?
Une majorité des solutions présentées sont destinées à un usage terrestre et touchent moins directement le monde marin. Dans les dernières innovations qui ont été présentées, deux ont retenu mon attention :
- une solution logicielle basée sur l'IA, est un outil qui analyse et détecte automatiquement les fuites dans les réseaux d'eau, limitant ainsi les pertes d'eau potable.
- une autre, qui a été présentée à Nantes, repose sur le recyclage des bouteilles en plastique.
Je n'en cite que deux, mais beaucoup d'autres sont très intéressantes. Et il nous en reste beaucoup à découvrir au cours des prochaines étapes de notre tour de l'Europe.
Tu as récemment échangé avec le collectif la Vague, qui milite pour une décarbonisation de la course au large
J'ai eu de longues discussions avec notamment Adrien Hardy, que j'ai soutenu dans la mesure de mes faibles moyens. J'ai apprécié son approche afin de diminuer l'impact de la course au large sur notre environnement. Je m'intéresse beaucoup à l'usage de la fibre de lin en remplacement de la fibre de verre. Cette nouvelle façon de construire les bateaux me touche particulièrement.
Avec mon frère, on était passionné de culture et de jardinage bio. On a ça dans le cœur depuis nos 15 ans. Dans un idéal utopique, on devrait courir sur des monotypes construits avec du bois de plantation et assemblés avec une colle non toxique.
Comment limiter concrètement le bilan carbone de la course au large ?
La manière géniale de limiter son bilan carbone, c'est d'avoir des budgets très réduits. Avec de faibles moyens financiers, on apprend la récup' et le bricolage. On adopte une logique différente de grandes écuries. On limite nos déplacements.
Le seul bateau neuf que j'ai fait construire, il y a 29 ans, un trimaran ORMA, était en fibre de verre au lieu d'être en carbone. Sur le papier, il était un peu moins performant que ses homologues en carbone, mais j'étais content car nous avions limité son impact environnemental.
Depuis plusieurs années sur ce trimaran Idec, qui a été lancé en 2006, nous avons mené de belles campagnes et quelques jolies victoires, avec l'équivalent du budget d'un Class 40 performant.
Quel serait le cahier des charges du bateau idéal pour repartir à l'assaut du Jules Verne ?
Le bateau idéal pour repartir doit être déjà construit. Je n'envisage pas de repartir avec un multicoque neuf, ça n'aurait pas de sens dans le contexte actuel. Je ne m'intéresse qu'aux bateaux existants. Deux multicoques seront peut-être disponibles et pourraient correspondre à un programme de tour du monde. L'un a déjà remporté le Jules Verne, et l'autre a gagné la Route du Rhum.