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Se préparer au grand voyage
Après trois longues années au sec sur l'aire de carénage du chantier naval d'Apataki, le voilier de Charles mérite quelques travaux pour être remis en service. Une fois parti de l'atoll, il n'y aura plus de possibilité de mettre le bateau à sec avant Tahiti, à 250 milles nautiques de là. Aussi, avant de reprendre la mer, il lui faut contrôler les éléments importants et le bon fonctionnement du voilier. Pendant les trois semaines que nécessiteront ces travaux, il travaillera et dormira à bord, sur le chantier.
Des conditions de travail particulières
Sur l'aire de carénage, l'ambiance est conviviale. Les équipages œuvrent surtout le matin et en fin d'après-midi, pour éviter le soleil écrasant qui domine pendant la journée. Les travaux se font en présence des nonos, de minuscules moustiques qui se développent dans la lagune juste à côté.
Après avoir fait l'état des lieux de son bateau, Charles commence le remontage des différents éléments. Les messagers mis en place dans le mât lui permettent de facilement repasser les drisses, et les différents schémas qu'il avait pris le temps de faire à la dépose facilitent les travaux.
Le voilier est rapidement regréé. Charles remplace certains feux endommagés par les rayons UV, comme le feu de navigation à l'étrave et le feu de mouillage en haut du mât.
L'intérieur nécessite beaucoup de rangement et nettoyage. Il vérifie la péremption de l'armement de sécurité et contrôle la nourriture restée dans les coffres : certaines conserves sont périmées depuis longtemps ou n'ont pas résisté aux conditions de stockage.
Le contrôle du bon fonctionnement du moteur se fait à l'aide d'un tuyau d'eau, placé directement dans la prise d'eau de mer. Ceci permet de se rendre compte qu'un col de cygne est bouché, chose qu'il répare.
La vie de chantier, loin du reste du monde
La remise en condition de navigation du voilier prend plusieurs jours. Les journées se suivent et se ressemblent !
Les batteries du bateau ayant rendu l'âme pendant son absence, Charles doit faire venir du matériel neuf sur place. Mais à Apataki, l'approvisionnement est relativement compliqué. Il raconte : "Heureusement, il y a ici un petit faré d'où il est possible de recevoir Ie réseau WiFi du chantier. Grâce à cela, j'ai pu écumer les forums pour trouver les bons équipements à commander pour mon bateau, et trouver des revendeurs à Papeete, sur l'île de Tahiti".
Le matériel se fait ensuite attendre : la marchandise commandée et payée à distance, il faut trouver un transporteur pour la retirer au magasin et la déposer sur la goélette qui ravitaille l'île une fois toutes les une à deux semaines.
Le chantier est si éloigné du reste du monde qu'il favorise les rapprochements entre les équipages présents : sur le petit atoll, on partage fréquemment outils et compétences avec les bateaux voisins. On trouve beaucoup de personnalités originales, venues des quatre coins du monde et toutes chargées d'histoires. Charles précise "J'ai d'ailleurs pu rencontrer Olivier de Kersauson, venu réaliser des relevés bathymétriques dans le lagon d'Apataki avec son trimaran".
Chaque soir, les requins nourrices domestiqués viennent chercher à manger et marquent la fin de journée. Les équipages se retrouvent alors sur l'estacade en bois pour profiter d'un apéro-coucher de soleil, ou se rassemblent sous le petit faré pour un repas partagé. Puis chacun part dormir à bord de son bateau, en attendant de continuer les travaux le lendemain.
Une nuit au village pour récupérer du matériel
La veille de l'arrivée de la goélette sur l'atoll, Charles embarque sur une plate avec l'équipe du chantier en vue de récupérer les batteries commandées. En une heure de navigation, ils rejoignent le quai du village, d'où ils guettent l'arrivée du navire toute la soirée.
Vers deux heures du matin, ils peuvent enfin retirer la marchandise. Après quelques courses au village pour ramener des provisions alimentaires à tous les voyageurs, ils rentrent au chantier le lendemain.
De retour sur le motu, le propriétaire peut alors enfin installer son nouveau parc à batteries. Il en profite pour ajouter un contrôleur régulateur de charge, qu'il a ramené de France dans ses valises. De nouveaux panneaux solaires finissent d'équiper le voilier.
L'heure de la mise à l'eau
Et puis, il est un matin qui ne ressemble à aucun autre : celui du jour de la mise à l'eau ! Charles se presse pour réaliser l'antifouling sur la coque du bateau.
Lorsque la peinture est terminée et que la marée est suffisamment haute, l'équipe du chantier vient poser le bateau sur le chariot pour la mise à l'eau.
Dès que le voilier flotte à nouveau, le navigateur effectue les dernières vérifications. L'étanchéité du tube d'étambot et des différentes vannes sont contrôlées. Il est alors enfin prêt à appareiller pour de nouveaux horizons.