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Naviguer léger pour explorer le Groenland
Nicolas Marcillaud est passionné de montagne. Après avoir participé à une expédition voile – montagne au Svalbard en 2021, il lui vient la conviction que pour explorer les côtes sauvages des mers arctiques, il faut voyager léger sur de petits bateaux. Il explique : "Le bateau est un bon moyen d'approcher des zones peu connues et de conjuguer la voile et l'alpinisme. Mais j'avais pu voir les difficultés liées à un quillard habitable. On ne peut pas laisser un bateau de 9 mètres à l'ancre trop longtemps sans personne à bord. Les expéditions en montagne se limitent du coup à 1 ou 2 jours. J'ai donc réfléchi à un bateau sans ces contraintes. Il faut donc un bateau rapide pour se déplacer et le plus léger possible pour le sécuriser à terre et être sûr de le retrouver. C'est comme cela que l'on est arrivé au catamaran de sport pour notre expédition au Groenland en 2022."
Raid arctique autonome
Avec son compère Tom Gautier, ils ont jeté leur dévolu sur un Hobie Tiger, un catamaran de seulement 18 pieds. Un choix qu'ils estiment le bon compromis : "Cela permet d'envoyer le bateau, démonté en conteneur jusqu'en Islande. Il est rapide, donc on ne passe pas trop de temps en mer, et on peut le déplacer à la pagaie s'il n'y a pas de vent. A bord, on a embarqué une bonne centaine de kilos de charge, répartis environ entre 60 kilos de matériel, 50 kilos de nourriture et 30 litres d'eau."
En amont, le bateau avait eu le droit à un refit global. Un trampoline avait été ajouté à l'avant, ainsi que des lignes de vie. La grand-voile a reçu 2 étages de ris, qui se sont avérés utiles. Pour simplifier l'arisage, le hook a été abandonné au profit d'une drisse mouflée. Pour plus de sécurité, de la mousse a été ajoutée pour une plus grande insubmersibilité, ainsi qu'une bande molle pour remonter le bateau à terre.
Du côté des hommes, hormis une sous-couche commune, il s'avère difficile de prendre les mêmes vêtements pour la voile et la montagne. Les deux compères ont navigué en combinaison sèche. L'équipage concède des difficultés à protéger les mains. "Le point le plus dur, c'est les gants. On avait des gants néoprène plus des moufles en laine."
Une autre approche de la navigation
Nos aventuriers ont préparé l'expédition en amont, en recoupant le peu d'informations écrites avec les connaissances locales. Une tâche compliquée explique Nicolas Marcillaud : "C'est un défi de préparer le bateau sans trop savoir à quoi s'attendre. On a discuté avec les locaux en amont sur les conditions. Les infos sur ces zones se limitent à moins de 2 paragraphes. Le trait de côte est faux. Presqu'aucune des îles n'étaient sur les cartes marines. On a surtout utilisé les cartes satellites. C'est réellement très différent de la navigation habituelle." Au quotidien, l'équipage utilisait une cartographie sur smartphone et un Garmin inreach pour la communication.
Surprises et pétoles
L'expédition a débuté par un convoyage musclé de Reykjavik à Isafjordur. Ces 180 milles de navigation côtière en Islande se sont avérées musclées, avec 20 à 25 nœuds de vent et une mer bien formée. Probablement la partie la plus sportive en terme de voile, selon l'équipage. Tom et Nicolas se sont finalement élancés début août 2022 vers le Groenland. La traversée du détroit, environ 200 milles, leur aura pris 46 heures à l'allée. Ils précisent : "On se relayait à la barre et on faisait des siestes sur le trampoline. Au retour, on a mis 64 heures avec du brouillard et de la pétole. On a beaucoup pagayé, mais bien dormi !"
Une fois au Groenland, les alpinistes ont pu faire 3 belles sorties, profitant des glaciers et de la faune. La logistique du bateau s'est néanmoins avérée complexe. "Sécuriser le bateau à terre était plus difficile qu'anticipé. Avec le matériel, le bateau pesait 300 kilos au total. S'il y a des cailloux ou des déferlantes, le bateau est dur à remonter. Il était au final moins à l'abri qu'on ne l'avait imaginé. On a entendu des baleines en permanence, mais sans trop les voir. Quant aux ours polaires, on a tout fait pour éviter de les rencontrer. On a vu des traces et une fois, un glaçon qui allait dans le mauvais sens du courant, et qui finalement était un ours, mais loin."
Au final, les 2 jeunes hommes retiennent le sentiment de liberté et d'inconnu, mais aussi d'humilité. Tom conclut : "Quand on voit l'ours, on est réintroduit dans la chaîne alimentaire. On est comme la biche qui va chercher de l'eau..." Nicolas ajoute, avoir atteint cet objectif de liberté, même si "parfois, on ne maîtrise plus vraiment la direction du bateau, car on est obligé de suivre les glaçons quand il y en a beaucoup."
Avis aux amateurs, le bateau est resté en Islande pour être cédé à d'autres aventuriers ou navigateurs locaux !