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Les dépressions automnales au nord de l'Irlande ne vont pas tarder à arriver. Pour rejoindre la Bretagne, nous hésitons à passer par la côte Est ou la côte Ouest de l'Irlande.
La première a l'avantage d'être plus directe, mieux abritée des vents violents et de la houle d'Ouest. Mais, pour ce qui est des mouillages et des paysages, ce n'est pas notre côte préférée. La seconde, plus longue à parcourir et offerte aux vagues de l'océan, est sauvage et magnifique. Au mouillage de Gigha, petite île du sud-ouest écossais, nous attendons une opportunité en regardant la météo et en préparant le voilier au départ.
Une météo exceptionnelle
Une fois n'est pas coutume, la météo nous offre alors une extraordinaire fenêtre de vent d'Est. Trois ou quatre jours d'un petit vent tranquille de secteur Est, ça ne nous était pas arrivé une seule fois ces derniers mois, pendant que nous sillonnions les îles écossaises. Pour nous, c'est l'occasion rêvée de passer par l'Ouest de l'Irlande. Ni une, ni deux, nous levons l'ancre pour plusieurs jours de navigation, afin de profiter au mieux de ce bon vent.
Une première journée de navigation paradisiaque
La première journée de navigation est un rêve éveillé. La mer est plate comme le dos de la main, le temps est doux et ensoleillé, le voilier glisse tranquillement au portant. De leur côté, les enfants jouent comme si de rien n'était, riant dans le cockpit. Les Lego sont de sortie ainsi que les déguisements. Un dessin animé à l'heure de la sieste, le temps est vite passé.
Dans l'après-midi, le capitaine pêche cinq maquereaux pour le dîner. Pour couronner cette journée idyllique, notre voilier croise la route d'une baleine, qu'on aperçoit à deux reprises à tribord.
Le courant s'inverse
La journée était trop belle peut-être. Absorbés par la joie d'être là, en famille sur une mer parfaite, nous n'avons pas assez veillé sur notre progression à l'Ouest. Lorsque le soleil commence à descendre sur l'horizon, nous nous rendons compte que notre vitesse, déjà tranquille, diminue drastiquement. Nous sommes en vue de l'île d'Inishtrahull, mais il est trop tard : nous n'avons pas passé Malin Head à temps. Le courant s'est inversé !
Nous voici pile au mauvais endroit, au mauvais moment. Ici, le courant peut atteindre 3,8 nœuds. Ce n'est pas aussi fort que le Corryvreckan, cependant avec le faible vent que nous avons, nous n'arriverons pas à l'étaler. Il est trop tard pour se réfugier au mouillage sur la côte, et les casiers de pêche épars ne nous incitent pas à allumer le moteur dans l'obscurité.
Une nuit à contre-courant
Nous allons devoir lutter contre le courant une bonne partie de la nuit, pour éviter de reculer et perdre les milles gagnés dans la journée. Inishtrahull, dont le phare nous nargue dans le noir, reste visible devant nous pendant de longues heures. Nous n'arrivons pas à doubler l'île. Jusqu'au moment où le courant s'inverse en notre faveur.
Notre voilier continue alors sa route sous les étoiles cap à l'Ouest, passant enfin les lumières de Malin Head.