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Rat à bord ! Depuis le temps que j'use ma salopette sur les gelcoat des bateaux de plaisance, j'entends parler de la difficulté de se séparer d'un passager clandestin rongeur monté à bord. Mais jusqu'à présent, ce genre d'aventure restait au rang des histoires glanées dans les bistrots au fond des ports. Avec moi, pas de rongeur à bord… jusqu'à ce jour.
Pas de rat au mouillage
Je navigue en croisière autour de Minorque en plein été. En cette période estivale, il est si difficile de trouver une place de port, tous complets, que toutes les nuits se passent au mouillage. Pas question donc pour ces charmants petits rongeurs de suivre les amarres depuis le quai, pour venir découvrir les joies de la navigation de plaisance. Au mouillage, je ne risque rien, pensais-je.
Et pourtant…
Malgré tout, je me réveille un matin - au mouillage donc - pour découvrir que l'enveloppe d'une baguette de pain a été rongée. Autour, quelques crottes sont là pour expliquer la cause. Un rongeur s'est invité à bord. En plus, en faisant un tour sur le pont, je vois que l'animal a aussi procédé à un tour complet, marquant son territoire de nombreuses crottes. Visiblement, il a cherché une issue pour regagner la terre.
Après réflexion, je pense que le charmant animal a profité de l'embarquement de provisions pour se glisser dans un des sacs. En effet, la veille, après avoir réalisé quelques courses, j'ai laissé les sacs quelques minutes sur un quai, avant d'approcher le bateau pour les charger à bord. C'est sans doute là que la bête, par l'odeur alléchée, s'est introduite dans un sac et s'est retrouvée sur le bateau, indépendamment de sa volonté.
Des pièges bricolés
Après la première surprise, il faut passer à l'attaque. En effet, ce genre d'animal engendre de gros dégâts. Après le pain du premier soir, je pensais encore être face à une souris, le rat s'est attaqué à des bouchons de bouteille. Sans doute aimait-il le gout du vin qui reste dans le liège. Toujours est-il qu'il a trouvé ces bouchons au fond du tiroir des couverts dans la cuisine, et que je me demande encore comment a-t-il réussi à s'y faufiler ?
Je tente alors des pièges pour faire tomber la bestiole au fond d'un seau, mais l'animal est malin : il mange les graines, mais ressort facilement du seau. Ces rongeurs ont principalement une activité nocturne. Cela laisse toute la journée pour penser à comment les piéger. Mais il faut compter avec son intelligence et sa rapidité.
Ça grignote tout !
Finalement, elle va rester 8 jours à bord. Cela va lui laisser le temps de manger un portefeuille en cuir, d'attaquer des boites de gâteaux secs, de s'essayer sur une porte de placard… Je n'avais qu'une trouille, qu'elle grignote des fils électriques ou des tuyaux d'eau. Dormir à bord avec cette charmante petite bestiole n'est pas vraiment facile, et je n'avais qu'une hâte, la voir débarquer. J'en rêvais la nuit !
Mort au rat partout à bord
Finalement, la solution a été trouvée dans une quincaillerie. Nous avons commencé par de la mort au rat, sorte de petits sachets colorés repartis dans tous les endroits de passage que nous avions noté pour elle. Si elle en a grignoté quelques-uns, déplacés d'autres, cela ne lui a pas fait suffisamment de mal pour retrouver son corps raide mort.
L'incontournable tapette
C'est finalement avec une classique tapette "Lucifer", appâtée avec de la pomme fraîche qu'a sonné sa dernière heure. Son déclenchement au pied de la table du carré, a l'heure de l'apéritif, alors que nous étions nombreux réunis dans le cockpit, reste un moment de satisfaction pour moi. Je me suis empressé de mettre le corps de l'animal au fond du seau et de le jeter à la mer pour être sûr de ne pas le voir se réveiller, on ne sait jamais.
Ce soir-là a été un beau moment festif à bord du bateau.