Un aérodynamisme novateur
Lancé en 2021, SVR Lazartigue a créé la surprise en dévoilant des formes et un aérodynamisme très développé. Le pont du trimaran géant est entièrement caréné, et seuls dépassent les deux postes de barres eux-mêmes protégés par des verrières dont les formes rappellent les cockpits d'avion de chasse. Disposés de part et d'autre de la bôme, ils offrent une vue dégagée sur l'avant et le plan de voilure.
Ce plan de pont dégagé permet de rabaisser la bôme au ras du pont (à l'image d'un AC 75 de la Coupe de l'America) améliorant ainsi l'effet de "plaque" et les performances de la voile.
L'arrière de la coque centrale est occupé par un cockpit ouvert dans lequel on retrouve une grande barre à roue. En revanche, aucune manœuvre n'y revient, ni drisses ni écoutes. Ce poste de barre sert uniquement aux manœuvres de port, ou bien, en cas de problèmes avec les commandes électriques installées sous les bulles.
L'appui aérodynamique de SVR Lazartigue est assuré notamment par les carénages des bras, qui sont réalisés en toile très résistante. Ce travail sur la forme aérodynamique permet à la fois de limiter la traînée tout en augmentant la portance, et donc d'améliorer le vol. Au niveau de la coque centrale, une partie du trampoline a été remplacée par cette toile tendue afin de compléter le gain apporté par ces carénages.
Très exposée aux flux, la plage avant est également conçue pour limiter la trainée. Les enrouleurs de J2 et de J3 sont rabaissés par rapport au niveau du pont et protégés par une structure dans laquelle les voiles non utilisées sont stockées, car seul le J1 est constamment à poste.
Un trimaran volant qui vise les 1000 miles par jour
En vol, le trimaran se stabilise sur quatre appuis situés sur :
- la dérive
- le safran de coque centrale
- le safran de flotteur
- le foil du flotteur sous le vent
Les immenses foils, situés sur chaque flotteur, assurent un décollage dès 12 nœuds de vent. Ils sont relevés quand le bateau navigue dans du vent faible, afin de limiter la trainée. Leur poussée est si forte que le trimaran ne doit pas être au-dessus de 8-9 nœuds pour permettre le mouvement de descente.
En comparaison avec l'ancien trimaran de François Gabart, SVR Lazartigue décolle plus tôt et maintient une vitesse en vol plus régulière. L'objectif n'est pas forcément de dépasser la barre des 50 nœuds, mais de maintenir une moyenne régulière en vol, aux alentours des 40 nœuds dans des conditions optimales.
Un cockpit protégé des éléments
L'accès au cockpit nécessite de se contorsionner, l'entrée se faisant par la bulle coulissante en Plexiglas. Le poste de barre est occupé par un petit volant, qui n'agit pas directement sur le secteur de barre, mais sur la centrale du pilote automatique. Un système de retour de force a été installé afin d'apporter au barreur des sensations de barre. Les principaux réglages du pilote sont également accessibles directement sur le volant, au moyen de plusieurs boutons.
La zone de manœuvre est constituée de quatre winchs, dont deux sont situés vers l'avant au niveau du piano et deux autres vers l'arrière, qui reprennent notamment les écoutes de voiles d'avant.
Malgré les apparences, cette zone de manœuvre n'est pas étanche, car l'eau arrive régulièrement par la goulotte des différentes manœuvres arrivant au piano, et les bulles des postes de barre ne sont pas hermétiques, en conséquence, des dalots sont prévus au niveau du pont.
Cette philosophie de cockpit ultra protégé a déjà été expérimentée avec un certain succès dans la classe IMOCA (notamment sur Hugo Boss 2 et Corum). Et elle continue de faire des émules dans la classe, car plusieurs projets en cours de construction reprennent ce choix architectural.
Derrière cette zone dédiée aux manœuvres, on retrouve la cellule de vie étanche, qui est équipée de deux bannettes et d'un meuble central accueillant un coin cuisine.
Une autre cellule étanche est située à l'avant au niveau du pied de mât. Elle regroupe différents éléments techniques et l'avitaillement de l'équipage.
Une hydraulique omniprésente
Une vingtaine de vérins hydrauliques sont répartis sur l'ensemble du trimaran afin d'encaisser les efforts colossaux auxquels sont soumis les principaux organes à régler : cunningham, bordure, chariot, tensions des galhaubans, des étais des voiles d'avant et des appendices de vol. Leur action est uniquement régulée par la force physique de l'équipage (ou du solitaire !), dont le travail sur le moulin à café alimente le vérin choisi.
Durant le vol, grâce à cette force hydraulique, le skipper agit aussi sur le rake du foil ou le flap du safran sous le vent.
Le réglage du flap de dérive se fait par une barre à roue située dans le cockpit, qui agit directement sur l'équilibre longitudinal du trimaran.
De gros besoins énergétiques
L'informatique du bord est installée dans le cockpit de manœuvre. Le skipper a accès à plusieurs écrans lui indiquant toutes les données du trimaran ainsi que son logiciel de navigation. Une interface donne également accès à toutes les caméras du bord, qui surveillent à la fois le trimaran mais également le plan d'eau.
L'apport en électricité se fait par une dizaine de panneaux solaires répartis sur tout le pont, ainsi qu'une génératrice installée au pied de mât, l'idée à moyen terme étant de la remplacer par une pile à hydrogène.
Tous les points névralgiques du trimaran sont équipés de capteurs d'efforts et de jauges de contraintes, via un réseau de fibre optique. Galhaubans, bras, mât, plans porteurs : toutes les données sont collectées et analysées par le bureau d'études, afin d'améliorer les performances du trimaran.
Un nouveau record sur la Méditerranée
Profitant de conditions optimales et d'un mistral soutenu, François Gabart et quatre équipiers ont peu après notre visite, battu le record Marseille-Tunis, en tenant une moyenne de 33.7 nœuds pendant presque 14 heures. Le précédent record, amélioré de 25 minutes par SVR, datait de 2010 et était détenu par le trimaran Banque Populaire, alors mené par un équipage de douze marins.