Réduire les émission de CO2 : un enjeu que l'IMOCA va intégrer
Imongen Dinham-Pice, responsable "sustainability" de la Classe IMOCA s'alarme de l'envolée des coûts environnementaux de la construction des bateaux neufs. Il est passé de 300 T de CO2 en 2010 (Analyse du cycle de vie (ACV) réalisée par Roland Jourdain et Kairos) à 550 T en 2021 (ACV réalisée par 11th Hour). "L'IMOCA considère très sérieusement de prendre des mesures pour imposer des restrictions. Aujourd'hui, chaque construction neuve doit fournir un ACV pour la construction du bateau à l'aide d'un outil fourni par la Classe. Cela va permettre de quantifier et de comparer sur la base d'un outil commun les émissions de CO2 engendrées par la construction des bateaux. Une fois cet état des lieux réalisé, la classe établira une limite à ne pas dépasser dès 2025. En attendant, pour inciter les équipes à considérer le sujet, toutes les pièces démontables en matériaux alternatifs (recyclable, bioplastique etc …) peuvent ne pas être considéré dans le calcul du poids lège du bateau - ce qui permet d'améliorer le couple de redressement en ajoutant ce poids dans la quille par exemple."
Aucun compromis pour Armel Tripon
Conscient des enjeux et de la responsabilité des skippers à montrer l'exemple, Armel prend les devants et entend prouver qu'il est possible de concilier respect de l'environnement et maîtrise des budgets sans compromis sur la performance. Car Armel ne cache pas son ambition de retourner sur le Vendée Globe pour gagner !
Pour parvenir à son objectif, il va travailler sur 3 axes majeurs.
Limiter les outillages
Le premier choix est de construire un sistership de Malizia, le bateau neuf en construction du skipper Boris Herrmann (plan VPLP). Cela va permettre de réutiliser les moules et ainsi économiser toute la matière qui aurait été nécessaire à la construction. Car comme le dit l'adage : "le meilleur déchet est celui qu'on ne produit pas."
Une collaboration avec Airbus pour réutiliser du carbone déclassé
Grâce à une collaboration avec Airbus, Armel Tripon va revaloriser le carbone préimprégné en fin de vie initialement destiné à la construction aéronautique. Matthieu Giraud du technocentre AIRBUS nous explique plus en détail cette problématique.
"Dans la construction aéronautique, le carbone préimprégné doit être conservé en réfrigérateur. Mais il a une date de péremption au-delà de laquelle il est considéré comme inadapté à la construction d'avion. Avec le ralentissement de la production dû au Covid, nous avons une grosse quantité de carbone qui atteint sa date limite d'utilisation. De plus, nous travaillons sur de très grandes pièces mesurant jusqu'à 13m. S'il ne reste plus suffisamment de carbone sur la fin d'un rouleau, nous ne pouvons plus l'utiliser pour la construction de ces pièces. Du coup, un rouleau sur lequel il reste 8 m peut être considéré comme un déchet et destiné à l'enfouissement."
Ce sont toutes ces chutes et tissus déclassés qui peuvent trouver une nouvelle vie dans la construction d'un IMOCA dont les standards sont moins exigeants. Finalement, ce carbone qui ne volera pas sur un avion volera sur l'eau avec le bateau d'Armel.
Au total, ce sont presque 3 tonnes de carbone qui vont être réutilisées pour ce nouveau bateau, soit une réduction de 250 T d'émission de CO2 pour la construction.
Du titane de récupération grâce à l'association "les P'tits Doudou"
L'association les P'tits Doudou, partenaire d'Armel, va également apporter sa contribution.
Depuis sa création, l'association lancée par des soignants vise à améliorer le vécu des enfants opérés et celui de leurs parents. Elle se finance en récupérant et revendant le cuivre des fils des bistouris électriques à usage unique. La récupération de matériaux usagés qui ne peuvent être réutilisés pour un usage médical est donc leur fer de lance.
Et ça tombe bien puisque dans le milieu hospitalier, on utilise également un matériau très prisé des coureurs au large : le titane. Ainsi le titane des vis, broches, tiges pour régulariser les scolioses, prothèses dentaires ou instruments chirurgicaux (le titane ne s'affute pas) va être décontaminé puis recyclé en bloc qui sera fraisé en pièce d'accastillage, comme des hooks. Ce n'est pas Armel qui niera l'importance vitale de cette pièce, puisque son hook de J3 a cédé lors de son dernier Vendée Globe, menaçant de faire tomber son mât.
Aujourd'hui, cette filière de récupération est en train de se mettre en place, mais Nolwenn Febvre, présidente et fondatrice de l'association en a déjà récupéré plus de 10kg. "Si nécessaire, on pourrait aisément en récupérer 500kg/an". Et ce filon pourrait également s'étendre à d'autres métaux, comme l'inox (présent dans les lames d'intubations très utilisées au cours de la pandémie) ou de l'aluminium présent dans les emballages et le matériel de suture.
Un bateau gagnant à tous les niveaux qu'il reste à financer
Avec cette preuve de concept, Armel anticipe les restrictions qui vont s'imposer et prouve que écologie, économie et performances peuvent être un trio qui fonctionne.
Le début de la construction de ce nouveau bateau est prévu pour juin 2022 avec une mise à l'eau planifiée un an plus tard. Et pour ceux qui seraient tentés par l'aventure, Armel est toujours à la recherche de partenaires pour boucler son budget : "il manque encore beaucoup, mais c'est bien amorcé".