C'est en Bretagne, à Hennebont, que j'ai rencontré Kirikou qui se nommait alors Ardiden. Après 8 belles années de vie à bord d'un bateau fluvial que j'avais rénové, je venais de remettre sac à terre, cédant le bateau à mon fils. Celui-ci, vacciné à la voile et à l'eau salée avait goûté avec moi aux joies du fluvial. Il a transporté le bateau sur le Blavet où il navigue lorsque le chantier naval qu'il dirige lui en laisse le loisir. Considérant que son paternel ne pouvait rester sans naviguer, il me fit faire le tour de son parc d'occasion. J'avais envie d'un voilier, mais étais d'autant moins prêt à assumer les contraintes d'une place de port, que mon métier m'offre de naviguer souvent à bord de toutes sortes de bateaux. Le Figaro 5 avec ses dimensions modestes et sa remorque, convenait à la fois à mes goûts, à mes moyens et à mon programme. Ses lignes à la fois classiques et modernes m'ont tapé dans l'oeil !
Des bottes à ma taille !
Il avait été débarrassé pour le prix de la place de port après le décès de son propriétaire et nul ne savait trop qu'en faire. Il gisait sur une remorque aux roues crevées et le moins que l'on puisse dire est qu'il avait connu des jours meilleurs : la peinture s'écaillait autour d'un accastillage dépareillé tandis que le pont et le cockpit présentaient d'inquiétantes traces de pourriture.
Banco ! L'affaire conclue, je commençais le tour de mon nouveau navire. J'ai toujours trouvé plaisante cette phase de découverte. Ce temps où l'on nettoie, range, inventorie voiles et équipement. Ce moment où l'on chausse les bottes du précédent propriétaire pour peu à peu, s'approprier le bateau.
Un voilier bien construit, mais fatigué !
Les plans du Figaro 5 ont été proposés à la vente à partir de 1975 dans les pages du quotidien éponyme. Les amateurs pouvaient ainsi se construire un bateau pour une fraction du prix d'un modèle neuf équivalent. Le contreplaqué "marine" pouvait être recouvert de tissu de verre stratifié à la résine polyuréthane. Cela protège le bois mais peut masquer bien des zones abimées
En plus de 40 ans, l'exemplaire dont je suis le tout nouveau propriétaire a bien vieilli ! Si la coque semble saine, le bois du pont s'est dégradé en plusieurs endroits, au point que l'accastillage commence à s'arracher. Le fond du cockpit n'est plus étanche et de l'eau stagne au dessous. Le bridge deck, la marche située devant la descente, est totalement pourrie et laisse voir la cuisine par un large trou. Enfin, le tableau arrière a visiblement souffert d'un moteur trop puissant. Il a été renforcé d'une énorme pièce de bois massif, aussi pesante qu'inesthétique.
Tout l'armement du bateau en double
C'est affolant ce qui peut entrer dans un aussi petit bateau ! Je commence par débarquer tout ce qui peut l'être. Le bateau est allégé de caisses de pêche, d'outils rouillés, de bouts verdis et effilochés, de fusées périmées, d'avirons, de pagaies, des 2 mouillages… Sans compter tous les éléments amovibles que sont les coussins, les panneaux de couchettes, et les blocs de polystyrène sensés assurer l'insubmersibilité. La somme de matériel est d'autant plus importante que le précédent propriétaire, visiblement prudent, avait pris soin de doubler chaque équipement, l'utile comme le futile… En tout, c'est un joli tas que je stocke en attendant de voir ce que je pourrait éventuellement réutiliser.
Un bateau propre et nu
Un lavage soigneux (et nécessaire !) chasse les odeurs puissantes et variées de la petite cabine. Ce nettoyage préalable me permet d'y voir plus clair, mais aussi de préparer un espace de travail aussi agréable que possible. Surtout, le bois pourra bien sécher et s'assainir pendant les longues semaines où je n'aurais pas le loisir de faire avancer le chantier.
Pour mémoire et afin de faciliter le remontage, je prends des mesures et des photos avant de déposer l'accastillage. Tout ce que je démonte est rangé et stocké dans des boîtes avec sa visserie. C'est une précaution que je sais utile, même si au final je réutiliserai bien peu de ce matériel obsolète.
Ce démontage me permet de mieux identifier les endroits abimés, ceux où l'eau s'est infiltrée ou a stagné.
A la fin de la journée, le bateau n'est plus une vieille coque délaissée, mais la base d'un chantier de rénovation.