La Transat Jacques Vabre se court en double. Comment adapter un bateau pour les différentes configurations de course : double, solitaire, équipage ?
Quand on parle d'équipage, c'est un équipage réduit, de 5 ou 6 personnes. Ce n'est pas beaucoup en Ultim. Le travail sur les pilotes, c'est le gros du travail. C'est un facteur de performance essentiel.
Quand François Gabart, a fait le tour du monde en solitaire en 42 jours, c'est uniquement parce que son pilote automatique barrait à sa place et, de manière fiable. Il est capable de lofer tout seul au près, d'abattre tout seul au portant alors que le bateau menace de se retourner. Il y a des couches d'algorithmes supplémentaires dans les pilotes. Quand on est en double, on ne doit pas barrer beaucoup plus qu'en solitaire. Mais on va faire plus de manœuvres. On est moins avare d'effort, là où le solitaire se préserve plus sur le plan physique.
Si l'on rajoute un abri pour une course en solitaire, on se dit que finalement, pourquoi on ne le conserverait pas pour naviguer à plusieurs. Ce qu'il y a de bien, c'est que la configuration ne change pas beaucoup du solitaire à l'équipage.
Les changements portent surtout sur des éléments de protection, ou des systèmes de largage automatique, qui ne sont pas nécessaires en équipage parce qu'il y a du monde aux écoutes. En solitaire c'est essentiel.
Mais il n'y a pas de dérives spécifiques, de foils spécifiques.
La chose qui peut changer ce sont les voiles. On pourrait avoir moins de voiles qui couvrent un champ plus large de conditions en solitaire et des voiles un peu plus importantes quand on est équipage. Quand on est en Ultim, on est très bien avec 2 foc et 2 voiles de portant. Et, en général, en solitaire, toutes les voiles sont hissées sur enrouleur alors qu'en équipage ils les remettent sur le pont.
Avec les nouveaux parcours de la Transat Jacques Vabre, est-ce que certains dessins de carène/certaines conceptions de bateaux vont être plus avantagés que d'autres ?
Les IMOCA sont suffisamment polyvalents de par le parcours qu'ils doivent effectuer sur le Vendée Globe. Ils doivent être bons dans toutes les phases de jeu. Sur ce parcours, ils vont devoir sortir du Golfe, descendre jusqu'à l'Équateur et le passer, descendre jusque l'archipel de Fernando de Noronha et remonter au reaching jusqu'en Martinique.
La différence entre les concurrents va se jouer sur la connaissance des équipages de leurs bateaux et du choix d'un placement stratégique.
Les Ocean Fifty et les IMOCA ont toujours navigué ensemble et les premiers avaient l'avantage, car dans les portions d'alizés, ces bateaux sont plus rapides dans les vents médiums et au portant. Sur ce nouveau parcours, ça va se resserrer. Les gains de performance en IMOCA sont assez importants avec les nouveaux foils. Les arrivées vont se faire avec des écarts plus serrés que ce que l'on voyait avant. En général, c'était entre 15 h et une journée entre les premiers Ocean Fifty et IMOCA. J'imagine qu'ils devraient être plus réduits qu'avant. La classe IMOCA a fait un grand bond en avant avec des foils plus grands, des vitesses plus élevées qu'il y a deux ans.
Pour les Ultim, un trajet classique de Route du Rhum consiste à tourner à droite après les Açores et à descendre sur la Martinique pendant trois jours en empannant. Là c'est différent. Ils vont devoir passer le Pot au Noir, l'Équateur, et rejoindre un point relativement bas avec du reaching au large du Brésil, puis remonter au près, passer de nouveau l'Équateur, le pot au noir et avoir des vents de travers en revenant du sud. La valeur de l'allure de descente au portant va être moins importante que sur des courses classiques.
Parmi les forces en présence, quels sont ceux qui ont le plus d'atout ? Bateaux et skippers ?
Gitana à l'avantage d'être parfaitement connu par son équipage. Ils ont énormément navigué et énormément appris. D'autres équipages naviguent depuis moins longtemps et ont plus d'apprentissage à faire.
Sur des courses comme celle-là, pour des bateaux qui ont des performances relativement proches, la différence de gain est de 2 à 4 % quand on est architecte. Mais l'exploitation peut faire une différence de 80 à 105 %. Il leur faut donc un bon bateau, ce qu'ils ont tous, mais ils doivent le connaitre.