Un refit pour être plus performant
Bernard Tapie était un véritable touche-à-tout, mêlant de front plusieurs carrières et hobbies. Dont un qui nous intéresse plus particulièrement, la voile.
En 1982, Bernard Tapie rachète l'ancien Club Méditerranée à la veuve d'Alain Colas. Rapatrié de Tahiti à Marseille, le voilier doté de 4 mâts est entièrement refité. L'homme d'affaires le transforme en luxueux yacht à voile, mais n'omet pas le côté sportif du bateau, privilégiant l'utilisation de matériaux légers. Avec une longueur de 74,37 m, le Phocéa est à l'époque, le plus grand yacht du monde, détrôné en 2004 par l'Athena.
Battre le record de l'Atlantique à la voile en monocoque
Après 4 années de travaux et 10 millions d'euros engagés (68 millions de francs), Phocéa (son nouveau nom) est prêt à battre des records. C'est d'ailleurs l'objectif que s'est fixé son armateur. Après une première tentative échouée, Bernard Tapie tente en juin 1988, de battre le record de l'Atlantique d'ouest en est en monocoque. Ce record est à l'époque détenu par Atlantic, goélette de Charlie Barr en 12 jours, 4 heures, 1 minute et 19 secondes.
Au départ de New-York, il confie la barre du Phocéa au capitaine Jean-Luc Pinon, secondé par Pierre Gaillet. Sont également présents deux barreurs chefs de quart Frank Dambrin et François Prévost. Au total, 20 personnes sont présentes à bord, dont un journaliste de TF1 censé raconter chaque jour l'épopée durant le journal télévisé, et bien sûr, Bernard Tapie lui-même.
Un record dangereux
Selon les témoins, au bout de deux jours, le bateau s'englue dans la molle, ce qui fait perdre patience à son propriétaire. Une tempête est alors annoncée et, contre l'avis du capitaine, Bernard Tapie décide de maintenir le cap et de continuer sa traversée, mettant en danger son équipage. Il s'en rendra d'ailleurs compte à la fin de la traversée.
Au total, le quatre-mâts se couchera et se relèvera à 4 reprises, rossé par les vagues, immenses. Pour l'anecdote, le journaliste du bord avait même fait un coma tétanique, incapable de bouger, paralysé par la peur.
Phocéa, pourvu de 2 spis, 4 génois et 2 grand-voiles – 3 000 m2 de toile au total – avale les milles – plus de 400 milles certains jours – à des vitesses avoisinant les 20 nœuds. Parvenant à surmonter la tempête, l'équipage rallie Saint-Malo au bout de 8 jours, 3 h et 29 minutes, avec une vitesse moyenne de 14,96 nœuds sur un parcours de 2925 milles. Il bat ainsi le record de Charlie Barr de 4 jours.
Record battu
S'il bat le record de l'Atlantique de Charlie Barr, et de plusieurs multicoques de course de l'époque, son record n'est homologué par le WSSR – homologation des records à la voile – que dans la catégorie 5c (des voiliers dotés d'assistance par des énergies auxiliaires, ici des winches à assistance hydraulique).
Saisi en 1996 aux mains de Bernard Tapie, le Phocéa est racheté à plusieurs reprises, avant de prendre feu en février 2021 en Malaisie.