L'apprentissage de la navigation
Bernard Moitessier voit le jour le 10 avril 1925 à Hanoï en Indochine, l'actuel Vietnam. Il découvre la navigation lors de vacances d'été dans le golfe de Siam, s'amusant à bord de pirogues avec ses frères, naviguant à bord du Cerf Volant, le voilier de son père. Il découvre également la vie au contact de la nature, partageant le quotidien des pêcheurs du village. Ces derniers l'initient d'ailleurs à la navigation sans instruments.
En 1951, il embarque avec Pierre Deshumeurs sur une jonque baptisée Snark, en hommage à Jack London. Il a alors peu d'expérience et compte bien apprendre pendant le voyage. Censés rejoindre l'Australie, les deux compagnons vont passer leur temps à pomper pour évacuer l'eau qui ne cesse de remplir le bateau. Obligés de faire demi-tour en Indonésie, ils regagnent l'Indochine.
Bernard Moitessier achète une nouvelle jonque – Marie Thérèse – et il quitte l'Indochine à son bord pour rejoindre initialement Madagascar. A bord, il a pour seuls instruments un sextant et un compas. Il fait naufrage aux îles Chagos, au sud de l'Inde et se fait rapatrier à l'île Maurice où il restera pendant 3 ans.
Il exerce de nombreux métiers – conférencier, pêcheur, fabricant de charbon de bois – avant de construire un nouveau bateau en bois, Marie-Thérèse II.
En 1995, le marin quitte Maurice pour l'Afrique du Sud. Jusqu'en 1958, il navigue d'île en île et acquiert de l'expérience au gré de ses différentes escales, qui le mèneront jusqu'aux Antilles. Alors qu'il est en mer, trop fatigué pour lutter contre le sommeil, il fait naufrage sur l'île de Saint-Vincent.
La construction de Joshua
Il revient à Paris en 1958, sans le sou, et rédige son premier livre, narrant ses aventures de mer, "Vagabond des Mers" qu'il publiera en 1960. Les ventes de son récit lui permettent de lancer la construction d'un nouveau voilier. Celui-ci sera un ketch en acier, le mythique Joshua, dont le marin a choisi le nom en l'honneur de Joshua Slocum, auteur du premier tour du monde en solitaire.
Il fait également la connaissance de Françoise Terras-Jung, amie de la famille, qu'il épouse en 1961. En parallèle, Bernard Moitessier fait construire son voilier à la coque rouge, mis à l'eau en avril 1962. Pendant un an, le navigateur embarque à son bord des stagiaires découvrant la croisière à la voile.
Le couple quitte le port de Marseille en 1963 direction la Polynésie, avec des escales aux îles Canaries, aux Antilles, puis aux Galápagos via le canal du Panama. Au total, le voyage durera 126 jours et donnera lieu à un nouveau livre "Le Cap Horn à la voile" qu'ils ont d'ailleurs emprunté pour le retour de leur périple.
Un tour du monde qui n'en finira jamais
Deux ans plus tard, Bernard Moitessier se lance dans le Golden Globe, tour du monde en solitaire par les trois caps, sans assistance et sans escale. Il quitte Plymouth le 22 août 1968 et se laisse vite gagner par cette liberté d'être en mer à bord de Joshua. Alors qu'il est annoncé futur vainqueur de l'épreuve, le navigateur qui vient de passer le Cap de Bonne-Espérance pour la seconde fois envoie le message suivant :
"Je continue sans escale vers les îles du Pacifique parce que je suis heureux en mer et peut-être aussi pour sauver mon âme." Cette phrase restera gravée dans toutes les mémoires.
Il continue alors sa "longue route", retraverse l'océan indien, passe le Cap Leeuwin une seconde fois avant de rejoindre Tahiti le 21 juin 1969, après 10 mois sans avoir mis le pied à terre.
Cette aventure donnera lieu à un nouveau livre mythique "La Longue Route", paru en 1971, qui bercera des générations de marins.
Un nouveau voilier et un retour en France
A Tahiti, il fait la rencontre Ileana Draghici, qui lui donnera un fils en 1971. Après plusieurs années passées sur l'île, il décide de réarmer Joshua et repart en Nouvelle-Zélande, puis en Israël, avant de s'installer en 1975 en famille sur l'atoll d'Ahé.
En 1980, le couple part vivre en Californie, où Joshua est victime d'un cyclone en 1982, sur les côtes mexicaines. Le bateau sera remis en état et donné à des jeunes. Il est ensuite racheté en 1990 par le musée de la Marine de La Rochelle.
Le navigateur construit aux États-Unis un dernier bateau, le voilier Tamata, un cotre en acier mis à l'eau en 1983, à bord duquel il rejoint d'abord Hawaii puis Tahiti pour s'y installer quelques années. Diagnostiqué d'un cancer de la prostate, le marin revient en banlieue parisienne, s'installant chez sa nouvelle compagne. Il retourne de temps en temps à bord de Tamata pour naviguer entre les atolls. En 1993, après 8 ans d'écriture difficile, il publie Tamata et l'alliance.
La vie de Bernard Moitessier s'achève le 16 juin 1994, des suites de son cancer. Il repose depuis au Bono.