Les opérateurs du CROSS de Gris-Nez dans le pas de Calais, sont celles et ceux qui consulteront en cas d'alerte les informations que nous leurs avons fournies par la déclararion de croisière. Autant, donc, le faire au mieux pour plus d'efficacité.
Nous sommes allés à la rencontre de l'Administrateur des affaires maritimes Maxime. Il est le chef du service opérations du CROSS gris-nez et, à ce titre, il dirige celles et ceux qui liront ces déclarations de croisière. Il nous explique avec précision l'utilité de ce document.
Mise en place récente
"Nous avons mis en place ce document en 2017" nous explique le militaire "La première année, nous avons reçu 100 déclarations. Depuis, le nombre de déclarations n'a cessé de croître. Nous avons dépassé la barre symbolique des 200 en 2020 avec 210 déclarations malgré le caractère particulier de cette année. En 2021, nous sommes début juin à 100 déclarations".
Bon accueil des plaisanciers
Un succès qui confirme, donc, le bon accueil des plaisanciers dans la mise en place de cet outil. Fonctionnellement, le document imprimé au CROSS, ne servira qu'à posteriori, si quelque chose se passe. Pas d'utilisation proactive par exemple "En mer, les gens sont libres" explique le responsable. "Nous ne voulons pas donner une fausse impression aux plaisanciers en les laissant croire qu'au démarrage de chaque quart nous faisons l'inventaire des bateaux dont nous avons eu des nouvelles. La feuille n'est utilisée que si un bateau déclenche une alerte ou qu'un proche est inquiet." Et cette inquiétude doit exister "à juste titre" insiste-t-il. Le fait de manquer un appel ou de ne pas avoir de nouvelles d'un proche en mer n'est pas nécessairement un élément inquiétant. "Cependant" modèle Maxime "C'est en ayant déclaré la croisière d'une part, en ayant fourni le plus d'éléments possibles quand aux compétences nautiques, à l'état de santé et à l'habitude de l'équipage que nous pouvons évaluer le retard et lui donner un caractère inquiétant ou non". D'où le double intérêt de communiquer les informations en amont (l'équipage) et d'alerter les inquiétudes en appelant le CROSS (l'entourage) au besoin.
Ce document demande à être aussi complet que possible pour prouver son efficacité. "Lorsque nous le recevons par email, nous le lisons attentivement. Il nous arrive parfois de demander un complément d'information au requérant" explique l'Administrateur. "Par exemple, l'absence de circuit rend la déclaration tout bonnement inutile. Dans ce cas, nous répondons au mail en demandant un circuit, même approximatif. Il ne faut pas oublier que ces informations nous seront utiles en cas de déclenchement d'une balise ou d'un appel à l'aide pour savoir sur quelle zone du globe focaliser notre action" poursuit-il.
D'autres informations sont vitales et valident l'utilité de cette déclaration "Il faut que les numéros hexadécimaux et MMSI des balises et de l'ensemble des équipements soient renseignés".
Enregistrez vos balises !
Point important, sur lequel l'organisateur du sauvetage insiste "Il faut que les plaisanciers enregistrent leurs balises auprès des opérateurs d'enregistrement. L'ANFR est l'interlocuteur de référence pour ce qui concerne la déclaration des epirb alors que le registre 406 MHZ, qu'on appelle aussi le registre français des balises de détresse sert pour les enregistrements de balises individuelles, les PLB. Nous recevons encore trop d'alertes sans MMSI, nous ne pouvons quasiment rien en faire sauf à passer énormément de temps à retracer la balise. Nous recevons souvent, aussi, des balises avec juste un numéro de série. Chaque minute perdue à tenter d'identifier une balise est autant de temps que nous ne consacrons pas à intervenir, parfois pour sauver des vies."
Déclenchement des balises pour la plupart justifiés
D'ailleurs, les raisons de déclenchement des balises sont-elles toujours justifiées ?
Selon Maxime "Il n'y a pas de mauvaise raison de déclencher une balise. Cela signifie simplement que le plaisancier a besoin d'aide, pas qu'il est en péril immédiat. Il ne s'agit pas d'abuser, bien sûr. Récemment, un monsieur a déclenché sa balise car une personne à son bord était décédée. Il ne savait simplement pas quoi faire, sa demande était largement justifiée."
Photos et numéro de téléphone
Lorsqu'une alerte est déclenchée, que ce soit par une balise ou par un proche qui est inquiet à juste titre, le premier besoin du CROSS est de procéder à une levée de doute. "Il s'agit de nous assurer que tout va bien. Par défaut, nous considérons que tout va mal. C'est cette approche holistique du danger qui nous permet d'agir avec efficacité. Par défaut, l'opérateur va aller voir dans un classeur si une fiche existe ou non pour ce bateau. Le cas échéant, si le plaisancier a bien rempli la fiche, nous allons tenter de l'appeler sur son iridium. En même temps, nous serons en recherche de bateaux que nous connaissons (armée, cargo, bateaux de croisière …) qui pourraient à la fois tenter d'entrer en contact avec ce bateau de plaisance par VHF et assurer une veille visuelle. C'est là qu'intervient le besoin absolu de disposer de photos du bateau, sous toutes les coutures."
Car rien ne ressemble plus à un voilier qu'un autre voilier, c'est évident. "Demander à un officier de quart sur un cargo de se mettre à la recherche d'un voilier avec voile blanche, c'est perdu d'avance, la description est bien trop vague. Par contre, lui parler d'un voilier dont la coque est rouge et qui a une voile verte et une orange est plus efficace. Et si on a la possibilité de lui envoyer, par email, les photos en question, nous optimisons énormément les chances de reprise de contact et de gestion d'un éventuel incident. C'est, j'insiste, ce à quoi servent les photos."
Breton de naissance et amoureux de la mer néanmoins, Maxime nous explique "J'aime les bateaux, je reconnais que les photos que nous recevons sont souvent celles de superbes bateaux, c'est aussi bien agréable de regarder certains bijoux qui sont sous notre surveillance, je dois le reconnaître !"
Confidentialité ne veut pas dire secret !
Il faut garder à l'esprit que le CROSS est un organisme d'État dont l'une des missions régalienne est d'assurer la sécurité de nos côtes. Dit autrement, il a la responsabilité de veiller à ce qu'aucun bateau ennemi ne vienne attaquer le territoire français. Autrement dit, dans l'hypothèse peu probable où un plaisancier qui se prête à un trafic vient déclarer son circuit au CROSS et qu'un doute "raisonnable" pèse sur cette déclaration (traversée anormalement longue, traversée trop originale …) les militaires ont pour devoir d'alerter les autorités pour réaliser un contrôle du bord des bateaux. Il ne s'agit pas de violer le principe de confidentialité, le CROSS ne communique pas à quiconque qui ne soit pas habilité à en connaître les itinéraires déposés, mais demeure dans sa mission en prévenant les actes illégaux que certains plaisanciers pourraient réaliser.
Plaisanciers étrangers, inutile malheureusement de vous déclarer
Ce système déclaratif ne fonctionne que pour la France. "Les balises sont encodées avec le pavillon du bateau. En cas de déclenchement, le centre de Toulouse reçoit l'alerte, de même que le MRCC de la zone de déclenchement de l'alerte. Puis cette alerte sera routée, depuis Toulouse, vers le MRCC PoC (Point of Contact, point de contact en français) dont dépend le bateau. Nous, à Gris-Nez, ne saurons même pas qu'il y a eu un déclenchement, il n'y a aucune possibilité que nous donnions ces informations à une autre autorité. De plus, nous n'avons pas d'uniformité de forme ni de méthode. Nous ne pouvons donc pas accueillir les déclarations de bateaux non-français, à notre grand regret."
Nous tenons à remercier Maxime pour sa disponibilité et la richesse de nos échanges et des informations qu'il a eu la gentillesse de nous fournir !