Une vocation
Ayant grandi sur un bateau de croisière, l'architecture navale a toujours été une vocation pour David Raison. Petit, il fabrique des maquettes de bateaux pour en comprendre le fonctionnement. Tout au long de sa jeunesse, il suit les évolutions "nautiques", assiste aux départs et arrivées de courses au large, notamment les premières Mini Transat.
"Ma jeunesse a été imprégnée par ces problématiques."
Après une école d'ingénieur en hydrodynamique et construction navale à l'école Centrale de Nantes – il régate en parallèle – il cherche un emploi.
"Ça n'a pas tout de suite été évident. Les cabinets ne recrutaient pas. C'était la crise. Difficile de trouver du travail."
Mixer la course au large et l'architecture navale
David Raison intègre donc une société de classification, chargée d'effectuer des contrôles sur les navires et plateformes offshore. Après 3 années de collaboration, l'architecte se lance sur sa première Mini Transat en 1999 sur un prototype qu'il a lui-même conçu. Il réitère l'expérience deux ans plus tard.
Dès 2002, il ouvre son propre cabinet d'architecture navale, exerçant principalement une activité de sous-traitant à la fois pour des chantiers navals et pour son ancienne entreprise de classification. Ce n'est qu'en 2015 qu'il en fera son activité principale.
Il retente l'expérience de la Mini Transat 2003 avant de se lancer sur le circuit Figaro en 2005.
En 2011, il remporte la Mini Transat sur son prototype, le Magnum, un mini à nez rond, inspiré des scows.
"Le bateau a fait parler de lui avec son étrave arrondie et ma victoire sur la course. Ça a orienté mon activité de l'ingénierie navale à l'architecture navale. Magnum est sorti en 2010, mais a été dessiné entre 2006 et 2008. J'ai réalisé des études assez poussées pour un Mini, notamment au niveau des simulations numériques, pour être sûr de la viabilité du projet. En tant qu'ingénieur spécialiste de la mécanique des fluides, j'ai toujours réalisé des études poussées, des simulations numériques de carène, au niveau des appendices… Ce sont des paramètres qui ont été pris en compte sur les tout premiers plans que j'ai sortis."
Développer des bateaux à moteur à foils
Entre 2016 et 2018, David Raison arrête la voile de compétition pour intégrer la société lorientaise SEAir.
"On a conçu des semi-rigides à foils, j'ai d'ailleurs équipé mon ancien proto de foils pour ce projet. C'était un premier succès technique pour SEAir. On a aussi monté un projet de bateau à moteur à foil pour le groupe Bénéteau. Ça permettait de travailler en groupe, contrairement à mon activité que j'exerce seul. C'était sympa."
Un premier Class40 au franc succès
À la suite de quoi, Ian Lipinski, qui vient d'intégrer le circuit Class40, cherche un architecte pour dessiner son bateau.
"Je me suis remis à mon compte. Je suis retourné à la voile de compétition, mes premiers amours."
Pour l'accompagner dans son quotidien, David Raison fait appel à un réseau de partenaires pour l'ingénierie numérique, les calculs de structure…
"En fonction de la taille des projets, je me fais accompagner ou je collabore avec des bureaux d'études plus ou moins développés."
Créer des bateaux de croisière, faire évoluer d'anciens modèles
Mais la course au large n'est pas la seule activité de l'architecte puisqu'il a aussi dessiné plusieurs bateaux de croisière : Rêvolution 22/24 et 29 du chantier Afep Marine, ou encore Icemint 40 du chantier espagnol Mint Yachts, en collaboration avec François Lucas, un voilier en aluminium à quille relevable.
Outre la création de nouvelles unités, une des activités de l'architecte navale est l'évolution des modèles existants.
"J'ai eu des demandes pour "recycler" le proto Flexirub de Davy Beaudart de 2014. À chaque fois, les constructeurs et les clients changent. Je fais des reprises d'études. En Class40 par exemple, les bateaux suivants évoluent ou sont optimisés. Il y a du travail !
J'ai aussi un beau projet en cours avec Felix de Navacelle, un scow de croisière hauturière de 12,50 m dessiné pour un particulier. On essaye de chercher un chantier et d'autres armateurs."
Avec la construction de 3 Class40 plan Raison et de commandes de Maxi 6.50, David Raison espère profiter de l'opportunité pour développer son cabinet.
"C'est une bonne opportunité pour sortir de nouvelles unités, prendre des commandes et faire grossir le cabinet. La grosse difficulté dans notre métier, c'est de passer de 1 à 2 personnes, c'est pour ça qu'il faut doubler le chiffre d'affaires."
Le père des scows
Ce qui fait la renommée de David Raison, c'est l'étrave scow – les nez ronds – dont il a fait sa marque de fabrique et qui se développe aujourd'hui dans l'architecture navale.
"J'ai été le premier à faire ça. Aujourd'hui, on a encore une bonne longueur d'avance sur ces carènes-là par rapport à la concurrence. On en est à notre 3e génération de scow avec le bateau de Ian Lipinski. La 4e génération est à l'étude, quand nos concurrents en sont à la première génération. Ils passent par des difficultés par lesquelles on est passés aussi, mais ce sont des gens brillants et d'ici 4 ou 5 ans, on sera tous égaux sur le dessin des scows. On a une expérience et une méthode de conception différentes des autres et adaptées à ce genre de bateaux.
En Class40, le cabinet Lombard avec le Lift 40 a un peu franchi le pas. Sam Manuard a aussi fait avancer le design dans ce sens avec l'IMOCA L'Occitane en Provence. Il a introduit une carène de scow et réussi à convaincre. Il a mené une très bonne réflexion sur la conception du bateau et sur le design des foils. Il a amené une nouveauté avec ses foils en corne de buffle. C'est une approche différente du vol quand les autres concepts sont assez voisins, qu'ils soient en L, en C ou circulaires.
Ça va être intéressant de voir comment les bateaux de nouvelle génération vont évoluer.
En Class40, j'attends avec beaucoup d'impatience la nouvelle génération pour voir les innovations et concepts de mes confrères. Ce qui marche ou pas. Savoir si l'on est toujours dans le coup avec ce design qui date de 2018. Il y a 4 bateaux scows optimisés à la jauge 2020 à venir : le Class40 d'Étienne Bertrand construit à Cape Town, les plans Lombard construits en Normandie, les plans VPLP chez Multiplast et le Pogo 40 S4. Ça va être intéressant de voir l'interprétation des architectes sur le mode de fonctionnement et les problématiques de construction.
Un bateau c'est toujours un compromis entre un cahier des charges et un chantier. Derrière chaque trait, il y a un arbitrage entre avantages et inconvénients.
Ce qui fait un bon bateau, c'est l'élégance, la façon de bien marcher sur l'eau. Il faut que ce soit un bateau marin et fiable. Ensuite c'est son adéquation à la réponse au client."