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Thierry Dubois est un coureur au large en solitaire français, avec un joli palmarès à son actif entre les années 1990 et 2000. A 33 ans, il décide de mettre fin à sa carrière de sportif et de construire la goélette de ses rêves.
"Je ne suis pas en train d'imaginer mon prochain bateau"
C'est ainsi que Thierry résume ce qu'il vit aujourd'hui.
Il aura fallu six années et 23 000 heures de travail pour la conception et la construction de La Louise, cette élégante et robuste goélette de 19 m. Thierry part d'un cahier des charges très élaboré, héritage de son cursus de marin constructeur de bateaux et d'une page blanche. Les réflexions et les croquis que l'architecte Nigel Irens lui proposent sont en phase avec sa vision.
Cet ancien compétiteur de haut niveau et propriétaire de bateaux depuis l'âge de 16 ans ne regrette rien car ce projet prend sa source dans son adolescence. Il correspond à sa conception de la navigation au tournant de sa vie sportive et professionnelle.
La Louise est ainsi conçue depuis sa naissance en 2010 pour proposer des croisières en arctique, à l'écart des routes fréquentées, et pour se frotter aux glaces en toute sécurité.
De petites évolutions techniques et philosophiques sont faites régulièrement mais son ADN reste intact, et elle est en symbiose avec son capitaine.
Un programme de navigation rigoureux : le Grand Nord
Thierry n'a jamais versé dans la facilité, ni dans son parcours de sportif de haut niveau en solitaire, ni dans ses choix de vie.
A chaque début de saison, en février-mars, il sait qu'il faudra prendre la mer pour aller dans le Nord, au milieu des tempêtes, traverser des mers qui peuvent être compliquées.
Ça représente un réel engagement d'amener un voilier là-haut, de le faire fonctionner car le Groenland est une zone hostile, pas très équipée, où rien n'est évident. L'autonomie à bord est indispensable, tant sur l'avitaillement que sur les pièces mécaniques.
"A bosser en continu depuis 10 ans là-haut, il n'y a que la Louise" explique Thierry. Chaque saison apporte son lot d'améliorations permanentes au service du confort et de la sécurité des passagers.
Partager et faire découvrir
Bercé dès sa plus tendre enfance par des valeurs de partage et de transmission, Thierry apprend la voile et la croisière en Bretagne. Il devient rapidement chef de bord en école de croisière à 18 ans.
La course au large en solitaire est une parenthèse qui lui permet de tester ses limites et qui convient aussi à son caractère.
En réalisant son projet de navigation sur la Louise, Thierry revient ainsi à ses premières amours : "Prendre un bateau, mettre des gens à bord, en être responsable en terme de sécurité, de confort et partager et leur faire découvrir."
Le présent et les projets à venir
La Louise est solidement amarrée à Etel, de retour au port où elle avait été mise à flot pour la première fois en avril 2010.
Son activité étant affiliée à la Marine Marchande, elle est immobilisée pour fermeture administrative suite aux contraintes sanitaires en cours. L'arrêté de la Préfecture Maritime publié en octobre 2020 lors du second confinement fait bien état d'une interdiction aux bateaux de faire des croisières avec des passagers, de proposer restauration ou hébergement à bord.
A l'étranger, les frontières du Groenland sont drastiquement fermées, et les contacts que Thierry a conservés avec l'office de tourisme sur place n'augurent pas d'une ouverture à court terme. L'Irlande et l'Ecosse sont également fermées au tourisme.
Pour l'instant, l'entreprise peut bénéficier des aides de l'état français mais il n'est pas facile de rester optimiste dans ces circonstances.
La vie s'écoule cependant à bord et permet de réaliser les travaux (il y en a) nécessitant du temps et peu d'argent.
"Je n'imagine pas la qualité et l'état de la Louise régresser". Le plaisir et la passion sont les moteurs de Thierry pour réaliser ces opérations d'améliorations au fil des semaines qui s'écoulent.
Les visites de sécurité et de conformité de la Louise sont faites.
"Je suis prêt à naviguer et j'ai le droit de naviguer mais je n'ai pas le droit de prendre de passagers."
Abnégation et patience, des qualités dans lesquelles Thierry se reconnaît bien.