Les premières régates de la Coupe en temps réel
Pour l'édition de 1930, les syndicats décident d'adopter la « Class J », dont le rating va être fixé. Pour la première fois dans l'histoire de la coupe, les concurrents ne courent plus en temps compensé, mais en temps réel. Le premier à passer la ligne est déclaré vainqueur ! Les Class J sont définis selon la Jauge Universelle, règle éditée par l'architecte américain Nathanael Herreshoff en 1903. Le lourd gréement aurique est abandonné au profit d'un gréement bermudien.
1930 : Le petit poucet Anglais face à une horde d'Américains
Pour cette 14e édition, le challenger anglais fait construire Shamrock V, yacht de près de 36 mètres. Avec sa coque en bois sur membrure en acier, son déplacement dépasse les 170 tonnes.
Les américains vont présenter quatre Class J pour affronter les représentants de la couronne : Whirlwind , Resolute, Vanitie et Enterprise. Ce dernier est le premier voilier de course à être équipé d'un mât en duralumin, qui lui assure un avantage indéniable dans les allures près du vent.
Enterprise est également le premier Class J à être équipé d'un accastillage de pont moderne, puisque près de 23 winchs équipent son plan de pont. La victoire est sans appel, puisque Enterprise remporte la Coupe par 4 victoires à 0 face à Shamrock V. Mais cette victoire éclatante ne lui permettra pas d'échapper à la déconstruction en 1935, seulement cinq années après son lancement.
1934 : un mouvement social bouleverse les pronostics
Financé par l'industriel aviateur Thomas Sopwith. les Anglais du Yacht Club of Squadron décident de redoubler d'efforts et font construire Endeavour, d'une longueur de 39 m pour 143 tonnes de déplacement.
Le voilier est bien né. Le duel face aux Américains de Rainbow s'annonce féroce. Le defender Americain dispose d'un Class J plus lourd et moins véloce sur les phases de départ. Ses œuvres vives ont la particularité d'être des feuilles de bronze rivetées sur membrures en acier. Endeavour remporte les deux premières confrontations. Mais des problématiques financières mettent à mal la confiance de l'équipage Anglais, et une partie quitte le bord à partir de la troisième régate. Les déserteurs seront remplacés par des équipiers passionnés, mais néanmoins amateurs. Face à un équipage Anglais disparate et manquant d'entraînement, l'Américain s'impose sur les quatre régates suivantes et remporte cette 15e édition.
De fait de la conception particulière des œuvres vives, Rainbow se révèle être une masse d'électrolyse et devra être ferraillé en 1940.
1937 : la dernière édition sur Class J
Pour cette 16 édition, le challenger Anglais exploite la jauge dans ses derniers retranchements. L'architecte britannique Charles Nicholson conçoit Endeavour II, avec une longueur au maximum autorisé, soit 41,40 m.
Dans le camp Americain, Harold S. Vanderbilt finance une coûteuse campagne d'essais en bassin de carène. Supervisée par l'architecte Oli Stephens, la constrution du defender Ranger aura lieu au chantier Bath Iron Works dans le Maine. Harold S. Vanderbilt remporte sa troisième coupe d'affilée et rejoint ainsi Charlie Barr au rang des triples vainqueurs de la Coupe.
De nombreuses innovations encore présentes aujourd'hui
Les nombreuses innovations testées sur les Class J sont toujours d'actualité et on retrouve certaines d'entre elles sur nos voiliers contemporains :
- haubanage en tige rod profilée
- gorge de bôme et gorge de mât qui remplacent les anneaux en bois
- la multiplication des étages de barre de flèche pour assurer un meilleur maintien au mât
- instrumentation électronique, notamment la girouette-anémomètre
- bôme large « Park Avenue »
- mât en aluminium et normalisation des génois sur les grands voiliers
Que sont devenus les Class J ?
La seconde guerre mondiale a mis fin aux Class J sur la Coupe de l'America. Ils ne sont que trois à avoir survécu au conflit. Les autres ont été dépouillé de leur plomb pour participer à l'effort de guerre. Après la guerre, les Class J, jugés trop coûteux, laissent place aux 12m JI sur la Coupe.
Mais une poignée de skipper fortunés ont décidé de redonner vie à ces géants et ont lancé de coûteux chantiers de restauration dans les années 2000. Du fait qu'ils devaient traverser l'Atlantique pour se rendre sur le site de régates, les Class J britanniques étaient mieux construits que leur homologues américains, et ont moins souffert des outrages du temps.
Shamrock V et Endeavour ont ainsi été sauvés des vasières dans lesquelles ils croupissaient. Les Class J qui avaient disparu ont fait l'objet de répliques qui ont conservés les mensurations d'origine. A ce jour, neuf Class J continuent de s'affronter sur un circuit mondial.
Ils n'ont rien perdu de leur démesure et continuent de faire tourner les têtes. Eric Tabarly avouait « qu'en matière de bateaux, je n'ai jamais rien vu d'aussi beau ». Personne ne l'a jamais contredit.