Quelle a été votre réaction quand vous avez su que votre fils Fabrice partirait faire son deuxième Vendée Globe en 2020 ?
1re chose: j'ai été enthousiasmé de savoir que Fabrice avait le financement nécessaire pour participer de nouveau au Vendée Globe et que ses sponsors aient maintenu leurs engagements malgré la situation économique que nous traversons. J'ai fait il y a 2 ans, le départ de la Route du Rhum avec toute l'équipe Newrest - Art & Fenêtres et j'ai été impressionné de toute l'émulation que cela génère. Fabrice arrive à partager son enthousiasme et amener les sponsors et le public avec lui. Je trouve cela formidable.
2e point: Quand j'ai appris qu'il partait pour un tour du monde avec un bon bateau, la première génération de foil, le sistership de celui de la Banque Populaire avec lequel Armel Le Cléac'h a remporté le Vendée Globe en 2016, j'étais ravi.
En tant que père, je suis partagé entre la joie, un peu de fierté quand même et une certaine inquiétude. La joie de le voir vivre une aventure extraordinaire et de le faire en bon marin (valeurs que je lui ai transmises) et l'inquiétude de la casse, qu'il n'arrive pas à boucler son tour du monde connaissant l'implication totale qu'il y met.
Quels sont ses atouts et ses faiblesses ?
Il a quitté son métier de journaliste en 2015, pour se consacrer à la voile. Il n'a pas le même parcours que certains navigateurs, il a fait une maitrise de philosophie puis des études à Sciences Po, mais il joue le jeu à fond et est très impliqué. Son état d'esprit pour le Vendée Globe c'est soit ça se gagne soit ça se finit, pas d'autres options !
Je le connais bien, en tant que père, mais aussi en tant que marin, d'ailleurs il me considère plus comme son grand frère que son père ! Nous avons beaucoup navigué ensemble depuis l'âge de ses 3 ans et jusqu'en 2010. Nous avons participé à de nombreuses courses notamment le Spi Ouest-France ou encore la Fastnet. Je sais qu'il est très bon quand il y a de la mer et que les conditions sont difficiles. Il a un très bon mental dans ses conditions.
En revanche, quand il y a pétole, c'est sa faiblesse. Il est capable de ne pas prendre la bonne décision ou d'avoir une perte de moral. Je me souviens lors de l'édition du Vendée Globe en 2016, il y a eu une panne de vent dans le Pacifique, il était démoralisé, il était pris dans une bulle de 200 milles. Il m'a donc appelé, je l'ai laissé parler, on a échangé et il a retrouvé l'énergie nécessaire pour finir son tour du monde.
Il n'est pas bricoleur non plus, mais fera tout pour réparer et y arriver. C'est ce qu'il vient de se passer mercredi 11 novembre, après de fortes rafales allant jusqu'à 42 nœuds: sa tige de vérin de pilote automatique est tombée et un fil électrique s'est arraché ne lui donnant plus accès aux informations sur son ordinateur. Il a réussi à tout réparer. Il a une bonne capacité à rebondir et sait également très bien communiquer, il réussit à partager l'aventure avec de nombreuses personnes.
Comment vivez-vous cette édition par rapport à la précédente ?
Nous avions prévu de louer une vedette et de l'accompagner le long du chenal avec toute la famille, mais cela a dû être annulé à cause des conditions sanitaires. Je me doutais qu'un départ en vase clos avait dû l'impacter, mais j'ai vraiment mesuré l'importance du soutien et des supporters quand il est reparti des Sables-d'Olonne dans la nuit du mardi 10 novembre. Il a été reboosté grâce aux applaudissements et le soutient qu'il a reçu, ça s'est vraiment ressenti dans sa communication.
De mon côté, je vis la course autant que lui, sauf que je suis dans mon fauteuil ! Je vérifie le classement 4 fois par jour, une fois par jour je fais un point météo avec mon logiciel Adrena (le même qu'il utilise) et je m'amuse à faire un routage. Ce jeudi 12 novembre matin, après la tempête, il s'est retrouvé dans une bulle et dans ce cas-là je suis vraiment de près ce qu'il fait, car je sais que c'est sa faiblesse... Même si je ne peux pas échanger avec lui pour lui donner des conseils - d'ailleurs je serais de mauvais conseils, c'est lui qui est en mer - je regarde de près ses décisions.
Pensez-vous qu'il va réussir à terminer son tour du monde ?
Je lui souhaite d'arriver à réaliser ses « 3 missions » :
- Celle de la performance et du dépassement de soi, qui est encore réalisable, car malgré son retour aux Sables d'Olonne, il n'a pris que 53 heures de retard !
- Celle du partage, il est notamment engagé via un programme pédagogique « Cétacé! L'océan boit la tasse ». 60 000 élèves du CM1 à la 5e le suivent actuellement sur le Vendée Globe via un livret et une plateforme digitale permettant de sensibiliser les enfants à la préservation des océans.
- Et enfin, sa mission scientifique, car il est parti faire des relevés pour la science. Son bateau a été équipé d'un capteur océanographique mesurant la salinité, la température, le CO2. Il a été également équipé d'un capteur qui va filtrer les micro-plastiques. Il va donc tous les jours changer les filtres et permettre de partager des données qui n'existent pas encore dans le Grand Sud. Je suis vraiment impressionné par son engagement réel pour faire bouger les choses.