Mariquita, le dernier des 19MJI star des circuits méditerranéens

© Michel le Coz

Construit en 1911 par le grand William Fife III, Mariquita - "coccinelle" en espagnol - est un cotre de 38 m de long de la classe des 19MJI. Il est d'ailleurs le dernier représentant encore en navigation de cette classe qui périclita après-guerre. Battant pendant longtemps pavillon britannique, le voilier vient d'être racheté par un français.

La star des plans d'eau de 1911 à 1913

Mariquita est l'une des figures emblématiques des régates classiques méditerranéennes. Ce cotre à corne de 38,1 m de long est le dernier voilier de classe 19MJI encore en navigation. Son histoire commence en 1910, lorsque le capitaine Arthur K. Stothert, industriel originaire de Glasgow, déjà propriétaire d'un 15MJI, commandé trois ans auparavant.

Grand régatier à son époque, il apprend le lancement d'une nouvelle classe de voiliers, baptisées 19MJI, qui seront d'ailleurs les ancêtres des Class J qui régateront dès les années 30 sur la Coupe de l'America. Bien décidé à se faire construire un bateau, il se rapproche du célèbre architecte écossais William Fife III pour le dessin des plans.

Ce choix est motivé par plusieurs raisons. D'abord, Willima Fife III est le père de Mariska, cotre aurique qui a remporté toutes les courses de son époque. Enfin, l'architecte finalise la construction de Corona (son nom rend hommage au couronnement du roi Georges V), selon des plans qu'il a lui-même dessinés.

Mariquita, dont le plan de voilure est de près de 573 m2, voit le jour en 1911 sous le numéro de construction 595. Son nom signifie "coccinelle" en espagnol.

De 1911 à 1913, le cotre prend le départ de 69 courses dans la catégorie reine des grands voiliers de course, aux côtés de ses semblables : Corona, mais aussi Octavia (conçu par Alfred Mylne) et Narada (conçu par Charles Ernest Nicholson). Il remportera 35 victoires. La guerre signera d'ailleurs la fin des 19MJI.

Mariquita arrive à Brest © Michel Le Coz
Mariquita arrive à Brest © Michel Le Coz

Un voilier de course transformé en habitation flottante

Mais bientôt, la Première Guerre mondiale se profile et Mariquita est revendu en 1915 au norvégien Finn Buge. Le pays est neutre pendant la guerre et le bateau est convoyé dans un fjord, où il restera 5 ans les eaux scandinaves, rebaptisé Maud IV.

Après la guerre, le voilier retrouvera son pavillon britannique d'origine et son nom, racheté par Sir Edward Life et Allan Messer et participera à plusieurs régates côtières.

Dans les années 30, Mariquita est complètement démembrée par une entreprise de transports fluviaux. Le bateau est démâté et sa quille de plomb de 36 m retirée. Il est ensuite revendu comme "house boat" pendant près de 60 ans, sur la côte du Suffolk.

Arrivée à Brest © Kaori
Arrivée à Brest © Kaori

Un refit pour lui redonner sa splendeur d'antan

En 1987, il est retrouvé dans une vasière de Pin Mill par le Dr William Collier. Après six mois de discussions avec le propriétaire, Albert Obrist et Peter Livanos, grands collectionneurs de Ferrari, en font l'acquisition.

En 1991, le voilier est rapatrié sur le chantier Fairlie Restoration à Port Hamble, créé par Obrist. Mais il devra attendre 10 ans avant d'être restauré dans une version la plus proche de l'originale. Pendant trois ans – de 2001 à 2004 – le bateau subit un refit complet : membrures en acier recouvert de bordés en acajou d'Afrique de 2,5 cm d'épaisseur, fixations structurelles en nickel aluminium bronze, pont en teck clouté sur des panneaux en contreplaqué de 80 mm…

L'intérieur aussi reste fidèle aux plans de l'époque, avec des plafonds ouverts laissant les structures apparentes, pour gagner en poids. Le carré principal est aménagé d'un salon, d'une table à manger, d'un bureau et d'un canapé. Un passage à l'arrière mène aux cabines principales, une cabine simple à bâbord et tribord. Sur l'arrière, la cabine double possède un accès direct au cockpit.

Pavillon français pour Mariquita © Kaori
Pavillon français pour Mariquita © Kaori

À l'avant de la salle à manger, l'hébergement permet de loger jusqu'à 7 membres d'équipage, le skipper possédant sa propre cabine. La cuisine a conservé son style du 20e siècle, mais a été entièrement repensée pour pouvoir préparer à manger pour les 16 à 18 équipiers, nécessaires pour faire avancer le bateau. Les seules touches de modernité concernent la salle de bain où une douche a remplacé la baignoire encastrée et l'ajout d'un moteur Yanmar de 315 CH, qui facilite les entrées et sorties du port.

Mariquita retrouve la mer en 2005, mais son propriétaire Peter Livanos est peu actif sur le circuit des régates classiques. Le voilier est racheté par un collectif d'hommes d'affaires londoniens puis remis en vente pour un prix estimé à plus d'un million d'euros.

Arrivée à Brest © Kaori
Arrivée à Brest © Kaori

Une nouvelle vie sous pavillon français pour cette vieille dame de 109 ans

Depuis le 10 septembre 2020, ce voilier vainqueur de la Monaco Classic Week, des Régates Royales de Cannes et des Voiles de Saint-Tropez et lauréat du Big Boat Panerai Trophy en 2014, mais aussi détenteur de nombreux prix d'élégance arbore un pavillon français. Racheté par français, Benoit Couturier, Mariquita séjourne désormais dans le port de Brest, et entrera prochainement dans le chantier du Guip pour y subir quelques modifications.

Si son nouveau propriétaire n'est pas plaisancier, il compte monter un équipage pour participer au circuit de régates.

Yann Mauffret, Chantier du Guip, et Benoit Couturier © Kaori
Yann Mauffret, Chantier du Guip, et Benoit Couturier © Kaori
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