Incroyable histoire que celle de Marc. Si vous êtes pressé ne lui demandez pas de raconter sa vie ou plutôt ses vies, il en a eu tellement que cela prend du temps, beaucoup de temps. Et c'est pourtant ce chemin de vie qui l'amène aujourd'hui à naviguer sur son First Class 8 en direction de l'Inde…
Oui, sur un Class 8 ! Ce petit monotype dessiné par Faurroux et Finot et construit par Bénéteau dans les années 1980, prévu pour régater entre 3 bouées au ras des côtes. Celui de Marc date de 1983. Quand il le rachète, en avril 2016 pour 2 500 €, celui-ci est en configuration régate. Marc alors moniteur de voile veut justement s'en servir de support pour entrainer des jeunes, offrir à ces nouveaux pratiquants l'aide qu'il aurait justement aimé trouver dans sa jeunesse.
La synthèse de l'histoire d'une vie
Mais n'allez pas croire que Marc qui affiche aujourd'hui 55 ans est un grand marin. En effet, ce pilote professionnel d'hélicoptère franco-suisse qui a fait sa carrière entre militaires et grandes entreprises a découvert la voile en 2014, seulement 6 ans auparavant…
Ce nouveau changement de vie, son départ en voilier, est dû à une visite en Inde en 2010. Après 30 ans d'arts martiaux, il découvre le plaisir de danser, de danser les danses traditionnelles indiennes. Il entreprend alors de faire carrière dans ce domaine, mais Pole Emploi ne l'entend pas de cette oreille et mystère de l'administration française, le redirige vers une formation de skipper, lui qui n'a fait qu'un peu de planche à voile étant jeune (même s'il a repris depuis son installation à Fos-sur-Mer) !
Devenu formateur pour MACIF Centre de Voile au printemps 2018, le COVID vient en mars 2020 gâcher tous ses espoirs. Tous les stages sont reportés pendant un an. Alors confiné dans son Class 8 amarré à Martigues, Marc réfléchit. Il se réveille un matin début juin en ayant trouvé la solution. Puisqu'il se voit danseur dans des comédies musicales de Bollywood pourquoi ne pas aller en Inde ? Et puisqu'il n'a plus d'emploi (ni de moyen), mais seulement son bateau, pourquoi ne pas prendre la route avec celui-ci ?
Un Class 8 adapté pour la croisière
Faute de trouver des équipages pour régater avec le Class 8, Marc avait commencé à l'équiper pour la croisière depuis 2 ans en vue de partir découvrir la Corse. En ce matin de juin, le voilier est presque prêt pour le départ. Il ne lui manque qu'un avitaillement et un plein d'essence pour gagner le large. C'est donc un mois plus tard, le 7 juillet 2020 qu'il quitte Martigues (13) direction Mumbai en Inde. Devant lui 6500 milles à parcourir…
Tout sauf une folie
Ne pensez pas que Marc est un fou qui se lance sur ce parcours sur un bateau trop petit (8,50 m hors-tout) pas du tout prévu pour le solitaire et encore moins pour le hauturier. Marc est tout sauf un inconscient, au contraire. Cet homme à justement basé toute sa carrière sur la prévention de risques. Depuis 30 ans, son métier consiste à la formation sécuritaire. Alors cette fois, il applique ses règles pour lui-même, évitant les risques, testant des solutions.
Un voyage à moindre coût
Toute la démarche de son voyage tient dans le mot "minima". Il veut démontrer que c'est possible sur un petit voilier, à moindre coût et réglementairement. Pour son bateau, il applique strictement la réglementation. Le Class 8 Attitude est armé en catégorie hauturier avec un radeau 4 places, une VHF fixe et une portable, une balise EPIRB et tout le matériel définit par la Division 240.
Pour sa propre sécurité, le marin navigue avec un harnais (parfois un gilet de sauvetage) toujours relié à son bateau par une longe. Sur le harnais sont fixées une VHF portable ASN et une balise de détresse PLB.
Le gros travail de préparation du bateau a consisté à l'équiper avec un réseau électrique complet (et marinisé), dont 2 batteries dont les circuits sont indépendants. Celles-ci sont rechargées par 2 panneaux solaires rigides installés à l'arrière et orientables. Pour ce voyage en solitaire, Marc est accompagné de son plus fidèle compagnon de route : son pilote automatique. Un Raymarine EV100 beaucoup plus solide que les pilotes barre franche (mais aussi plus cher). Pour être bien vu, le voilier est équipé d'un AIS qui diffuse sa position en temps réel. Enfin, seule concession au confort, un réfrigérateur électrique de 40 litres lui permet d'avoir un peu de frais (surtout pour les boissons). Au total, l'achat de ces équipements lui sera revenu à 5000 €.
Un plan de pont fidèle à l'origine
Sur le pont, le Class 8 n'a pas changé. Il est toujours en configuration régate avec un double étai creux et ses 5 voiles d'avant (génois, inter, foc de route, foc 2 et tourmentin) qu'il faut aller changer sur la plage avant. Le spi symétrique et aussi présent et la grand-voile est équipé de 3 ris. Côté accastillage, peu de choses ont changé et les bastaques sont toujours présentes pour tenir ce mât spaghetti.
Un voilier qui manque de raideur
Le Class 8 est un monotype dessiné pour naviguer avec un équipage de 5 à 6 personnes, soit plus de 500 kilos au rappel. Et pour bien marcher, ce bateau nécessite ce poids bien placé. Marc a vite compris qu'il faut respecter les lignes d'eau du voilier. Celui-ci ne doit pas trop piquer ni trop cabrer. Trop piquer (trop de poids sur l'avant) et il devient dangereux, trop cabré (trop de poids sur l'arrière) et il traine de l'eau et ralenti.
À voir le chargement intérieur, on a l'impression de Marc vit dans un joyeux foutoir dont le chargement a été fait à la hâte. N'en croyez rien, car tous les poids lourds (batteries, mouillage, nourriture, frigo et eau (60 l), essence (50 l), trousse à outils… sont concentrés de chaque côté du puits de dérive, au centre du bateau. Seul le radeau est dans le cockpit (pour rester accessible), mais justement Marc le déplace vers l'avant ou l'arrière pour avec son poids en plus, trouver la bonne assiette. Même s'il n'est pas en régate, Marc aime que son bateau marche bien. Il a même réussi à tenir plus de 100 milles/jour sur 5 jours : pas mal pour un petit voilier de moins de 8 m de longueur de coque !
À la recherche d'une météo adaptée
Justement si Marc arrive à tenir de belle moyenne en navigation, c'est qu'il s'impose de naviguer dans des conditions clémentes, idéalement avec 10 à 15 nœuds de vent. S'il voit des fichiers météo qui indiquent plus de 25 nœuds, il n'y va pas. Il se limite aussi à 2 m de creux pour ne pas rencontrer de mer forte. Dans ces conditions de vent et de mer, le Class 8, malgré sa surcharge, il reste bon marcheur (il a été pesé au départ à 2045 kg, soit 150 kg de plus que le bateau en configuration régate avec un équipage de 6 personnes).
Même si Marc est conscient que le Class 8 n'est pas un bateau prévu pour un tel périple, en revanche il choisit la bonne fenêtre météo pour que celui-ci se déroule au mieux. Le plus souvent, il étudie des étapes avec des traversées courtes, toujours sous couvert d'une bonne météo.
Déjà 1500 milles derrière lui
Quand nous avons joint Marc, celui-ci était déjà arrivé au sud du Péloponnèse (Grèce). La première partie du voyage s'est déroulée sans souci, plus rapidement que prévu puisqu'à l'arrivée en Grèce, le navigateur avait un mois d'avance sur son planning ! Après avoir étudié toutes les routes possibles depuis son port de départ de Martigues (en longeant l'Espagne, en longeant l'Italie, en passant par le Corse et la Sardaigne…), il a fini par couper directement en Sardaigne (245 M en 3 jours) puis du sud de la Sardaigne à rejoindre la Tunisie. De là il a fait le grand saut vers la Grèce, poussé par un bon vent sans faire de halte à Malte. 5 jours au travers tout dessus. Un beau souvenir pour le marin qui arrive le 30 juillet 2020 en Grèce.
L'aventure continue
Avec l'avance prise, Marc veut prendre un peu de temps en Grèce en grenouillant vers la Crète, puis de la pointe est rejoindre directement l'Égypte. Bien encadré par les différentes marines des pays traversés (ses anciennes relations militaires lui servent aujourd'hui), il continue sa route avec pour objectif de se présenter devant l'entrée du Canal de Suez fin septembre. Il espère ainsi échapper aux très fortes chaleurs de la mer rouge.
Pour l'instant, toujours en Europe, Marc considère que le voyage n'a pas vraiment commencé. La vraie aventure est devant son étrave… Nous continuerons à vous donner de ses nouvelles au fur et à mesure de l'avancée de cette incroyable aventure.