Dans cet épisode 4, Dominique continue son récit de la découverte de l'Antarctique. Après quelques mouillages au nord de la péninsule, voilà le voilier qui descend plus vers le sud rencontrant désormais de gros blocs de glace qui parfois bloquent la route.
Après la réparation du guindeau de nouveau opérationnel, nous mettons le cap sur Portal Point, un très bel ancrage à quelques milles d'Enterprise.
La particularité de cet ancrage est qu'il est fermé d'une moraine qui arrête les gros icebergs à la dérive, offrant ainsi une aire sure pour le mouillage. Seule une passe étroite et peu profonde dans la moraine permet à une petite embarcation comme notre voilier de se glisser dans la zone protégée. Pour l'emprunter, il faut, comme dans les atolls du Pacifique Sud, hisser un équipier dans la mâture pour distinguer la passe dans les eaux claires.
Après quelques jours à Portal Point, nous prenons le chemin de la base chilienne Videla, à une trentaine de milles par le passage Cuverville. Nous rencontrons en chemin beaucoup de glaces dérivantes et une vigie permanente est indispensable pour guider le barreur. Beaucoup de baleines croisent paisiblement dans ce passage.
Des icebergs qui entrainent le mouillage
Le mouillage à Videla se fait de nouveau sur 4 longues amarres frappées sur des rochers à terre à l'aide de câbles d'acier. Le gros problème est que les courants de marée, associés aux vents rapidement changeants, font dériver de gros morceaux de glace – dépassant de beaucoup les 20 tonnes de notre voilier – qui viennent se prendre dans les amarres et menacent de tout emporter du seul fait de leur inertie.
Nous passons ainsi une bonne partie de la nuit à faire passer les blocs de glace sous les amarres, une fois dans un sens, une fois dans l'autre.
Même à 6 à bord, la nuit est courte, car lorsque l'équipier de quart sonne l'alarme, il faut vite s'habiller, se chausser, endosser son gilet de sauvetage et embarquer dans l'annexe pour faire passer les glaces, ou larguer les amarres et les refrapper une fois la glace passée.
La menace écartée pour quelque temps, nous allons saluer à terre la petite équipe chilienne très accueillante qui assure la présence sur la base de décembre à fin février. Leurs installations confortables sont entourées de milliers de manchots qui élisent domicile sur cet îlot rocheux pendant les 3 mois d'été pour y pondre leurs œufs, les couver et finalement migrer avec leur progéniture sous des latitudes plus clémentes avant les grands frimas de l'hiver. Le niveau sonore d'une "roquerie" - et sa pestilence - est étonnant, mais on finit par s'y habituer tant ces animaux sont sympathiques. Il y a même à Videla l'un des rares manchots "leucystique" connu. Et puis il y a aussi de gros éléphants de mer qui parfois s'installent confortablement dans le gros Zodiac de la base remisé à terre. Pas question de les en chasser : ils sont bien trop gros, et leur mâchoire trop impressionnante !
Des gilets de sauvetage qui ne servent à rien !
Alors que nous foulons le sol de Videla, un petit objet non identifié se détache de la brassière de sauvetage de Carole. "Voyons Carole", s'écrit le capitaine, "tu perds ta cartouche de gonflage !". Sur notre propre bateau, nous sommes fidèles aux gilets de sauvetage "à l'ancienne" en mousse - sans cartouche à remplacer régulièrement ou sujet à un mauvais fonctionnement imprévisible. En enfilant les gilets autogonflants du bord pour cette croisière en Antarctique, nous n'avons pas eu l'idée de les passer en revue. C'est une erreur ! Car en les observant de plus près, nous constatons que presque tous les gilets de sauvetage utilisés jusqu'à maintenant présentent le même problème : la cartouche de CO2 qui permet de gonfler le gilet quand elle est percutée, ne tient pas sur le percuteur. Ce n'est tout simplement pas le bon modèle de cartouche.
Cela fait donc maintenant plus de 15 jours que nous portons scrupuleusement nos gilets de sauvetage, tant pendant les manœuvres en haute mer, que lors des manœuvres de mouillage où il faut rapidement frapper des amarres à terre (et pendant lesquelles on a vite fait de se retrouver à l'eau), ou simplement lorsque nous nous déplaçons en annexe. Et nous constatons par hasard que nos gilets de sauvetage sont parfaitement inutiles ! Dans des eaux proches de 0 degré, ces gilets sont indispensables, car la syncope, en cas de chute à la mer, est très rapide et seul le maintien hors de l'eau de la victime permettra sa récupération par le reste de l'équipage. De retour à bord, le capitaine passe le reste de la journée à réunir tous les gilets en stock pour en rendre 6 fonctionnels. Les autres sont mis au rebut.
À suivre…