Après avoir traversé le Drake qui donne accès à l'Antarctique, dans cet épisode 3/8 Dominique continue de nous partager son journal de bord. Après un premier mouillage à Hanna Point et la rencontre des premiers manchots, c'est une nature toujours plus belle qui se livre à l'équipage.
Premiers pieds en Antarctique
Après Hanna Point, notre prochaine escale est l'île de Déception, un vaste cratère volcanique dont un pan s'est affaissé, libérant un étroit passage par lequel les bateaux peuvent pénétrer pour y trouver refuge.
Il fait très beau, très calme. Les températures sont clémentes, incitant à faire de grandes balades à terre. Nous assurons le bateau sur 4 longues amarres fixées au moyen de câbles sur des roches alentour.
Nous allons explorer les ruines d'une station baleinière britannique, Whaler Bay, fermée au début du XXe siècle et y croisons notre premier léopard des mers, un gros phoque à la tête de reptile, un redoutable croqueur de pingouins et autres cibles qui se présentent dans sa proximité immédiate.
Pas de radar et un AIS hésitant
Nous amorçons bientôt notre descente vers la péninsule. À cause des glaces, nous ne pouvons nous déplacer que de jour. Et même certains jours, notre progression est limitée par les brumes qui peuvent devenir très denses, occultant toute visibilité. Ces jours-là, le radar (hélas toujours HS) serait fort utile... Sur l'AIS, nous voyons aussi apparaître les premiers paquebots de touristes qui sillonnent ces eaux. Ils sont nombreux et nous ne les voyons apparaître sur l'AIS que quand ils sont à moins de 2 milles de notre embarcation. Visiblement la portée de notre VHF – et de l'AIS – est très faible. Une portée anormale, car la portée d'un AIS dépasse normalement les 20 milles sur un plan d'eau dégagé. Et avec la brume, on ne devine même pas ces paquebots à un mille.
Des quarts de nuit au mouillage
Nous finissons par atteindre l'ancrage au sud de l'île Trinity à la fin du jour. L'ancrage est précaire : 18 m de fond sur l'étrave, 41 m en poupe. Et avec nos 50 m de chaîne à bord, la tenue sera difficile. Alors que la nuit descend, nous tenons tout juste crochetés sur le flanc d'une falaise sous-marine, à une encablure à peine de la côte rocheuse. Des quarts d'ancrage s'imposent donc. La nuit est relativement calme et nous tenons. Le lendemain matin, il est grand temps de quitter ce mauvais mouillage avant que le vent ne se lève. Mais le guindeau ne fonctionne plus !
Un guindeau qui fonctionne à coup de marteau
Depuis notre départ de Puerto Williams, j'étais intrigué par le fait qu'à chaque remontée du mouillage, le capitaine ou ses équipiers s'arment d'un lourd marteau et frappent le gros guindeau de 2200 W de manière répétitive : 2 m de chaîne – pan ! – 2 m de chaîne – pan ! "Ce sont les charbons qui collent !", nous indique le capitaine. Son équipier nous confirme que depuis 2 ans, c'est ainsi que l'on procède pour remonter l'ancre sur ce voilier. Les marques profondes du marteau sur le carter du guindeau sont là pour en attester. Mais ce matin, peine perdue : ils ont beau taper à bras raccourcis sur le guindeau, il ne veut plus rien savoir. C'est donc au winch de génois que nous devons remonter 50 m de chaîne de 12 mm et une ancre de 30 kg. Par sections de 3 m, il nous faut 4 heures, en nous relayant à 6, en forçant lourdement sur le winch. Heureusement Neptune est avec nous : le vent ne se lève pas davantage.
À couple d'une épave
Le capitaine dispose d'un moteur de rechange pour le guindeau. Mais pour le changer, une opération qui va prendre un certain temps, il nous faut un mouillage sûr. Cela tombe bien, car le prochain : "Enterprise Island", se fait à couple d'une épave de baleinière, le Governoren qui a brulé en 1915 dans une petite baie. Nous y retrouvons 2 bateaux connus : le catamaran autrichien Vineka (un des 3 catamarans répertoriés pour naviguer dans cette partie du monde), et le voilier de charter Santa Maria Australis. La petite baie est très protégée, même si les lourdes corniches de glace qui surplombent le mouillage sont très impressionnantes.
À terre, quelques barques en bois, en remarquable état de conservation, abandonnées par les baleiniers, rappellent ces jours anciens où les baleines n'étaient perçues que comme de gros réservoirs d'huile pour éclairer la ville de Londres.
Alors que la réparation du guindeau va bon train à bord, nous sommes confrontés à nos premiers visiteurs d'un bateau de croisière qui relâche devant le mouillage. Dans leurs gros semi-rigides d'expédition, tout vêtus de rouge et tous armés de lourds téléobjectifs (nous les surnommons les "pingouins rouges"), ils viennent nous prendre en photo sous tous les angles, parfois à seulement quelques mètres de distance. Nous devons faire figure d'aventuriers de temps modernes !
Le câblage du guindeau trop faible
À la dépose du moteur du guindeau, le diagnostic est rapide : le câblage électrique qui alimente le moteur est sous-dimensionné pour un moteur de 2200 W. Le surampérage qui en résulte brûle les charbons et/ou le bobinage. Aussi longtemps que ce câblage ne sera pas proprement dimensionné, ce ne sera donc que partie remise avant la prochaine défaillance. Pour l'instant le guindeau est à nouveau fonctionnel.
A suivre...