Ce 6e épisode de la traversée de Suhaili me rappelle que lors de mes premières navigations hauturières, je rêvais de me nourrir de ce que la mer me donnerait. Je vous réponds tout de suite : je n'y suis jamais parvenue. Heureusement d'ailleurs que je n'y ai pas cru au point de négliger l'avitaillement de mon bateau.
Pour autant, avec un peu d'anticipation ; il est possible de compléter de manière substantielle les réserves du bord en pêchant à la traîne. Voici brossé à grands traits les principes que vous pouvez suivre pour y parvenir.
Un montage simple et accessible financièrement
Inutile de vous encombrer d'un moulinet de pêche au gros si vous n'êtes pas un passionné. Une ligne de traîne déjà montée vous coûtera environ 20 € en 2020 dans un magasin approprié. Quant aux leurres, vous trouverez des tonnes de tutos en vidéo sur Internet où apprendre à les fabriquer avec 3 bouts de ficelle et un peu de créativité.
Se trouver au bon endroit au bon moment
Les meilleures prises, je les ai toutes faites peu après le lever du jour. Dans le Golfe de Gascogne la « marche » du plateau continental réserve souvent de bonnes surprises. Il s'agit donc de cette zone où les fonds abyssaux remontent brutalement de plusieurs milliers de mètres de profondeur à quelques centaines de mètres.
Dans l'Océan Pacifique, sur la route des Alizés, à deux journées de mer du continent sud-américain ma ligne n'a jamais cessé de se tendre. Ce qui m'amène au point suivant : la surveillance de la ligne.
Surveiller la ligne
Sans moulinet qui se dévide, vous « n'entendrez pas » le poisson tirer sur l'hameçon. Par défaut d'attention, dans le Pacifique, des requins ont dévoré mes prises, emportant une bonne partie de ma ligne avec eux. Après 3 semaines de mer, faute de crin, j'en étais réduite à pêcher avec de la garcette.
Entretemps j'ai mis au point divers systèmes d'alerte à base de brins de laine que je nouais entre deux-points détendus de la ligne. Si les brins de laine étaient cassés, je savais qu'il y avait eu une tension excessive dans la ligne. J'ai également fabriqué des amortisseurs à base de chambre à air pour éviter la rupture de la ligne au moment où le poisson s'accroche au leurre.
Soyez attentifs aux oiseaux. Ils ne sont pas si nombreux au large. Si vous en repérez volant obstinément dans votre sillage, c'est probablement par intérêt pour le poisson que vous traînez derrière vous.
Remonter le poisson sans le perdre
Vous voyez le reflet de ses belles couleurs sous l'eau, encore un effort et il sera dans la jupe de votre voilier, totalement à votre merci. À vous les filets crus relevés de citron vert ! Pas tout à fait cependant, car le risque de le voir vous échapper au dernier moment est bien réel. Plus ils sont lourds, plus les poissons du large sont puissants et plus ils se débattent avec force. Pour éviter un carnage ou simplement de le perdre, vous avez au moins deux solutions. La première est de s'équiper d'un crochet conséquent placé au bout d'une perche. La seconde est de laisser glisser un bout muni d'un nœud coulant autour du poisson et de le sortir de l'eau par la queue. Vous pourrez alors le suspendre au balcon arrière et l'achever rapidement sans craindre ses sursauts.
Il ne vous reste plus qu'à tirer les filets, cuisiner, déguster et s'il est vraiment gros, le mettre en conserve.