Comme tous les ans depuis 5 ans, nous avons décidé de retourner à bord pour préparer notre saison de navigation pour l'année 2020. Les dates sont toujours plus ou moins fixes. Le retour sur notre bateau se fait vers la mi-mars pour nous laisser le temps de réaliser tous les entretiens et les réparations avant la date de mise à l'eau vers la mi-avril. Notre voilier est un Sun Odyssey 50 de 2009 qui nous procure beaucoup de plaisir depuis 2014, date où nous l'avons acheté d'occasion.
Des indices avant la découverte
C'est donc le 12 mars 2020 que nous embarquons vers la Grèce pour rejoindre Préveza (mer Ionienne) où trois grands chantiers accueillent près de 2000 bateaux pour l'hivernage au sec. Vers 17 h, nous montons à bord de notre bateau et constatons que la girouette Windex de tête de mât est cassée. Des débris trainent sur le pont arrière. Je pense que des mouettes ont dû la détruire et ne m'inquiète guère. On pénètre dans le bateau et nous commençons par retrancher les batteries et vérifier si le bateau a bien passé l'hiver. Tout de suite, nous remarquons que l'éclairage intérieur ne marche pas. On regarde le tableau électrique pour vérifier les fusibles et sentons alors une odeur de brulé. Je débranche immédiatement les batteries et constate que des fusibles du tableau électrique ont littéralement explosé. À ce moment, je n'ai plus de doutes : le bateau a été frappé par la foudre.
Le mât le plus haut ?
Notre voilier est stocké au sec au milieu de beaucoup d'autres. Pourquoi la foudre a-t-il choisi le nôtre ? Il a sans doute le mât parmi les plus hauts, ajouté en plus à un grand tirant d'eau qui le rehausse d'autant. Mais la différence de hauteur ne doit pas être vraiment énorme avec nos voisins. Nous sommes aussi en bordure du chantier, juste devant une grande étendue plane. Cela a-t-il joué ?
De découverte en déconvenue
La saison commence mal. En débranchant certains câbles du tableau électronique, nous arrivons à rebrancher les batteries sans que l'odeur de brulé ne recommence. On arrive même à voir un peu d'éclairage sur les côtés ce qui est fort utile. Je mesure le voltage du parc principal des batteries qui n'affiche que 12,6 volts, ce qui est faible étant donné que les panneaux solaires devraient charger en permanence. Le circuit 220 volts, lui, semble bien marcher et c'est avec ce premier état des lieux que nous décidons de diner et de nous coucher. Le lendemain, on commence à faire l'inventaire de ce qui a été touché pour prévenir l'assurance.
Une tête de mât décapitée
On commence par le mât où je découvre que l'antenne VHF a totalement disparu. Le feu de route et de mouillage Mantagua a totalement fondu… En bas, l'électronique du bord ne marche plus, mais difficile à dire si cela vient du tableau d'alimentation ou bien si les appareils ont été atteints. On tente quelques branchements directs, mais hélas peu d'appareils semblent réagir une fois branchés.
La VHF ne s'allume plus. Pourtant j'avais pris la précaution de débrancher l'antenne avant l'hiver. L'AIS s'allume, mais affiche un message me signalant qu'il n'arrive pas à acquérir une position GPS. Le contrôleur de batteries est mort, ainsi que le Navtex. Pour ce qui est des instruments de navigation, il est impossible de vérifier s'ils fonctionnent, car l'interrupteur de commande au tableau est grillé. Par chance notre traceur de cartes n'est probablement pas atteint, car il avait été déconnecté pour l'hiver.
La bonne nouvelle parmi ces catastrophes est que le frigo marche, ce qui est important pour ma santé, car il doit préserver mon insuline au frais pendant notre saison.
Une revue de détail plus précise
Vu l'étendue des dégâts et pour les besoins de l'assurance, nous demandons au chantier de contacter un technicien pour préparer un devis. Malgré le confinement, aussi valable en Grèce, un technicien vient à bord et vérifie le système électrique. Après de longues investigations, il diagnostique un court-circuit sur le tableau électrique et débranche une partie de celui-ci pour arrêter l'odeur de brulé. Après il prend note de tous nos instruments et commence à vérifier leur état. La liste des appareils HS s'allonge…
Une liste à la Prévert
Les 2 régulateurs des panneaux solaires ne fonctionnent plus. L'amplificateur de réseau wifi semble mort. Les 3 prises USB sont cramées. Les plafonniers avec les ampoules à LEDs sont noirs et certains ont même explosé, car on retrouve le verre dépoli au sol. Le guindeau marche, mais seulement pour descendre l'ancre, pas pour la remonter. Le propulseur d'étrave marche, mais une fois le courant branché, il siffle en continu. Pour le réseau NMEA 2000, le technicien est très pessimiste, mais ne peut vérifier sur place si les appareils sont aussi touchés.
Heureusement certains appareils fonctionnent comme le dessalinisateur et le chargeur de batteries. Le groupe électrogène et le moteur fonctionnent aussi.
Après son inspection, le technicien nous promet de faire son devis malgré la période de confinement, mais il me prévient que des problèmes d'approvisionnement sont a prévoir…
La foudre passe où elle veut
En attendant ce devis, je me rends compte que le parcours de la foudre a été très erratique dans le bateau. L'automne dernier, en quittant le bateau pour éviter qu'elle rouille dans la baille, j'avais sorti l'ancre sur une palette au pied du bateau. Je me disais aussi que si la foudre venait frapper le mât, elle allait descendre via l'étai et continuer son chemin jusqu'au sol via la chaine d'ancre. Je me suis trompé. En réalité la foudre est descendue dans le mât par les fils de la VHF et du feu de mouillage. Arrivé en bas du mat, l'arc électrique a sauté sur un boulon de quille non sans avoir touché une tresse de câbles qui venaient du tableau électrique ainsi que la dorsale NMEA 2000. C'est par là que tous les instruments électroniques ont été atteint via leurs fils d'alimentation.
Double peine et réflexions
Notre saison 2020 est maintenant doublement affectée, c'est un peu la double peine : non seulement il y a le confinement et en plus il va falloir réparer ou remplacer les appareils défectueux.
Une question me trotte dans la tête comment aurais je pu limiter les dégâts ? J'avais débranché toutes les antennes et les coupe-circuits des batteries. Mais cela a protégé certains appareils, mais pas tous. En fin de saison prochaine, je vais certainement débrancher tous les appareils du réseau NMEA si possible et débrancher aussi le tableau électrique, car je crois que ces mesures peuvent contribuer à réduire l'impact de la foudre.
Pour finir, je m'estime heureux que le bateau n'ait pas pris feu et qu'il reste réparable. Mon assurance est en règle et cela me rassure. Espérons que tout s'arrange avec la fin du confinement, afin de reprendre la mer dès que possible.