Interview / Gilles Lamiré : "Le niveau sera très élevé en Multi50 sur la Transat Jacques Vabre 2019"

Gilles Lamiré © Xavier Bouquin

Le Cancalais Gilles Lamiré sera au départ de la Transat Jacques Vabre 2019 sur son nouveau Multi50, Groupe GCA — Mille et Un Sourires avec Antoine Carpentier. Ambitions, projets, état d'esprit, il se confie sur ses envies et objectifs.

De la plaisance professionnelle à la course au large

Gilles Lamiré à un parcours quelque peu atypique dans le monde de la course au large. Issu du milieu de la plaisance professionnelle, il intègre le milieu de la course en participant à la Route du Rhum en 2006. "J'ai mis le doigt dedans en 2006 et je ne me suis plus jamais arrêté."

Depuis, il a participé à quatre Route du Rhum, à la Transat Anglaise, à la Québéc-Saint-Malo ou encore à quatre Transat Jacques-Vabre. "J'ai cumulé beaucoup de transatlantiques en course et je me suis spécialisé par goût dans le multicoque."

Il fait ses débuts en ORMA, "les multis de référence, les plus belles Formule 1 qui n'ont jamais existé, avec un plateau incroyable." Et il navigue aujourd'hui en Multi50.

"Les Multi50 se rapprochent beaucoup des ORMA. Ce sont de petits ORMA qui vont aussi vite, voir plus vite. Aujourd'hui, ces multicoques modernes sont dotés de foils et volent, affichant des pointes à plus de 40 nœuds. Le record est d'ailleurs de 42 nœuds.

On parle beaucoup des Ultimes qui font des pointes à 50 nœuds, mais en Multi50, 40 nœuds c'est déjà incroyable compte tenu de la différence de taille entre ces deux supports. Ce sont des bateaux spectaculaires. J'aime les multicoques, car ce sont les bateaux les plus rapides. Ça va très vite, et c'est ce qui me plait de traverser l'Atlantique à grande vitesse !"

Le Crêpes Whaou III ©Histoiredeshalfs

Le Multi50 Groupe CGA Milles et Un Sourires, une machine à gagner

Depuis avril 2019, Gilles navigue sur le Multi50 Groupe CGA Mille et Un Sourires grâce à l'engagement à ses côtés de Groupe GCA qui a décidé de s'investir dans le sponsoring voile pour un programme de 4 ans, dont le bouquet final sera la Route du Rhum 2022.

Ce multicoque de 15 m de long et de large est l'ancien FenêtreA Mix Buffet skippé par Erwan Le Roux. "C'est un super bateau qui a déjà remporté trois fois la Transat Jacques Vabre. Équipé de foils, il offre des performances assez incroyables. De par son palmarès, c'est un des meilleurs bateaux du plateau. Je suis très content d'en être le skipper."

En effet, il n'était pas question pour le skipper de construire un nouveau bateau — projet ambitieux et onéreux. "Pourquoi construire un bateau quand il y a celui que vous voulez, prêt, avec les clés dessus ? Erwan Le Roux a participé à sa conception, en a suivi la construction et l'a ensuite développé pour son compte."

Pour l'instant, le skipper n'a procédé à aucune optimisation ni modification. Il se consacre d'abord à sa prise en main. "J'appréhende déjà mon bateau et peut-être que par la suite, j'apporterai des nouveautés. Il est déjà au top. Erwan a fait tout ce qu'il fallait pour qu'il soit ultra performant."

La French Tech Rennes Saint Malo cherche nouveau skipper

Avant, Gilles Lamiré évoluait sur La French Tech Rennes Saint-Malo, un plan Cabaret/Irens de 2009. Un bateau sur lequel il a navigué quatre saisons et gagné la Transat Anglaise (The Transat Bakerly) en 2016.

"J'ai fait mes armes sur la French Tech Rennes Saint-Malo et j'ai beaucoup progressé, mais c'est un bateau sans foil. Je plafonnais et je n'avais aucune possibilité de gagne. Avec ce nouveau bateau, j'ai toutes les capacités de gagner et ça me plait."

Le Multi50 est désormais à Saint-Malo en attente de son nouveau skipper. Fabrice Payen avait prévu de prendre le départ de la Transat Jacques-Vabre 2019 à son bord, mais faute de moyens, il a dû abandonner ce projet. "C'est un excellent bateau de large. Il est en très bon état et a encore de bonnes heures de course à large devant lui. Je le prépare actuellement pour son nouveau skipper. Cette année, c'était trop juste pour que Fabrice Payen monte un projet financièrement viable sur le long terme."

L'ADN d'un ORMA

Cela faisait un moment que Gilles surveillait son nouveau bateau, qui était pour lui un "choix évident" compte tenu de son ADN. "Franck-Yves Escoffier, ancien président de la classe Multi50, a fait construire ce bateau en 2008 sous le nom de Crêpes Wahou III. C'était la référence et il a été développé par l'un des skippers les plus expérimentés de Multi50. C'est un plan VPLP construit chez CDK Technologies et issu de la classe ORMA. On retrouve dans l'architecture de ce bateau beaucoup de l'expérience développée dans cette classe de trimarans."

Une classe qui "faisait rêver" Gilles, admiratif devant Groupama de Franck Cammas. Dorénavant, plus besoin de rêver, il possède enfin son "petit Groupama, qui était le meilleur des ORMA."

La découverte des foils

"La grande nouveauté, c'était les foils." S'il n'a aucun apriori sur ces appendices, Gilles est agréablement surpris par ce qu'apportent les foils sur les Multi50. "C'est incroyable en termes de vitesse et d'accélération. Les bateaux gagnent 3 à 4 nœuds, c'est vraiment important. Sur un bord de reaching au travers, avec les foils, nous allions entre 25 et 35 nœuds ! Même sans portance sur les safrans, les bateaux volent !"

Le rake qui permet de régler l'incidence des foils pour apporter plus ou moins de portance joue aussi un grand rôle dans la sécurité. "Dans la brise, le rake est réglé au maximum pour surélever le flotteur au-dessus de l'eau et avoir plus de stabilité. On passe au-dessus des vagues de manière très stable, en toute sécurité, avec une grosse sensation de vitesse."

Le Multi50 Groupe GCA Mille et Un Sourires © Bonnie and Clark

Objectif gagne sur la TJV 2019 !

Le 27 octobre prochain, Gilles effectuera sa première transat à bord de son nouveau Multi50. Il sera accompagné par Antoine Carpentier sur cette Transat Jacques Vabre 2019 avec une seule ambition : "Gagner !".

C'est grâce à un ami commun — Maxime Sorel, skipper cancalais de l'IMOCA V and B — Mayenne — que Gilles a fait la connaissance d'Antoine. En 2017, le skipper du monocoque de 60 pieds avait couru et remporté la Transat Jacques Vabre avec Antoine Carpentier dans la catégorie Class40.

"Maxime m'a proposé de venir naviguer avec Antoine Carpentier, qui connait bien mon bateau. Il a remporté la Québec Saint-Malo à son bord. J'ai trouvé l'idée excellente et dans ma méthode de fonctionnement, c'est primordial d'avoir quelqu'un avec moi qui connaisse le bateau. Ça a été une évidence. On s'entendait bien, il connait bien le bateau et il était disponible. Je suis content de naviguer avec lui, nous avons le même état d'esprit."

En dehors de l'affinité respective entre les deux hommes, c'est aussi le palmarès de marin qui a convaincu Gilles. "C'est un très grand marin, qui cumule une cinquantaine de victoires. Il est ultra motivé et a le goût de la gagne."

Gilles Lamiré et Antoine Carpentier © Défi Nautic

Un niveau très élevé

Même si cette année, la classe sera peu représentée sur la Transat Jacques Vabre 2019, elle est en plein développement. "L'année prochaine, on sait qu'il y aura huit bateaux avec un niveau équivalent."

Ils seront donc trois binômes à prendre le départ, parmi lesquels Thibaut Vauchel Camus et Fred Duthil sur Solidaires En Peloton – ARSEP et Sébastien Rogues et Matthieu Souben sur Primonial.

"J'ai beaucoup de respect pour eux. Ce sont de très grands marins. Le niveau sera très élevé, mais c'est ce qui est intéressant. Les trois bateaux peuvent gagner l'épreuve."

Pour cette traversée d'environ 10 jours, Gilles ne veut rien lâcher. "On va être rapide, et naviguer proprement pour être à l'arrivée. S'il y avait un pronostic à faire, je dirais que la course va se dérouler dans un mouchoir de poche jusqu'à l'arrivée. Ça va être à nous d'être devant. On attend du match, ça va être passionnant."

Le Multi50 Groupe GCA Mille et Un Sourires © Défi Nautic

Une très belle course passionnante

"La Transat Jacques Vabre est une course passionnante." Cette transatlantique de 4350 milles entre Le Havre et Salvador de Bahia démarre dans l'hémisphère nord pour prendre fin dans l'hémisphère sud. "Le parcours est plus long en distance, mais plus court en durée que celui de la Route du Rhum."

Ce qui plait au skipper de GCA Milles et Un Sourires, ce sont les différentes conditions rencontrées. "Les phases sont très variées : la sortie de la Manche, puis la traversée du Golfe de Gascogne, la descente le long du Portugal, puis du portant au large de l'Afrique pour traverser jusqu'aux îles. Enfin, il faut traverser le pot au noir puis effectuer un dernier run dans le sud avec des alizés de sud-ouest puis longer les côtes du brésil au portant."

Le Multi50 Groupe GCA Mille et Un Sourires © Bonnie and Clark

Un programme affûté pour la suite

Après la Transat Jacques Vabre 2019, Gilles défendra son titre sur la Transat Anglaise en 2020. Un défi motivant puisqu'il aura pu cumuler entre temps, de nombreux milles à bord de son nouveau bateau. Ce nouveau parcours entre Brest et Charleston est "très intéressant et adapté aux Multi50 avec une route moins risquée."

Il enchainera ensuite avec la Québec — Saint-Malo en équipage, à l'été 2020. Une course qu'il connait bien pour y participer depuis deux éditions et qui se déroule tous les quatre ans. "J'ai beaucoup d'amis sur place et quand j'y arrive, c'est un peu comme si j'arrivais à la maison, à Saint-Malo."

En 2021, la Transat Jacques Vabre fera son grand retour puis enfin, la Route du Rhum 2022. "C'est la course de référence. Je rêverais de gagner la RDR 2022."

Ce programme de quatre ans, démarré avec la Transat Jacques Vabre et achevé avec la Route du Rhum se courra en alternance d'équipage et de solitaire, un format que Gilles apprécie particulièrement.

"J'aime la navigation en solitaire. Je ne suis pas non plus un ours et j'aime naviguer en double, mais le solitaire est un défi envers moi-même et il n'y a rien de plus beau. Je suis très exigeant, plus à mon égard qu'avec les autres. J'aime les défis et j'aime me surprendre. Je ne laisse rien au hasard. Gagner en solitaire c'est vraiment épanouissant."

Une cause solidaire

Avec son sponsor Groupe GCA, Gilles soutient l'association 1001 Sourires, une cause qui lui tient à cœur. "On vit de nos passions et c'est super. Mais c'est important de mettre en lumière une cause ou une association pour apporter notre contribution."

Gilles est parrain de l'association, qui vient en aide aux enfants malades et leur famille. "Ça me touche beaucoup, car c'est du concret. On peut faire beaucoup ! D'abord au niveau de la recherche pour soigner ces maladies, mais aussi en s'occupant d'eux. Un enfant ne devrait pas être malade ! Parfois la famille n'a pas les moyens de subvenir à ces besoins spécifiques. La maladie chamboule tout !"

L'association essaye donc d'apporter des financements pour que chaque enfant malade puisse partager des moments de bonheur en famille.

"C'est important de faire la lumière sur cette association et de les aider à financer ces actions concrètes grâce à nos partenaires. L'année dernière, sur la Route du Rhum 2018, on offrait chaque jour un rêve à un enfant malade. Au départ de la Transat Jacques Vabre, je serais avec Jules, 7 ans, victime à la naissance d'une méningite aigüe. L'idée c'est qu'il nous accompagne pour lui apporter des étoiles dans les yeux."

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