Quel est ton premier souvenir en mer ?
C'est un peu flou parce qu'il remonte à loin : je devais avoir six ans, et c'était ma première sortie en Optimist, dans la baie de Saint-Jean-de-Luz... Mais, mon premier souvenir un peu conséquent, c'est plus tard, en 2007, j'avais vingt ans : je descendais de La Rochelle vers le Pays basque sur mon pogo, un Mini 6.50, celui avec lequel j'ai couru la mini transat en 2009. Ça a été ma première nuit en solitaire... Ça m'a permis de comprendre quels étaient les enjeux de ce type de navigation ! Pour la course au large, mes premières réelles sensations, c'était lors du Trophée Marie-Agnés Pèron en 6.50, en 2009 au départ de Douarnenez, où je suis arrivé premier. Et c'était, je crois, autant pour la navigation que pour la victoire, que je m'en souviens si bien : j'ai vraiment un mental de compétiteur, je l'admets !
Qu'est-ce qui t'a donné envie de te lancer dans cette carrière ?
Il y a deux raisons, aussi déterminante l'une que l'autre pour moi. D'abord, mon attrait pour la course au large. Je me suis toujours éclaté dans la compétition. Entre deux lignes, de départ et d'arrivée, tout donner de soi me passionne, que ce soit pendant 25 minutes ou 28 jours d'ailleurs ! Se remettre en question à chaque instant : la trajectoire, le choix des voiles… Et puis, il y a aussi eu la gestion de projet qui m'a vraiment intéressé. Avant de s'aligner au départ, il faut s'organiser bien en amont : établir une stratégie, trouver des partenaires, choisir le type de course, le format de bateau, imaginer comment le construire… Bref, chaque jour ou presque, on fait quelque chose de différent. C'est un concept qui me plait bien : la non-redondance ! En me lançant dans cette activité, j'ai aussi découvert une forme de liberté que j'apprécie beaucoup. Quand je suis en mer, je la ressens bien sûr. Mais aussi quand je suis à terre quand je crée, fait vivre et grandir une entreprise, quand je laisse mon imagination, parfois mon ambition même, guider mes projets.
As-tu eu un mentor ou un autre skipper qui t'a marqué ?
Bien sûr, quand j'étais gamin, des navigateurs m'ont fait rêver, m'ont transmis leur passion : Desjoyeaux, Peyron frères, par exemple. Je me disais : "c'est magique ce qu'ils font !". Pour tout dire, il y en a un qui a été vraiment important pour moi : Yves le Bellec. Il m'a accompagné pendant plusieurs mois après que je sois tombé à l'eau quand je faisais ma transat en solitaire en 6.50m en 2009. Il m'a beaucoup appris, notamment à me structurer, à comprendre comment ça se passait dans le milieu de la course au large. On se voyait à intervalles réguliers. J'avais des objectifs sportifs, techniques, dans la gestion de projet aussi. On débriefait, il me poussait à prioriser… Bref, il a été comme un accélérateur pour moi. Et dans ma victoire de 2013 dans la Transat Jacques Vabre, ça a été déterminant. Aussi parce qu'il m'a fait comprendre qu'au-delà du budget, des enjeux… il fallait, quand on était au cœur de l'océan, prendre du recul, et être avant tout un bon marin. Un jour, il m'a raconté qu'il avait navigué en ciseaux, à la sortie des Canaries, je crois… Et ça, en pleine course ! En 2013, alors que l'on tirait tous des bords au portant dans la forte brise, je me suis dit : "Pourquoi pas ?". Et, avec Fabien Delahaye avec qui je courrais, on a fait de la "plaisance", tout en gagnant des milles sur nos concurrents ! Je peux vous assurer que si Yves ne m'avait pas raconté son histoire, jamais je n'aurais osé…
Quel bateau t'a laissé le meilleur souvenir ?
Aujourd'hui, c'est le Class 40. C'est lui qui m'a donné le plus de plaisir pour l'instant. J'en aimais les lignes, le comportement en mer, les bruits, et je me sentais aussi à l'aise à la barre que devant l'ordinateur ou dans ma bannette pour me reposer. Et avec lui, deux saisons entières à gagner ! Sans rien laisser à la concurrence. Cet enchaînement de victoires incroyables, quand on est un compétiteur dans l'âme comme moi, on ne peut que l'apprécier ! Et puis, comme toutes les bonnes choses ont une fin, je n'ai pas pu concrétiser la victoire sur la Route du Rhum en 2014… Ça a été dur. Mais maintenant, je regarde cet épisode avec détachement : je n'avais que 28 ans à l'époque. Ça m'a aidé à relativiser ! Et puis, cette incroyable course, c'est l'objectif d'une carrière et la mienne n'est pas encore close. La construction du Class 40 avait aussi catalysé toute mon énergie, mon envie… alors au moment de le vendre, oui, ça a été un crève-cœur.
Quelle est ta plus belle réussite de marin ?
Avoir pu exercer ce métier depuis dix ans avec un certain nombre de victoires à la clé ! Mais aussi avoir eu la possibilité de faire des choix : par exemple, après la course au large de 2015 à 2017, celui de m'être lancé dans le circuit des GC 32, ces voiliers en fibre de carbone de 12m de long qui volent. Je sais que, vu de l'extérieur, ça a pu ne pas être bien compris, mais moi je voulais voir comment un bateau pouvait voler. Et ainsi, aller vers l'innovation plutôt que d'attendre qu'elle nous tombe dessus ! On a pris des risques. On est sorti de notre zone de confort. Se lancer dans une discipline et sur un circuit, si jeunes, où nous n'étions pas en position de favori, ça n'est pas simple ! Cette expérience m'a pourtant permis d'acquérir une vision et un savoir-faire dans ce domaine de la navigation avec foils. Nous avons pris de l'avance… et serons prêts au moment où nous pourrons l'appliquer.
Au quotidien, quelle est ta pratique de la plaisance ?
C'est peut-être un vilain défaut, mais je l'avoue, je me mets facilement en mode compétition… alors avec un équipage composé de plaisanciers, ça ne colle pas forcément. Et puis, je manque aussi de temps, je peine à faire de longues coupures dans mon travail. Peut-être un truc à travailler chez moi ? Il faut dire que j'ai des enfants en bas âge et une croisière en famille, ça n'est pas toujours synonyme de vraies vacances pour les parents ! Dans quelques années, sans doute que je ferai plus de plaisance. Et je sais déjà où j'irai, car, au cours de courses, j'ai repéré des coins extraordinaires. Par exemple, l'ile de Minorque, aux Baléares : les conditions météo nous avaient poussés à naviguer très près de la côte, très vite aussi… mais je me suis dit que je reviendrai là pour y passer plus de temps ! Les littorals du Brésil et du Cap Vert aussi sont des côtes que j'aimerais relonger de façon plus détendue.
Quelle est ta zone de navigation favorite et celle que tu redoutes ?
En fait, je ne pense pas que j'en apprécie une plus que l'autre. D'autant plus d'ailleurs qu'en course au large on ne passe pas dans des endroits très spécifiques. C'est surtout une question de conditions météorologiques au moment où je traverse ces zones. Le Golf de Gascogne, par exemple, est si différent quand il n'y a pas un souffle ou quand la mer est levée. Idem pour les Cornouailles : avec du courant et peu de vent, ou l'inverse, on n'en garde pas du tout le même souvenir ! On peut être en extase ou au contraire appréhender.
Si tu n'avais pas été skipper, qu'aurais-tu fait ?
À 15 ans, je voulais être pilote de chasse. Aujourd'hui, je dirais "chef d'entreprise"… et ça tombe bien parce que je le suis en quelque sorte ! Je pense qu'un jour je monterai une entreprise, pas forcément liée au monde sportif d'ailleurs, mais avec toutes les composantes d'une vraie société. J'aime l'idée de créer de la valeur, d'apporter des solutions aux gens à travers un produit bien pensé pour ça. J'ai déjà quelques idées dans mon ordi ! Mais, pour l'heure, c'est le mon projet sportif et le Yatch Club des Entrepreneurs qui m'occupe...
Et le jour où tu ne seras plus skipper…
En fait, quand on fait de la course au large, je pense qu'on est toujours en train de préparer son après carrière. Dix ans de gestion de projets dans le nautisme, je peux vous dire que c'est très formateur : on aborde des secteurs très variés ! Donc, même si demain la voile devait s'arrêter de manière brutale pour moi, je n'ai pas l'impression que je serais perdu. Je pourrais aller vers d'autres projets.
Palmarès
- 2017
GC32 Racing Tour : 4ème - 2016
GC32 Racing Tour : 5ème - 2015
GC32 Racing Tour : 5ème - 2014
Grand Prix Guyader (Class40) : 1er
Normandy Channel Race (Class40) : 1er
Record SNSM / La Qualif (Class40) : 1er
LA ROUTE DU RHUM - DESTINATION GUADELOUPE : GDF SUEZ DNF
LA QUALIF' 130 GDF SUEZ : 1er - 2013
Transat Jacques-Vabre 2013(Class40) : 1er, en double avec Fabien Delahaye[12]
Rolex Fastnet Race(Class40) : 1er
Les Sables - Horta (Class40) : 1er
Grand Prix Guyader (Class40) : 1er
ArMen Race (Class40) : 1er
Record SNSM(Class40) : 1er - 2012
Transat Québec-Saint-Malo(Class40) : 3ème, en équipage avec Sébastien Marsset et Rémi Beauvais
Atlantic Cup (Class40) : 7ème, en double avec Jeffrey MacFarlane
Solidaire du Chocolat (Class40) : 5ème - 2011
Pornichet Select 6,50 : 1er
Trophée Marie-Agnès Péron : 2ème
Transgascogne : 5ème
Vainqueur de la première étape de la Transat 6,50 - 2010
Mini Barcelona : 1er
Les Sables-Les Açores-Les Sables : 5ème
Chrono 6,50 : 1er
Mini-Fastnet : 3ème
Trophée Marie-Agnès Péron : 6ème
Pornichet Select 6,50 : 1er - 2009
Classement Classe Mini : vainqueur (Série 6.50)
Transat 6.50 : 8ème(sur 49) (Série 6.50)
Transgascogne : 3ème(Série 6.50)
Mini-Fastnet : 2ème(Série 6.50)
Trophée Marie-Agnès Péron : vainqueur (Série 6.50)
Chrono 6.50 : 2ème(Série 6.50)