Un bateau au ralenti...
Depuis l'arrivée du dernier concurrent de la Golden Globe Race, Tapio Lehtinen, on ne parle que des 110 jours qui le séparent du vainqueur de l'épreuve, Jean-Luc Van Den Heede. Ou plutôt de la raison qui a obligé le finlandais à naviguer presque 4 mois de plus pour clôturer sa circumnavigation : des centaines de pouce-pied et autres crustacés accrochés sur la coque de son bateau.
Pour ceux qui ne le savent pas, le pouce-pied est un crustacé qui tient son nom de sa ressemblance avec un pouce levé. Si son aspect peut dégouter, il paraitrait que c'est un véritable délice !
Alors qu'il se trouve dans l'océan indien, au coude-à-coude avec Istvan Kopar, il se fait largement dépasser. "J'ai pensé que quelque chose n'allait pas — peut-être un fil de pêche coincé dans l'hélice — et j'ai plongé par-dessus bord dans une zone de calmes juste avant la porte de Hobart pour vérifier. Ni bout ni filet, mais des pouces-pieds se développant sur toute la coque. La 1re fois que j'en ai vu sous la coque, j'ai su que la compétition était finie pour moi" explique Tapio.
Alors que plusieurs skippers ont profité de l'arrêt obligatoire en Tasmanie pour nettoyer leur coque, la phobie de Tapio l'en a empêché. En effet, le carénage des navires doit être réalisé à 200 milles des eaux territoriales. Or, quand le skipper finlandais était sur le point de plonger pour nettoyer sa carène, un requin a surgi à côté de son bateau, mettant fin à sa tentative de plongeon.
"Je bricolais l'échelle de montée à l'arrière et j'ai découvert cet énorme requin nageant le long du bateau — et ce fut le pire jour de ma vie" a déclaré le dernier de la Golden Globe Race.
C'est donc en toute conscience qu'il a choisi de continuer sa route, transportant au passage une faune marine sur son voilier. Néanmoins, le Gaia 36 Asteria de Tapio n'aurait pas dû être aussi sale, même au terme de 322 jours de navigation.
Alors, antifouling ou pas ?
La carène du bateau sorti d'eau a fait beaucoup parler ! "Tu me donneras le nom de ton antifouling que je ne l'utilise pas…" a pu-t-on lire parmi les nombreux commentaires laissés sur les réseaux sociaux. Même VDH — venu accueillir le dernier concurrent de la Golden Globe Race — y est allé de son commentaire : "C'est assez étrange. On se demande quel type d'antifouling a-t-il utilisé. J'ai déjà vu ça sur des bateaux restés plusieurs années dans l'eau, dans un port, mais normalement, un bateau en navigation ne doit pas être aussi sale."
On voit clairement sur les images une différence d'état de la coque entre le haut et le bas et donc la différence d'antifouling utilisé. Car oui Tapio avait bien un antifouling sur son bateau. Alors pourquoi cet état-là ?
Pour amuser la galerie, le skipper finlandais a même croqué un de ces fameux pouces-pieds, dont le kilo vaut 80 € en France ! Et quand on lui a indiqué que ça ne devait pas être très bon pour son estomac avec la peinture, ce dernier a répondu, "quelle peinture ?" en rigolant.
Alors s'agit-il d'une erreur d'antifouling ou d'une question de réglementation ? Car en Suède, les bateaux doivent avoir un taux de lessivage (lixiviation) du cuivre inférieur à 55 µg de cuivre/cm2/jour.
L'organisation explique : "Tapio a demandé à ce qu'un antifouling classique soit appliqué sur la coque de son bateau, ce qui n'a malheureusement pas été le cas. Personne ne l'a informé que son antifouling a été interchangé. C'est triste pour lui, mais c'est la vie."
Toujours est-il que le skipper de 61 ans a eu de la chance puisque son bateau aurait pu être sévèrement abimé. Si le safran n'a pas été endommagé, l'hélice doit être changée.
S'il en rit, Tapio est néanmoins désolé d'avoir navigué si peu vite, sur un "superbe bateau de course."